Comment détecter et valoriser les personnes résilientes en organisation
Nous pouvons tous renforcer notre résilience en adoptant des pratiques et des routines simples, tant au niveau individuel que collectif, et en commençant par cinq facteurs clés. C'est l'un des enseignements principaux d'une large étude menée par le Resilience Institute auprès de 24 000 professionnels dans le monde.
Photo: Antonio Janeski / Unsplash
L’été s’achève et la réalité actuelle nous confronte à des enjeux de taille: crise climatique, menace de pénurie énergétique, perturbations dans les chaînes d’approvisionnement, inflation galopante, insécurité alimentaire. À cela s’ajoute pour les professionnels RH la difficulté d’attirer, former et retenir les talents – ceux et celles qui seront équipés pour naviguer dans un contexte plus VUCA que jamais.
L’énergie physique, émotionnelle et mentale sollicitée pour traverser des périodes turbulentes est telle que nombreux se sentent épuisés ou dépassés. Une étude récente par le cabinet Mercer (1) a montré que, globalement, le pourcentage de collaborateurs énergisés a chuté de 74% en 2019 à 63% en 2022. Paradoxalement mais sans surprise, c’est aussi durant ces périodes de turbulences que les organisations doivent se trans- former en profondeur – ce qui nécessite courage, énergie, endurance et résilience!
En 2021, 2814 leaders (2) dans 73 pays interrogés sur l’impact de la pandémie ont d’ailleurs classé la résilience au premier rang de leurs priorités, reconnaissant qu’un socle de résilience peut faire la différence entre une organisation qui vacille et une organisation qui prospère dans un monde en profonde mutation.
La résilience est un ensemble de compétences que l’on peut apprendre et s’articule autour de quatre piliers: rebondir face à l’adversité, grandir de manière holistique, se connecter à soi et aux autres, et se réaliser pleinement.
Par où commencer?
Une recherche, publiée en juin par The Resilience Institute (3), a impliqué 23’990 professionnels sur les cinq continents entre 2019 et 2021 et analysé 60 facteurs de résilience à l’aide d’un outil d’auto-évaluation en ligne (Diagnostic de Résilience) utilisé depuis une décennie dans la cadre de programmes de résilience en entreprise. Cette étude a comparé les réponses des 10% des personnes interrogées ayant les plus hauts scores de résilience avec les 10% ayant les scores les plus bas. En quoi le décile supérieur est-il diffèrent du décile inférieur? Quelles sont les forces qui définissent le décile supérieur? Cinq facteurs clés font la différence.
1. Le sommeil – un superpouvoir !
Pendant la pandémie, la qualité du sommeil est devenue le facteur déterminant d’une résilience générale élevée, liée à une meilleure santé mentale, un plus grand bien-être et plus de discernement. Selon Matthew Walker, professeur en neurosciences de l’Université de Californie, «Le sommeil est la chose la plus efficace que nous puissions faire pour réinitialiser la santé de notre cerveau et de notre corps chaque jour.» Le cabinet McKinsey établit un lien direct entre une bonne nuit de sommeil et une capacité optimale de leadership, notant l’impact du sommeil sur l’attention, la prise de décision, la résolution de problèmes et l’empathie (4). Osons le rappeler: un leader fatigué n’est pas un bon leader!
Que faire?
Afin de protéger les soirées de leurs salariés, certaines organisations imposent des périodes d’interdiction sur les emails professionnels en les désactivant automatiquement à partir d’une certaine heure; d’autres choisissent d’éduquer leurs managers sur les bienfaits du sommeil afin qu’ils montrent l’exemple.
2. L’épanouissement – la raison d’être
L’épanouissement est un facteur clé non seulement du bien-être individuel, mais aussi d’un engagement élevé au travail et de la rétention des talents. Selon les études, jusqu’à 80% des employés sont insatisfaits de leur travail invoquant comme principale raison que leur employeur ne crée pas un environnement propice à l’épanouissement personnel (5). Les employés qui disent trouver du sens au travail sont ainsi six fois plus fidèles à leur entreprise et 1,5 fois plus susceptibles de fournir un effort discrétionnaire au travail. Ils sont également 6,5 fois plus enclin à déclarer une plus grande résilience (6). Une étude récente a par ailleurs montré qu’avoir un travail épanouissant est la priorité n°1 des employés en Europe (7).
