Une étude révèle un climat homophobe dans les entreprises
En Suisse, 70% des personnes homosexuelles rapportent avoir été témoins de discrimination sur leur lieu de travail en raison de l’orientation sexuelle. C’est ce que révèle une étude (1) réalisée par l’Université de Genève en collaboration avec la Fédération genevoise des associations LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres).
La stigmatisation verbale des personnes homosexuelles est la forme de discrimination la plus observée sur la place de travail (29,5%). Photo: 123RF
Seule une minorité de personnes ose se plaindre de ces comportements homophobes et ceux et celles qui le font n’obtiennent que rarement une prise en charge du problème. Les cas de discriminations basées sur l’orientation sexuelle restent donc largement impunis et ce même dans les entreprises qui ont adopté un principe de non-discrimination.
La stigmatisation verbale des personnes homosexuelles est la forme de discrimination la plus observée sur la place de travail (29,5%). Elle est suivie par le harcèlement sexuel (26,8% des femmes contre 14,8% des hommes), le outing (21,8%), la mise à l’écart d’événements sociaux (18,8%), de l’équipe (14%) et de projets (10,7%), ainsi que la mise en doute des compétences (16,8%). L’ensemble de ces actes discriminatoires contribue à générer un climat de travail homophobe qui a un impact sur le bien-être des employés.
La perception de discriminations engendre principalement un sentiment de vulnérabilité et d’isolement chez les personnes homosexuelles. Toutefois, elle contribue aussi à générer de l’anxiété, de la dépression, des pensées suicidaires et même des tentatives de suicides. Ses effets se répercutent naturellement sur la satisfaction au travail, mais aussi sur la performance et le turnover. La discrimination des personnes d’orientation sexuelle minoritaire a donc un coût pour les entreprises lorsqu’elle n’est pas traitée correctement.
Il n’est cependant pas toujours aisé pour les employeurs d’établir un lien entre perception de discrimination, bien-être et performance des employés. En effet, l’étude genevoise montre que moins de la moitié des personnes interrogées (42%) déclarent que leur orientation sexuelle est connue de tous sur leur place de travail. De plus, seules 56 des 923 personnes homosexuelles ayant participé à l’étude se sont plaintes de faits d’homophobie alors que 70% d’entre elles ont déclaré avoir été témoins de discriminations. Ainsi, il est vraisemblable que les employeurs observent des changements au niveau de la santé ou de la performance de leurs employés sans parvenir à en comprendre l’origine.
Afin de pouvoir prévenir ces situations et sanctionner les comportements indésirables, il convient de mettre en place des pratiques de diversité et d’inclusion pour les personnes d’orientation sexuelle minoritaire. En 2010, une étude menée en Suisse romande avait montré que seules 39% des entreprises interrogées avaient mis en place de telles pratiques alors que, cinq ans plus tôt, la même étude menée aux Etats-Unis révélait que ces pratiques existaient dans 61% des entreprises. Le potentiel d’amélioration en matière de gestion de l’orientation sexuelle dans les entreprises suisses est donc relativement important.
(1) Parini, L. (2016), "Etre LGBT au travail: résultat d'une recherche en Suisse". Etude réalisée par l’Institut des Etudes genre de l’Université de Genève en collaboration avec la Fédération genevoise des associations lesbiennes, gay, bisexuelles et transgenres (LGBT)
Pourquoi et comment s’engager en matière de protection des personnes homosexuelles?
Il est légitime de se poser la question de la nécessité d’investir dans des programmes de diversité et d’inclusion pour une communauté qui semble peu représentée dans les entreprises. Néanmoins, certaines études suggèrent que les personnes homosexuelles pourraient représenter jusqu’à 10% de la force de travail. De ce fait, les entreprises auraient tort de sous-estimer l’importance de cette minorité simplement du fait que l’orientation sexuelle n’est pas un facteur visible.
L’engagement des entreprises en matière de diversité et d’inclusion peut également être motivé par des arguments financiers. Au regard de l’orientation sexuelle, le pouvoir d’achat de la communauté gay est estimé à plus de 790 milliards de dollars au niveau mondial. De plus, 78% de ses membres seraient prêts à changer de marque pour une qui serait « LGBT friendly ». Les entreprises peuvent donc non seulement diminuer leurs coûts en s’engageant sur ce thème mais aussi augmenter leurs bénéfices.
Cet engagement doit cependant être accompagné d’actes concrets comme une modification de la mission de l’entreprise en termes de diversité, l’élaboration et l’application d’une politique claire en matière de harcèlement et de discrimination, ainsi qu’une présence active au sein de la communauté LGBT et des causes qu’elle défend. Un groupe de travail spécialisé issu des associations faitières LOS, Pink Cross et Transgender Network Switzerland se tient à disposition des employeurs et de leurs employés pour les conseiller sur les meilleures façons d’adresser les questions liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre au sein des entreprises.