Enquête

Choix de la caisse de chômage: une liberté assez théorique

Chaque demandeur d’emploi peut choisir sa caisse de chômage. Mais l’opacité du système rend le choix éclairé presque impossible.

C’est normalement l’une des premières choses qu’on apprend en cas de perte d’emploi: on peut s’inscrire dans une caisse de chômage privée, ou publique. Mais cette liberté de choix serait en fait assez relative. Chaque année, entre 11% et 13% des demandeurs d’emploi se voient attribuer d’office une caisse, le plus souvent étatique. «Un sondage a montré que sur ce nombre, 73% ignoraient qu’ils auraient pu choisir», déclare-t-on à la caisse de chômage privée OCS dans le canton de Vaud.

En théorie, l’office régional de placement (ORP) a l’interdiction d’influencer les chômeurs. Dans la pratique, il aurait tendance à les aiguiller vers la caisse cantonale, qui se trouve souvent dans le même bâtiment. «Certains chômeurs sont inscrits d’office à la caisse cantonale ou renvoyés verbalement vers la porte à côté», ajoute l’OCS. Et de citer un autre exemple: dans le Guide du demandeur d’emploi domicilié dans le canton de Vaud, les caisses privées apparaissent après les caisses publiques, en toute fin de liste.

À cela s’ajoute le fait que le chômeur ignore généralement ce qui peut distinguer les caisses les unes des autres, d’autant qu’elles sont tenues de fournir les mêmes prestations et que cette équivalence doit lui être en principe rappelée au moment de s’inscrire. En fin de compte, il arrive que son choix se fasse «dans la précipitation, le stress, sans réflexion préalable», selon la caisse OCS. Le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) reconnaît d’ailleurs, dans un rapport réalisé par le cabinet de conseil Egger, Dreher & Partner, que de nombreux chômeurs «s’adressent d’abord à la caisse la plus proche de l’ORP» et que dans ce contexte, «un excellent niveau de qualité du service par rapport à d’autres caisses ne représente probablement pas un avantage concurrentiel décisif».

Or, les caisses sont dans la nécessité de défendre leurs parts de marché pour assurer leur survie. En effet, il leur faut garantir le maintien d’un certain nombre d’unités de prestations, si elles veulent éviter de devoir réduire leurs coûts ou leurs effectifs. Cette incitation est d’autant plus forte en phase de recul du chômage. Les moyens promotionnels sont cependant limités. Ils s’arrêtent à ces petites phrases sur les sites de certaines caisses: «Chez nous, l’assuré passe avant tout», «Nous offrons une approche sociale et respectueuse», etc. Il est possible de distribuer quelques flyers de présentation ici et là, mais une publicité active ne serait pas tolérée. Il convient également de souligner que les chômeurs ne sont pas autorisés à changer de caisse en cours de route. Cela signifie que s’ils n’ont aucune expérience préalable, ils doivent faire un choix sans point de comparaison ni possibilité de revenir en arrière.

À quoi sert la concurrence, alors? Dans la mesure où les caisses sont soumises aux mêmes obligations, elles ne peuvent pas innover au niveau des prestations. Pour se démarquer, il leur reste la possibilité de soigner la qualité de leur accueil, d’être rapide dans le traitement des dossiers et des paiements, d’augmenter leur disponibilité, par exemple. Le problème est que ces aspects sont subjectifs et donc difficiles à évaluer de manière «concrète», selon le syndicat Syna, à Olten.

Le SECO effectue bien des statistiques sur les performances des caisses, mais les résultats sont très techniques – ils concernent, par exemple, le nombre de décomptes et l’exactitude des paiements – et ne permettent donc pas «une communication utile vis-à-vis des assurés», selon le Département de la sécurité, de l’emploi de la santé du canton de Genève. De manière générale, chaque caisse ou office de paiement est contrôlé tous les deux ans par le SECO. Principaux paramètres de qualité examinés: la durée d’attente entre l’ouverture du délai-cadre et le premier versement, les éventuels retards dans le paiement des indemnités, la satisfaction des bénéficiaires et le nombre de décisions erronées (constatées lors de la révision des paiements). Un taux de réclamations élevé entraîne des contrôles plus fréquents.

Par ailleurs, la comptabilité des caisses de chômage n’est pas publique. La plupart des gens savent qu’elles sont alimentées par les déductions sociales obligatoires sur les salaires, mais qui est au courant des unités de prestations (UP) qu’elles reçoivent pour chaque intervention sur un dossier? Selon nos informations, une UP vaut en moyenne suisse 5,77 francs. Le paiement de l’indemnité mensuelle de chômage vaudrait entre 2 et 7 UP selon la complexité du cas, la suspension d’un assuré 22 UP et la détermination initiale d’un droit aux indemnités, 55 UP. «Le problème est qu’il est beaucoup plus facile de prononcer une suspension que d’essayer de trouver une solution pour ne pas sanctionner le chômeur, parce que cela prend moins de temps et que c’est rétribué», affirme Thomas Graff, directeur de la caisse de chômage du syndicat SIT, à Genève.

Suppression du pour-cent de solidarité

Le pour-cent de solidarité de l’assurance chômage est supprimé depuis le 1er janvier 2023. Introduite en 2011 pour accélérer le désendettement de l’AI en relevant le capital propre de son fonds de compensation, cette mesure aura permis à l’AC de percevoir jusqu'à 400 millions de francs de cotisations supplémentaires par année. Le droit de prélever le pour-cent de solidarité a donc été automatiquement supprimé de par la loi au 1er janvier 2023. Il est important que les entreprises et les employés soient informés de cette modification.

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Typographe de premier métier, Francesca Sacco a publié son premier article à l’âge de 16 ans pour consacrer toute sa vie au journalisme. Elle obtient son titre professionnel en 1992, après une formation à l’Agence télégraphique suisse, à Berne. Depuis, elle travaille en indépendante pour une dizaine de journaux en Suisse, en France et en Belgique, avec une prédilection pour l’enquête.

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