Que faire?
Les organisations qui définissent clairement leur raison d’être, la communiquent avec justesse et tiennent compte de leur impact sur toutes les parties prenantes sont plus susceptibles de constituer une main-d’œuvre épanouie et motivée par sa mission.
3. Le rebond – rapide et efficace
Cette compétence de base de la résilience aide à se rétablir rapidement après avoir été confronté à une épreuve. L’adversité engendre une prise de conscience, un apprentissage et une adaptation. Dans la plupart des cas, nous avons l’opportunité d’entraîner notre muscle du rebond chaque fois que nous prenons des risques et subissons un échec. Nous l’avons expérimenté durant la pandémie; malgré les souffrances et les désagréments engendrés, beaucoup reconnaissent avoir beaucoup appris durant cette période. C’est dans l’échec et loin des sentiers battus que nous explorons de nouvelles voies et innovons.
Que faire?
L’acceptation est une condition au rebond. Ne pas être dans le déni mais, avec franchise et authenticité, il convient de reconnaître les erreurs et encourager la prise de risque. En considérant que chaque difficulté est une opportunité d’apprendre, on cultive un mental constructif – un mental de développement (le «growth mindset» tel que décrit par Carol Dweck) – qui soutient la créativité et la confiance. La question puissante: «Qu’avons-nous appris de cette expérience?» est à mon sens la façon la plus efficace de transformer un résultat décevant ou un échec évident en un apprentissage utile pour soi et pour les autres. Certaines équipes créent un moment d’échanges autour des erreurs commises en soulignant les enseignements qui en découlent.
4. La relaxation – se régénérer quotidiennement
Les sportifs de haut niveau ont depuis longtemps compris l’importance de compenser les périodes d’intensité élevée par des périodes de récupération régulières pour une performance durable. En entreprise, la capacité à prendre le temps de se détendre devient essentielle pour notre bien-être et notre efficacité. Toute pratique qui crée du calme stimule notre système parasympathique, empêchant ainsi l’accumulation de stress, et réinitialise notre centre exécutif dans le cortex préfrontal.
Que faire?
Prendre quelques respirations profondes en insistant sur l’expiration, prévoir des micro-pauses régulières durant la journée de travail, éviter les réunions trop longues, prévoir une salle de relaxation ou initier les collaborateurs à des techniques de relaxation sont quelques mesures appliquées dans les organisations les plus attentives à ce sujet.
5. La concentration – ici et maintenant
Dans un monde où nous sommes privés de sommeil, mal nourris, bombardés de notifications, et en état d’alerte cognitive permanent, notre attention est de plus en plus fragmentée. Un adulte redirige en moyenne son attention toutes les 3 minutes, et 85% des emails professionnels sont ouverts dans un délai de 2 minutes! La concentration est un pilier fondamental de la productivité, et il convient donc de créer un cadre de travail et des règles de collaboration propice à une bonne concentration.
Que faire?
Les exercices de méditation ou de pleine conscience – dont les bénéfices multiples sont scientifiquement démontrés – entraînent la capacité d’attention. Grâce à une pratique régulière, les adeptes parviennent à rester plus concentrés durant la journée. Certaines organisations mettent en place des ateliers «découverte» afin de sensibiliser les collaborateurs à ces techniques. Il est aussi judicieux d’encourager ses équipes à bloquer une plage horaire journalière pour un travail «offline» concentré et productif alterné par de courtes périodes de repos.
(1) Mercer, Global Talents Trends, 2022
(2) PWC, Global Crisis Survey, Building resilience for the future, 2021
(3) Rapport Global de Résilience - 2022
(4) Mc Kinsey, The organizational cost of insufficient sleep, 2016
(5) Speier-Werner Petro, Civil Society Academy, 2019
(6) Mc Kinsey, The search for purpose at work, 2021
(7) Mercer, Global Talents Trends, 2022