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Une étude sur les perspectives d’emploi à manier avec doigté

Les «Perspectives d’Emploi» publiées par Manpower donnent une prévision nette d’emploi de +2% au premier trimestre 2006. Après les +3% du dernier trimestre 2005, les perspectives restent positives. Mais selon l’économiste indépendant François Savary, ces résultats ne permettent pas de dégager une tendance de fond.

Depuis l’année dernière, Manpower publie ses «Perspectives d’emploi» pour la Suisse. Les prévisions du 1er trimestre 2006 sont donc les troisièmes réalisées pour notre pays par la société spécialisée dans le travail temporaire. Après une perspective nette d’emploi de 0% au 3e trimestre 2005 et de +3% au 4e, la perspective pour le 1er trimestre 2006 reste dans le positif avec +2%. 

Petit rappel: la «Prévision nette d’emploi» est définie «en soustrayant au pourcentage d’employeurs anticipant une augmentation de l’emploi total dans leur entreprise, le pourcentage de ceux anticipant une diminution au cours du prochain trimestre». La marge d’erreur pour la Suisse de +/- 3%. L’étude est prospective et se base sur les réponses des entreprises à la question unique: «Comment anticipez-vous l’évolution de l’emploi total dans votre entreprise au cours du prochain trimestre, par rapport au trimestre actuel?»

Sur l’échantillon de 760 employeurs, 10% prévoient une augmentation de leurs effectifs, 8% une baisse, tandis que 79% n’envisagent aucun changement pendant ce trimestre, jusqu’à fin mars 2006. Dans le détail, secteur par secteur, les résultats se présentent ainsi: 

Activités financières, assurance, immobilier et services aux entreprises (+ 5%, - 2 points par rapport au dernier trimestre de 2005),

Agriculture, chasse, sylviculture et pêche + 1% + 5 points

Commerce + 8% + 5 points 

Construction - 2% - 6 points

Electricité, gaz, eau + 4% 0 point 

Hôtellerie et restauration - 19% -18 points 

Industrie extractive - 6% - 2 points 

Industrie manufacturière + 1% - 7 points

Services publics et sociaux + 6% + 6 points 

Transport, entreposage et 

communication 0% 0 point

Certains de ces résultats s’expliquent assez facilement. Les baisses dans la construction et dans l’hôtellerie sont liées à des facteurs saisonniers. Le début de l’année n’est pas propice à ces secteurs. Mais le chiffre le plus étonnant est certainement celui des services publics et du social avec une hausse de 6% qui ne réjouit pas forcément les analystes du marché.

Peut-on considérer les perspectives positives de l’emploi des deux derniers trimestres comme le signe d’une embellie importante? Charles Bélaz, directeur général de Manpower Suisse SA analyse: «Nous sommes en Suisse au début d’un cycle positif. Sur le marché de l’emploi fixe, après une stagnation, on a pu observer un léger décollage à la fin de l’année passée. Les sociétés sont un peu plus positives, mais elles restent prudentes.» Fort de ses connaissances du marché du travail temporaire, Charles Bélaz pense vraiment que le mieux dans l’emploi s’annonce: «Dans le travail temporaire, nous avons connu une hausse de 15% en 2005. C’est le si-gne du début d’un nouveau cycle. Dans la foulée de l’augmentation du travail temporaire, le placement fixe devrait aussi augmenter.»

Pour lui, deux secteurs ont en particulier montré, en 2005, une excellente santé: «La demande est tellement forte dans le bâtiment en Suisse alémanique que nous devons recruter à l’étranger. On peut constater le même phénomène dans l’horlogerie dans le Jura et à Genève. Nous manquons de personnel en Suisse et nous devons faire appel à beaucoup de Français. En Suisse, le secteur horloger manque actuellement de main-d’œuvre qualifiée.»

Autre indice de la bonne santé de ce secteur: les annonces d’emploi de l’industrie horlogère genevoise «colonisent depuis quelques mois les pages emplois de la presse et des portails internet spécialisés», écrivait le mois passé le quotidien Le Temps. 

De fortes disparités régionales apparaissent dans ces perspectives du premier semestre 2006. 

Mittelland - 7% - 12 points 

Région lémanique - 4% - 9 points

Suisse orientale - 1% + 5 points 

Suisse centrale + 7% + 6 points 

Zurich + 8% + 2 points

Nord-Ouest + 11% + 12 points

Tessin + 23% + 21 points

Est-ce le signe de disparités de développement entre les régions? François Savary, économiste indépendant, nuance fortement. «Il ne faut pas oublier qu’on observe une région à un moment donné. On ne peut donc pas en déduire des tendances de fond.» Pour lui, si les «Perspectives nettes d’emploi» sont de toute façon positives, «parce que tout ce qui permet de renforcer les outils statistiques est bon», il faut se garder de tirer des conclusions hâtives: «L’étude se révèlera surtout intéressante sur une plus longue période. Au fil des prochains trimestres, on pourra mieux juger de sa validité.»

Peut-on s’attendre à une baisse du chômage en Suisse? «Si on observe en Suisse une croissance de près de 2%, on devrait aller dans le sens d’une diminution du chômage, mais sur une période assez longue, car la croissance n’a pas encore été assez significative ces deux dernières années.» Il commentait aussi dans le Matin dimanche du 8 janvier: «Si la Suisse (et le reste du monde…) poursuit sur la voie de la reprise, le chômage pourrait revenir autour de 3% à l’horizon de fin 2007.»

Pour juger de la croissance du pays, l’économiste constate encore que le chômage n’est pas le meilleur indicateur: «Les chiffres les plus importants à mes yeux sont bien ceux de la création effective d’emploi car, dans ceux du chômage, les travailleurs qui sont sortis du marché du travail disparaissent. Le taux de chômage est donc moins significatif que les créations d’emplois et l’évolution des salaires comme indicateur de la croissance.»

 

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