Résolution de conflits au travail: Attention! Terrain miné de partout
Situation de management a priori assez simple, la gestion de conflits en organisation est un processus très complexe qui réserve une série de pièges à celles et ceux qui s’y prendraient à la légère. C’est ce qui est ressorti d’une table ronde organisée début septembre par la HEG Arc Neuchâtel, en partenariat avec HR Today.
Un conflit au travail s’apparente à un gros éléphant, autour duquel s’activent toutes sortes d’intervenants: responsables RH, médiateurs, conciliateurs, coachs, collègues ou managers. Admettons que tous ce beau monde soient emplis de bonnes intentions, personne ne réalise vraiment qu’il est confronté à un éléphant.
Les uns frottent l’ivoire de ses défenses, les autres rabibochent un pied boîteux pendant que les moins chanceux se retrouvent du côté de l’arrière-train. Cette métaphore a été recueillie le 1er septembre 2010, pendant une table ronde sur la gestion des conflits à la HEG Arc de Neuchâtel.
L’histoire illustre fort bien la complexité et les risques bien réels qu’encourt un manager RH confronté à un conflit en organisation. Voici les idées maîtresses de cette table ronde. Arnaud Stimec, auteur de «La médiation en entreprise» (éd. Dunod), souligne d’emblée que tous les conflits ne sont pas nocifs pour la santé. «Un groupe de personnes qui ose exprimer et confronter ses idées est souvent beaucoup plus créatif et innovant. La ligne rouge entre un conflit sain et un conflit qui dégénère reste cependant toujours difficile à tracer.»
Mais une fois passé de l’autre côté, le risque est de poser un faux diagnostic sur une situation qui paraît souvent, au premier abord, évidente. «Mettre un nom sur un conflit au travail, c’est coller des étiquettes potentiellement fausses sur des situations et des personnes.
Des étiquettes qu’il est très difficile à décoller par la suite», prévient le psychiatre du travail genevois Davor Komplita. «Et il faut bien se rendre compte qu’on ne sort jamais indemne d’une procédure de médiation. Un collaborateur pointé du doigt, même innocent, se retrouvera enfermé dans sa souffrance. Et une fois que la machine est lancée, il devient très difficile de l’arrêter», poursuit Davor Komplita
Très souvent, la personne qui signale un conflit est aussi impliquée
De plus, poser un diagnostic (mobbing, harcèlement, communication, organisation du travail?) n’est pas à la portée de tout le monde. Un responsable RH, même très bien intentionné, ne réalise souvent pas les dégâts qu’il ou elle est susceptible de causer en déterminant des situations de conflits de manière prématurée.
Julien Perriard, coresponsable de la cellule Arc à la ville de Lausanne (une cellule dédiée à la gestion des conflits), commence toujours par mener une enquête approfondie sur les faits qui lui sont rapportés. Il précise: «Très souvent, la personne qui nous signale un conflit est impliquée. Ce sont des situations très délicates qu’il faut savoir démêler avec une extrême prudence.»
Puis il faut intervenir. Comment? «Chaque situation exige une intervention spécifique», note Arnaud Stimec. Quelques définitions s’avèrent ici utiles. Arlene Weingart, juriste et médiatrice commerciale à la Chambre neuchâteloise du commerce et de l’industrie, pose le cadre: «Le médiateur invite deux ou plusieurs personnes en conflit à trouver elles-mêmes une solution à leur difficulté.
Un arbitrage implique l’intervention d’un tiers neutre, doté d’une certaine autorité, et qui tranchera en faveur de l’un ou de l’autre. Une conciliation concerne les litiges juridiques qui risquent de s’embourber au tribunal».
On le voit bien: demander à une victime de mobbing d’entrer en médiation serait malvenu. Non seulement elle se retrouve au même niveau que son agresseur, mais elle doit encore faire l’effort de trouver une solution avec lui...
Mais ce qui frappe surtout Davor Komplita, c’est la manière dont les spécialistes de la gestion des conflits placent le problème sur un niveau personnel et psychologique. «Très souvent, le vrai enjeu d’un conflit au travail se situe dans le travail: des procédures boîteuses, des organisations mal adaptées, des objectifs pas clairs.
Il faut donc opter pour une approche globale de la situation si vous voulez résoudre le conflit sur la durée. C’est à la fois une affaire de personnes, de processus, de politique RH et de management.»