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Les Etats-Unis se proclament souvent comme étant une terre de liberté. Mais force est de constater que cette liberté est souvent très régulée. Pour un Européen, cette régulation absolue peut surprendre, autant qu’elle peut choquer. Imaginez que vous emmenez pour la première fois un de vos enfants à l’anniversaire d’une copine. Dès votre arrivée, il faudra signer un «waiver » pour que votre petit puisse avoir le droit de jouer...
Dans l’entreprise aussi, les «rules» sont omniprésentes. Elles régulent la vie, et les interactions entre les employés. En matière de Ressources Humaines, nous pensons souvent à tort que le droit social américain est vide. Il n’en est rien. Une grande partie de nos collègues HR aux US passent donc leur temps à gérer des questions «d’employee relations» (ER), multiples formes de conflits management/employés inspirés – voire suscités par les règles. En effet, le moindre écart peut justifier le recours au «human ressources». Je me suis demandé pourquoi une société aussi dynamique avait besoin d’autant de contraintes. Et après en avoir parlé à mes collègues, j’ai compris que la règle était aussi un vecteur culturel et un outil d’intégration.
Les Etats-Unis se sont construits par le «melting pot» et la fusion des cultures. Le développement du pays s’est aussi fait sur et par une forte culture religieuse, emprunte de nombreuses règles. En 2014, cette histoire continue à influencer la vie de nos collègues. Mais permet aussi une intégration plus facile et plus visible que dans d’autres pays. Et dans l’entreprise, la présence de règles rassure autant qu’elle aide les nouveaux à être plus efficaces plus rapidement. Mais bien sûr, il y a une face négative à cette réalité.
D’abord, la présence des règles bloque parfois l’innovation, pas tant dans la recherche, mais dans la pratique managériale quotidienne. Comme tout est normé, le management se retrouve souvent prisonnier de ce carcan, au point de se transformer en «régulateur». Si le livre: «First break all the rules» est un des plus grands succès de la littérature managériale, ce n’est pas pour rien!
Le second effet négatif des «rules», c’est qu’on ne peut, bien sûr, pas les violer. Cela semble évident, mais lorsque vous êtes en compétition avec des entreprises qui se sont construites dans une autre culture (Asie, Europe), la machine commence à tourner à vide. Pour changer les règles et s’adapter à la compétition internationale, il faut alors non pas les oublier, mais en créer de nouvelles permettant de changer de pratiques. Sans pour autant effacer les autres. Et les équipes commencent à crouler sous les normes au point de parfois étouffer...
Enfin, ce couvercle normatif peut aussi avoir l’effet inverse de celui escompté, et rendre l’intégration plus difficile. Parce que certaines cultures sont plus enclines à défier les normes, et se retrouvent parfois en situation difficile. Aujourd’hui, je commence beaucoup de mes entretiens par: «Hi! I’m european…» pour expliquer que mon approche sera différente. Y compris en matière de règles. Et ça marche… En partant de Suisse, une de mes collègues m’a demandé si j’allais changer mon style pour m’adapter. Ma réponse fut d’abord positive. Après plusieurs mois, je relativise cette posture.
Oui, il faut «utiliser» ces règles pour s’intégrer. Je dis bien utiliser, ce qui suppose d’avoir un certain «détachement». Mais je dis également: «Non». Parce que notre approche européenne peut apporter beaucoup en nous différenciant et en aidant nos collègues à gérer différemment le poids de la régulation. En s’affichant comme Européens, nous pouvons ainsi à la fois aider parce que nous menaçons moins la culture dominante. C’est tout l’avantage d’être différent!