Débat

Réengager un collaborateur licencié, un pari gagnant?

La réintégration d'anciens collaborateurs dans une entreprise dépend en grande partie du contexte de la démarche, estiment les trois experts conviés à ce débat.

Christoph Hilber - conseiller en personnel, P-CONNECT - Executive Search & Outplacement

Une réintégration après licenciement vaut la peine, indépendamment du fait que les collaborateurs aient démissionné ou qu'ils aient été licenciés. J’émets cependant quelques réserves. La première: si les collaborateurs ont été licenciés pour des raisons graves, cette question ne se pose probablement pas pour les deux parties. On peut ensuite identifier différentes catégories:

  • «Les fans»: ceux qui ont été licenciés pour des raisons économiques se sont probablement bien sentis chez leur employeur et dans leur fonction et se sont identifiés à l'employeur et à la branche. Le personnel d'une compagnie aérienne est un bon exemple.
  • «Les retours après gain d'expérience»: les personnes qui réussissent veulent se développer. Travailler toute sa vie dans la même entreprise n'est pas une mauvaise chose, mais la vision devient inévitablement unilatérale. Celui qui fait l'expérience d'autres branches, entreprises, marchés ou cultures pense de manière plus ouverte, est plus créatif et plus tolérant. Les entreprises devraient donc considérer positivement les évolutions «externes» des collaborateurs et accueillir avec curiosité ceux qui reviennent.
  • «Les déçus en bien»: Souvent, les collaborateurs ne démissionnent pas tout à fait volontairement. Ils citent en général une «mauvaise alchimie» ou le mobbing comme motif de licenciement après une réorganisation. Si les anciens collaborateurs perçoivent des changements positifs dans l'entreprise de leur ancien employeur, ils postulent volontiers à nouveau. Ils deviennent alors des «fans».

Autre point important: une culture adéquate en matière de relations avec les collaborateurs constitue une condition sine qua non pour que la question d'un réengagement se pose. En cas de licenciement, cette culture est toutefois mise à l'épreuve. Indépendamment des circonstances: celui qui aide les personnes licenciées à se réorienter ou qui prend congé de celles qui ont volontairement démissionné de manière positive et sans mauvais sentiments, vit une culture positive - un passage obligé pour un retour.

En tant que conseiller en personnel, je considère qu'une réintégration représente une meilleure référence que n'importe quel certificat de travail. Et dans le contexte actuel de pénurie de main-d'œuvre, on ne peut pas vraiment tergiverser si l’opportunité d’une réembauche se présente.

Samuel Horner - avocat et notaire, Advokatur 107

Le «retour à l'ex» dans le monde professionnel est un concept de plus en plus populaire. L’après-démission peut vite se transformer en période de pré-engagement. Les employeurs ont donc tout intérêt à faire un travail solide dès la gestion des départs (entretien de licenciement, programmes d'anciens collaborateurs, rester en contact) et à respecter les règles du jeu juridiques. La réintégration volontaire d'un collaborateur n'a toutefois de sens que dans certains cas. Par exemple, lorsqu'une entreprise a dû prononcer un licenciement en raison de circonstances extérieures ou lorsqu'un collaborateur exprime de lui-même le souhait de réintégrer l'entreprise. Le cas de Swiss est un bon exemple: une partie du personnel a été licenciée pendant la pandémie et, quelques mois plus tard, une offre de réembauche a été faite aux personnes licenciées.

Lorsque les rapports de travail n'ont pas pris fin en raison d'un conflit et qu'aucune raison personnelle ou d'entreprise ne s'y oppose, la réintégration peut être avantageuse: les parties contractantes se connaissent déjà et les périodes d'initiation coûteuses, souvent liées à des risques légaux, sont supprimées. De plus, un recrutement financièrement coûteux devient alors inutile. D'un point de vue juridique, les parties devraient régler sans ambiguïté les points d'interprétation possibles lors d'une réembauche. Cela concerne par exemple un accord sur la nouvelle période d'essai ainsi que la prise en compte de l'ancienne durée d'emploi, ce qui peut être pertinent pour des questions liées à l'obligation de maintien du salaire ou les bonus.

Outre la réintégration volontaire, la loi sur le travail prévoit peu de cas dans lesquels une action en réintégration peut être provoquée judiciairement. Et dans le cas où un employeur est contraint de le faire, il y a souvent déjà trop de vaisselle cassée, de sorte que le maintien de l'emploi ne fait pas vraiment sens à long terme. Avant d'initier une action en justice, un collaborateur devrait donc bien réfléchir s'il veut s'accommoder de cette charge.

Thomas Landolt - partenaire chez Barnickel & Fellows GmbH

D'un point de vue économique, la réintégration d'anciens collaborateurs peut s’avérer très avantageuse - à condition que la séparation se soit déroulée en bonne intelligence et que le contact ait été maintenu. Ce qui est déterminant, ce sont les raisons pour lesquelles les parties ont décidé de suivre des voies différentes. Les employés qui se réorientent veulent se développer sur le plan professionnel et personnel. Ils souhaitent par exemple acquérir une expérience à l'étranger, découvrir un nouveau secteur ou acquérir des compétences supplémentaires. De telles démarches sont souvent plus faciles dans une autre entreprise que dans l'entreprise d'origine. Parallèlement, les entreprises doivent s'adapter aux conditions du marché en constante évolution, tout particulièrement en période de crise.

Actuellement, l'ensemble du secteur des voyages, par exemple, navigue à vue. Il n'est donc pas étonnant que certaines décisions (en matière de personnel) doivent être réajustées. Un autre exemple concerne le secteur de la santé, où l'on envisage même de motiver les anciens employés à revenir au moyen de primes. Je connais également des cas dans le secteur des services financiers ou d'anciens collaborateurs ont été rappelés dans l'entreprise à l’aide «d’embauches boomerang». De mon point de vue, tant du point de vue de l'entreprise que de celui des employés, il y a des arguments en faveur d'une telle procédure: les anciens collaborateurs connaissent l'organisation, la culture, les produits et les services, mais aussi les processus, et disposent souvent d'un réseau bien établi. Cela présente des avantages pour les deux parties. À l’inverse, de nouveaux arrivants doivent d'abord acquérir ces connaissances et développer des relations sur une longue période.

Pour les responsables RH, il peut être intéressant, du point de vue des coûts, de conserver les anciens collaborateurs dans le pool de talents et de rester en contact avec eux via les réseaux sociaux. Les posts d'emploi partagés via Linkedin ou Xing atteignent ainsi également les réseaux de l'entreprise par le biais de ses followers. Il est donc recommandé aux entreprises de ne jamais perdre de vue leurs anciens collaborateurs. Cela n'a d’ailleurs jamais été aussi simple grâce aux nombreuses possibilités de mise en réseau, mais c’est aussi toujours plus nécessaire en raison de la pénurie croissante de personnel qualifié.

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Texte: hrtoday.ch
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