Temps de travail en Suisse: ce qu’il faut savoir
Les règles concernant le temps de travail sont souvent méconnues des employés, comme des employeurs qui doivent jongler avec de nombreuses contraintes. Patrick Mock, responsable du Service juridique du Centre Patronal, détaille les principaux points d’attention du sujet.
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Patrick Mock, responsable du Service juridique du Centre Patronal. (Photo: DR)
Pouvez-vous rappeler la durée maximale légale du temps de travail en Suisse?
Patrick Mock: La Loi sur le travail (LTr) fixe une limite de 45 heures par semaine pour les employés de l'industrie, le personnel administratif, les techniciens et les employés de vente dans les grandes entreprises de commerce de détail. Cette limite est de 50 heures par semaine pour les autres travailleurs. À noter, par ailleurs, que le travail journalier (sans travail de nuit) de chaque employé doit en principe être compris dans un espace de 14 heures, pauses et heures supplémentaires incluses.
Peut-on la dépasser?
Oui, c’est possible dans diverses circonstances prévues par la loi. Par exemple, l’Ordonnance 1 relative à la loi sur le travail (OLT 1) permet une prolongation temporaire jusqu’à 4 heures par semaine, sans autorisation, pour des secteurs soumis à d’importantes fluctuations saisonnières (hôtellerie) ou à des interruptions dues aux intempéries (construction). Et ce à condition que la moyenne sur 6 mois respecte toujours la limite des 45 ou 50 heures.
Quels sont les points d’attention à avoir en tête?
De nombreuses entreprises n’appliquent pas correctement les exigences concernant l’enregistrement du temps de travail. Pour rappel, chaque employé doit enregistrer précisément son temps de travail: heure d’arrivée, départ en pause, retour et départ en fin de journée. Il existe une forme d’enregistrement simplifié, pour certains cadres ou en cas d’accord avec les employés (art. 73b OLT1). Le décompte des heures effectuées doit en outre être conservé pendant cinq ans. Sans ces données, les inspecteurs cantonaux ne peuvent pas vérifier si l’entreprise respecte ses obligations.
Quelle est la différence entre heures supplémentaires et travail supplémentaire?
Les heures supplémentaires sont celles qui dépassent l'horaire contractuel mais restent dans la limite de la durée légale maximale, par exemple un employé avec un contrat de 42h qui travaille 45h. Elles sont généralement compensées par un congé de durée équivalente ou une rémunération à 100% ou 125%, selon ce qui est prévu par le contrat.
Le travail supplémentaire, en revanche, correspond aux heures excédant la durée légale. Soit au maximum 2 heures par jour / 170 heures par année civile lorsque la durée maximale de la semaine est de 45 heures ou 140 heures par année civile si la durée maximale de la semaine est de 50 heures. Le travail supplémentaire doit être payé avec un supplément de 25% pour une partie des heures, sauf si un accord prévoit une compensation par un congé équivalent.
Quelles règles s’appliquent au travail de nuit et du dimanche?
Le travail de nuit (23h - 6h) est en principe interdit, sauf si une dérogation est prévue dans l’Ordonnance 2 relative à la loi sur le travail (OLT2) ou si une autorisation a été accordée par les autorités. Si le travailleur effectue moins de 25 nuits par année civile, une majoration de salaire de 25% lui est due pour les heures de nuit. Si le travailleur est occupé 25 nuits ou plus durant l’année, il n’a pas droit au supplément de salaire mais à une compensation en temps équivalant à 10% du temps travaillé de nuit. Le travail du dimanche (de samedi 23h à dimanche 23h), ainsi que durant un jour férié, est lui aussi interdit, sauf exception selon l’Ordonnance 2 relative à la loi sur le travail ou autorisation. Lorsqu’il est accordé, un jour de travail le dimanche (> 5 heures) doit être compensé par un jour de repos supplémentaire dans la semaine précédente ou suivante. Si le travail du dimanche est temporaire (jusqu’à 6 jours dans l’année civile), une majoration de salaire de 50% est également due.
Comment sont règlementées les pauses?
La loi impose des pauses minimales obligatoires de 15 minutes pour une journée de plus de 5h30, 30 minutes pour plus de 7 heures et 1 heure pour plus de 9 heures. Elles doivent interrompre le travail en son milieu. Une tranche de travail excédant 5h30 avant ou après une pause donne droit à une pause supplémentaire. Une heure et demie au moins de pause midi doit être accordée si un travailleur ayant des responsabilités familiales le demande. Les pauses ne comptent pas comme temps de travail, sauf lorsque le travailleur n’est pas autorisé à quitter sa place de travail.
Qu’en est-il du repos?
Le repos quotidien doit être d’au moins 11 heures consécutives. Exceptionnellement, il peut être réduit à 8 heures une fois par semaine, à condition que la moyenne sur deux semaines atteigne 11 heures.
Le temps de trajet compte-t-il comme temps de travail?
Non, en principe, le trajet domicile-travail ne compte pas. Lorsqu’un employé doit se rendre temporairement sur un site différent, seul le temps excédentaire par rapport au trajet habituel peut être considéré comme temps de travail. Le temps passé à travailler pendant le trajet, par exemple en train, peut aussi être pris en compte. Pour les déplacements professionnels à l’étranger, des règles spécifiques s’appliquent (art. 13 al. 3 bis OLT 1).
Comment gérer le temps de travail en télétravail?
Les règles sur les heures maximales, les pauses et le repos s’appliquent de la même manière. Ainsi, les entreprises doivent s'assurer que les employés respectent bien les périodes de repos.
Quels sont les risques en cas de non-respect des règles?
Les entreprises qui ne respectent pas la loi s’exposent à des sanctions administratives et pénales: amendes, obligation de compenser les heures en retard, voire fermeture de l’entreprise en cas d’abus répétés. Les litiges individuels peuvent aussi entraîner des actions aux prud’hommes, avec un risque financier et d’image.
Quels sont les services que vous pouvez fournir sur le sujet?
Le Service juridique du Centre Patronal propose un système d’abonnement avec plusieurs niveaux de prestations. L’abonnement de base donne accès à notre «Guide de l’employeur», régulièrement mis à jour. Notre abonnement «Conseil» inclut un service d’appels illimités pour toute question liée au droit du travail. Notre formule «Conseil 360°» permet de bénéficier de la relecture ou de la rédaction de documents (contrats, lettres, etc.). Nous pouvons aussi représenter l’employeur (hors procédure judiciaire) et mener des négociations / médiations. Nous proposons également des formations à tarifs préférentiels, ainsi que deux conférences par an qui sont offertes aux abonnés Conseil et Conseil 360°. La prochaine, consacrée aux nouveautés 2025 du droit du travail, aura lieu le 11 mars. Toute personne intéressée peut s’y inscrire sur: www.service-juridique.ch/les-conferences