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Droit et travail
Travail dans des locaux bornes: un droit à la lumière?
Le travail dans des locaux bornes est-il possible? Oui, mais l’employeur doit prendre des mesures compensatoires de construction ou d’organisation, sinon accorder des pauses supplémentaires payées.
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Photo: 123RF
Le Tribunal administratif de Zurich a récemment considéré que le droit suisse garantissait aux travailleurs le droit de jouir de la lumière du jour durant le travail ou, en cas d’impossibilité, que l’employeur doit accorder des pauses payées dans un endroit où la lumière du jour parvient.
Ce Tribunal a considéré que les lieux de pauses doivent offrir une vue sur l’extérieur, avoir lieu dans des locaux séparés de la place de travail, être propres, tranquilles, permettre de s’asseoir et offrir la possibilité de se restaurer; l’employeur doit en outre mettre à disposition gratuitement de l’eau potable.
Si le poste de travail n’offre aucune vue sur l’extérieur ou de lumière de jour, des mesures compensatoires doivent être prises, soit une rotation des travailleurs et 20 minutes de pauses supplémentaires payées par demi-journée. Tour d’horizon des obligations légales de l’employeur.
Dispositions générales de protection des travailleurs
La loi impose à l’employeur de protéger la santé des travailleurs. Cette obligation est notamment concrétisée par 2 dispositions. L’art. 328 al. 1 CO, disposition de droit privé, prévoit que l’employeur protège et respecte dans les rapports de travail la personnalité du travailleur. Les biens protégés sont notamment l’intégrité et la santé physique, l’intégrité morale et la considération sociale, les libertés individuelles, ainsi que la sphère privée. L’art. 6 de la LTr, disposition de droit public, permet de contraindre l’employeur de prendre les mesures garantissant la protection du travailleur. L’OLT 3 précise que l’employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer et d’améliorer la protection de la santé et de garantir la santé physique et psychique des travailleurs; il doit en particulier faire en sorte qu’en matière d’ergonomie et d’hygiène, les conditions de travail soient bonnes. Les art. 15 et 24 OLT 3 figurent au titre des exigences particulières en matière d’hygiène.
Des lois spéciales imposent également un devoir de protection spécifique, par exemple la LAA et son ordonnance sur la prévention des accidents (OPA)
Eclairage, bureaux sans éclairage naturel et pauses
Selon l’art. 15 OLT 3 «les locaux sans éclairage naturel ne peuvent être utilisés comme locaux de travail que si des mesures de construction ou d’organisation particulières assurent, dans l’ensemble, le respect des exigences en matière d’hygiène».
Le commentaire du SECO prévoit que pour les parties de bâtiments bornes utilisées pour des postes de travail permanents, l’entreprise doit prendre des mesures compensatoires pour satisfaire aux exigences en matière de protection de la santé.
Les postes de travail permanents sans apport d’éclairage naturel sont tolérés lorsque des exigences techniques ou de sécurité priment sur celles d’un apport d’éclairage naturel, qu’aucune autre solution n’est envisageable, et si l’exigence d’un éclairage naturel est disproportionnée.
Il appartient à l’autorité d’évaluer si ces conditions sont remplies et si des mesures compensatoires doivent être mises en place. Le SECO estime que les mesures minimales suivantes doivent être prises. En 1ère priorité, des mesures compensatoires de construction: éclairage artificiel proche de la lumière du jour, strict respect des valeurs de référence de la protection de la santé au travail (volume d’air, climat des locaux, ventilation, pollution de l’air, bruit et vibrations) réfectoires et locaux de séjour avec éclairage naturel. En 2ème priorité, des mesures compensatoires d’organisation: rotation à des postes de travail disposant d’un grand apport d’éclairage naturel.
Selon le SECO, ce n’est que si les exigences de protection de la santé ne sont pas remplies par l’une des 2 variantes ci-dessus que des pauses spéciales doivent être accordées par demi-journée en sus des pauses obligatoires prévues par la LTr. Ces pauses qui comptent comme temps de travail doivent durer 20 minutes chacune. Les mesures compensatoires doivent être prises d’entente avec les travailleurs (voir le tableau 1 ci-contre qui figure dans le commentaire du SECO).
On constate que l’octroi de pauses payées supplémentaires constitue une ultima ratio et que ce n’est que dans l’hypothèse où aucune autre mesure compensatoire satisfaisante n’a pu être prise qu’il convient d’accorder des pauses supplémentaires payées.
Exigences particulières: ergonomie et organisation du travail
Selon l’art. 24 al. 5 OLT 3, «les travailleurs doivent pouvoir bénéficier de la vue sur l’extérieur depuis leur poste de travail permanent. Dans les locaux sans fenêtres en façade, l’aménagement de postes de travail permanents n’est autorisé que si des mesures particulières de construction ou d’organisation garantissent que les exigences en matière d’hygiène sont globalement respectées».
Des mesures compensatoires doivent ainsi être impérativement prises dans le cas où les travailleurs n’ont pas de vue sur l’extérieur.
Le SECO différencie selon que le travailleur a un poste et des activités sans vue sur l’extérieur, mais avec la possibilité de trouver une fenêtre de contact (fenêtre se trouvant dans l’environnement du travailleur à laquelle il peut accéder occasionnellement pour avoir un regard sur le monde extérieur) pendant le temps de travail, de s’y rendre ou de faire quelques pas à l’extérieur (personnel de vente des grands magasins avec accès occasionnel à des entrepôts), ou n’a pas la possibilité de trouver une fenêtre de contact pendant le temps de travail (voir tableau 2 ci-contre).
A nouveau, les mesures compensatoires de construction doivent être prises en priorité, puis celles organisationnelles. Ce n’est ainsi que s’il n’y a aucune possibilité d’accéder à une ouverture sur l’extérieur ou de faire quelques pas à l’extérieur qu’il convient d’octroyer ces pauses spéciales.
Conclusion
Il convient d’analyser de cas en cas quelles mesures peuvent être prises et si elles sont suffisantes. Ce n’est qu’en dernier recours, si des mesures compensatoires suffisantes ne peuvent être prises, que l’employeur est tenu d’octroyer des pauses supplémentaires payées. L’employeur veillera à consulter ses collaborateurs au sujet des mesures compensatoires.