République et Canton du Jura: «Dans une petite structure, les managers RH doivent porter plusieurs casquettes»
Sophie Beyermann dirige le service RH de la République et du Canton du Jura depuis 2019. Depuis le Covid, la relation au travail a changé et le positionnement de la fonction RH évolue vers une posture de partenaire RH et de gardien des valeurs. En 2026, le canton devra intégrer la commune de Moutier. Une occasion de revoir les process et l'organisation.
Photo: Nathan Queloz / Unsplash
Quel est votre enjeu RH prioritaire?
Sophie Beyermann: Dans un contexte financier de plus en plus contraignant, nous devons passer d’une logique de moyens à une logique de résultats. Aux valeurs traditionnelles de la fonction publique (égalité, équité, neutralité) s’ajoutent désormais des impératifs d’efficience et d’innovation.
C’est-à-dire?
Efficience en lien avec notre contexte financier de plus en plus contraignant, et innovation pour évoluer avec les besoins de nos concitoyens, notamment en termes de technologie, de nouvelles exigences environnementales et de densification des interactions sociales. En clair, nous devons faire évoluer nos pratiques RH pour répondre aux évolutions de la société. Nous l’avons très bien vu durant la crise Covid, quand il a fallu trouver des solutions rapidement.
Dans ce contexte, comment évolue le positionnement de la fonction RH?
D’un service du personnel classique vers un service RH intégré dans la stratégie globale de l’État. Nous devons combiner notre rôle d’expert et de garant des normes avec un rôle d’accompagnement stratégique et humain. Nous sommes en pleine transformation et ce nouveau positionnement se construit dans la durée, basé sur la confiance mutuelle et un leadership partagé avec les responsables de service. Ces derniers conservent un rôle central en matière de ressources humaines.
Comment comparez-vous cette évolution avec d’autres fonctions RH cantonales?
Cela représente un défi important, car nous sommes une petite structure RH. Chaque manager RH doit porter plusieurs casquettes. Il est à la fois partenaire RH et expert de son domaine. À titre d’exemple, notre chef des salaires, Marc Grossenbacher, et notre responsable juridique, Marina Markovic, sont également partenaires RH de plusieurs services.
Comment gérer cette double casquette RH sur le terrain?
Notre objectif premier est de permettre aux différents services de livrer leurs prestations à la collectivité. Cette mission est beaucoup plus compliquée dans un petit service, car nous avons parfois un seul poste pour tout un domaine, mais c’est aussi ce qui fait la richesse de notre métier. Il faut être très au clair sur les rôles de chacun et les positionnements qui peuvent évoluer selon la situation à traiter. Nous devons être garants des normes et facilitateurs pour atteindre les objectifs métiers. Nous devons changer de rôle selon les situations. C’est notre grand défi.
Quels sont vos autres enjeux RH?
Nous devons faciliter les transformations de notre organisation par le renforcement des compétences professionnelles via la formation notamment. Nous créons par exemple des parcours de formation de responsable d’équipe, de gestion administrative ou de gestion de projets basés sur des compétences clés. Notre responsable de la formation, Jonathan Chevrolet, est en train de revoir notre offre catalogue avec des formations plus ciblées. Ce dispositif de formation continue doit aussi accompagner les collaborateurs dans leurs projets professionnels.
D’autres projets RH à l’horizon?
En 2026, nous devrons accompagner l’arrivée de Moutier dans le canton du Jura. Cela représente environ 10% de population en plus. Les structures de l’administration cantonale devront ainsi être adaptées afin d’intégrer cette augmentation significative de la population. Il s’agit d’une opportunité réelle de réorganiser les processus au sein de l’administration cantonale afin de gagner en efficience et d’améliorer en continu la qualité des prestations offertes à la population. Le processus a déjà commencé.
Avez-vous de la peine à attirer des talents?
Oui et non. Depuis le Covid, la relation au travail a complétement changé. Nous avions anticipé ces nouvelles habitudes, mais c’est clairement devenu une réalité aujourd’hui. En termes de recrutement, nous faisons deux constats principaux. Pour les postes administratifs, c’est surtout un marché local, et nous sommes plutôt bien positionnés, avec de bonnes conditions. Pour les postes d’experts, de managers ou de spécialistes, le marché est beaucoup plus tendu, au niveau intercantonal, voire européen. Les profils IT sont difficiles à trouver depuis longtemps, mais la situation se complique aussi dans les domaines de la finance, de l’architecture et du juridique.
Comment faites-vous pour rester attractif?
Nous essayons de coller au plus près des évolutions de la société. Nous proposons du télétravail (40% de Home Office sur un temps plein, ndlr), des horaires flexibles, la possibilité d’acheter des semaines de vacances supplémentaires, des réductions de l’horaire hebdomadaire d’une ou deux heures, des postes partagés... tous ces arrangements doivent permettre à nos équipes de trouver un meilleur équilibre privé/professionnel. En tant qu’administration publique, c’est sur ces points-là que nous pouvons faire la différence, car nos échelles de traitement sont extrêmement claires et transparentes.
La fonction publique attire-t-elle plus aujourd’hui?
Oui. Nous avons presque autant de métiers que de collaborateurs (sourire). Et nous travaillons sur des grands projets de société avec un impact fort et direct sur la population.
Des exemples récents?
La construction du théâtre du Jura, plusieurs projets de transport public et le parc suisse de l’innovation par exemple.
Quels sont vos défis en termes de santé au travail?
En plus des thèmes classiques de santé et sécurité, nous menons plusieurs campagnes de prévention. La santé mentale est un autre enjeu majeur. La relation au travail a changé, aussi chez nos collaborateurs de longue date. De nombreuses personnes se questionnent sur la manière de réinvestir leur poste, voire de changer d’orientation. En termes de politique RH, nous revenons à des fondamentaux: recherche de sens, logiques d’intérêt général, solidarité, organisation du travail et une certaine forme de prévisibilité dans les parcours. Nous travaillons autour de ces déterminants très marqués et qui sont des puissants leviers de motivation.
Le service RH de la République et du canton du Jura
Le Service RH est rattaché au département des finances (sous la direction de la Ministre Rosalie Beuret Siess). L’administration cantonale (y compris le personnel enseignant) compte environ 2500 collaborateurs·trices (soit 275 millions de masse salariale). Le Service RH compte 13,85 EPT basés au siège de l’administration. La Police et l’Enseignement comptent également quelques postes RH décentralisés. Le Service RH est organisé en deux grands axes: administratif (salaires, assurances...) et développement (formation, évaluation, recrutement, santé au travail...) ainsi qu’une cellule accueil/secrétariat.