Une grille de lecture du conflit en entreprise
Voici une grille de lecture simple d’application permettant de savoir comment le conflit se met en place, à quel type de conflit avons-nous à faire et comment le repérer.
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Il existe de nombreux outils d’analyse des conflits. Nous avons choisi celui de Friedrich Glasl, économiste et médiateur autrichien né en 1941 qui a développé un modèle de lecture relativement simple: une escalade du conflit indiquant en trois paliers composés chacun de trois étapes d’aggravation.
Il permet de comprendre le conflit dans ses mécanismes. A la 6ème marche, les menaces sont réalisées et rendent un retour en arrière difficile. Au-delà de cette étape, la communication «constructive» est peu envisageable. L’arbitrage externe est bien souvent nécessaire pour résorber la crise.
Les dynamiques du conflit
Dans le premier niveau, il existe un différend et l’objectif de chacun est de dépasser et/ou résoudre le problème. Certaines tensions apparaissent mais la situation n’est pas encore cristallisée, la communication est biaisée mais existante. Cependant, la dévalorisation et les sous-entendus peuvent durcir les désaccords. Des violences verbales finissent par être échangées.
Au deuxième niveau, l’objectif est de prendre l’ascendant sur l’autre. Chacun recherche des alliances contre l’autre, on contamine auprès des autres ses tensions et représentations négatives. Apparaissent les bruits de couloirs, les rumeurs, les campagnes de dénigrement et les clichés. L’étape ultime à ce niveau est l’étalage en public de la crise et son cortège d’agressions verbales et de menaces.
Enfin, au troisième niveau, l’objectif est d’éliminer l’autre. Les valeurs et les règles sont bafouées. Vient le temps de la confrontation physique et le risque d’arriver au point de non-retour. Chacun a perdu toute objectivité.
La chronologie des différentes étapes reste la même mais le processus d’évolution est variable dans le temps. Si rien, ni personne n’ose aller y regarder de plus près, il y a fort à parier que l’irréparable finisse par se produire, un jour ou l’autre.
Cependant, en le repérant par ces signaux, le conflit peut être une source d’évolution par sa résolution. Encore faut-il qu’il soit accueilli et écouté.
Les points à déterminer
L’une des difficultés majeures des conflits en entreprise est de délimiter la zone «géopolitique» des tensions. En rester à une approche inter-personnelle où seul le caractère de tel ou tel individu fait émerger le conflit serait trop réducteur et contre-productif. Cela pourrait s’identifier à une certaine forme de déni voire d’une politique du bouc émissaire bien connue des dysfonctionnements de groupe. Dans cette logique, l’éviction du «malhonnête» serait la réponse la plus rapide et la plus appropriée. Jusqu’à quand?
La proposition alternative serait de considérer le conflit comme l’émergence d’un dysfonctionnement dans le système dont les limites devront tout d’abord être localisées. S’agit-il d’un conflit entre deux personnes d’un même groupe ou d’un groupe différent ou alors entre deux groupes ou deux instances, ou encore entre la personne et son groupe auquel elle appartient? Tout en sachant que le conflit étant dynamique, les limites du système conflictuel peuvent évoluer au cours du temps.
Enfin, reste à répondre à la question: comment et à quel niveau managérial et/ou organisationnel le conflit a-t-il pu survenir?
Il nous semble que c’est la réponse à cette épineuse (pour ne pas dire gênante) question que se situe tout l’enjeu de la résolution de conflit et, in fine, à la prévention des risques psycho-sociaux.
En effet, soit nous l’abordons sous l’angle de la solution, à savoir donner une réponse spécifique au problème qui surgit avec le risque qu’il se reproduise dans quelque temps ou juste à côté. Soit, nous l’abordons sous l’angle du changement. Par changement, nous entendons une proposition à tout le système, et pas seulement aux seules personnes identifiées, de faire l’apprentissage du dépassement de la crise en créant ses propres outils et propres procédures.