Allégeance au directeur Patrice Mangin
Leçon de management numéro 2: observer l’organisation et prendre sur soi pour changer ses dysfonctionnements. L’er-reur classique d’une trajectoire de cadre est de penser que les compétences métier vous aideront à franchir l’étape managériale. Silke Grabherr, ici aussi, fait preuve d’une grande maturité. Elle comprend que sa posture de scientifique ne lui servira pas pour influencer les enjeux humains. Elle fait allégeance à son directeur, le médecin Patrice Mangin, et observe attentivement les rouages de l’organisation. Elle ne se plaint pas des dysfonctionnements qui minent l’institut et réfléchit plutôt à des stratégies innovantes pour combler ses déficits.
Bombes à retardement
Etape numéro 3: prendre le pouvoir sans aliéner les candidats malheureux. Quand le poste de directeur du CMURL est mis au concours, elle ose sa candidature. «J’ai postulé car j’avais envie de changer les choses», dit-elle. Son plan de bataille est affûté. Elle dispose de tous les atouts: la reconnaissance de ses pairs, une bonne connaissance des dynamiques de l’organisation et une feuille de route pour passer ses cent premiers jours. Sa nomination entre en vigueur le 1er janvier 2016. Mais rien n’est encore gagné. Trois candidats malheureux sont encore là, des bombes à retardement qu’il faut manier avec délicatesse. Elle saisit tout de suite l’ampleur du péril et agit avec brio pour désamorcer les minuteries. Au premier, elle offre le poste de responsable romand de la médecine forensique, une nouvelle structure qu’elle crée de toutes pièces pour décloisonner les pôles genevois et vaudois. Au second, elle offre la chaise qu’elle a libérée, soit la direction de l’unité d’imagerie et d’anthropologie forensique. Enfin au troisième, elle propose de créer des nouvelles antennes en Suisse romande, en Valais et dans le Jura. Pour renforcer cette structure supra cantonale, elle crée un comité de direction, composé de 11 personnes, qu’elle réunit toutes les six semaines pour entendre leurs idées et discuter les dossiers chauds du moment.
Revenir au camp de base
Leçon de management numéro 3: parvenir au sommet n’est que la moitié du chemin. Les alpinistes le savent bien. Pour eux, le but d’une expédition est de revenir en vie au camp de base. Idem dans la vie en organisation. Une fois nommé directeur général, la longue descente ne fait que commencer. Identifier les concurrents malheureux aux postes. Réfléchir aux moyens d’en faire des alliés. Garder le leadership, assumer ses décisions, tout en restant à l’écoute. Cette seconde partie du parcours n’est pas une mince affaire. L’ivresse du sommet est un traître habile. Pourquoi redoubler d’efforts quand on vient d’être sacré roi? Pourquoi entraîner les autres avec soi quand une cour de fidèles se prosterne devant vous? Silke Grabherr a su éviter ces pièges. Elle est restée humble dans la victoire. Elle avoue certes avoir commis des erreurs. Elle aurait dû mieux expliquer le pourquoi de certaines décisions. Cette communication, dit-elle dans une courte interview vidéo à visionner sur hrtoday.ch, est primordiale quand vous dirigez le navire. C’est elle qui assure la pérennité de cette résurrection organisationnelle.
Un père brasseur de bière
Nous voici donc arrivés au camp de base. Nous lui demandons de nous raconter ses origines. Elle est née dans la campagne autrichienne en 1980. Une mère comptable, un père brasseur de bière. Très jeune, elle se découvre une passion pour l’équitation. Sur le dos d’un pur sang arabe, elle gagne le championnat d’Autriche de dressage. Qu’a-t-elle appris durant ces années au paddock? «La patience. Un cheval n’est jamais méchant, s’il a une attitude négative, c’est qu’il y a une raison. J’ai aussi appris que les chevaux les plus difficiles à dresser sont ceux qui vous donneront le plus de succès.» Après un brevet de comptable, elle enchaîne les petits boulots: cuisinière, serveuse, vendeuse de lits à eau. Toutes ses vacances y passent. Au moment de choisir sa voie, elle penche pour un métier dans le social, «car j’aime le contact avec les gens». Elle hésite entre la police et la médecine. Elle a donc réussi à combiner les deux. L’interview se termine. Il est passé 18h00. Dehors sur le parking, seule une moto attend.
Bio express
- 1980 Naissance en Autriche
- 1998 Championne de dressage
- 2003 Invente l'angiographie post-mortem
- 2007 Entre au Centre universitaire romand de médecin légale (CURML)
- 2016 Nommé directrice du CURML