Contenu
Littérature et management
Comment les écrivains parlent du travail dans leurs œuvres littéraires
Écrivain, critique littéraire et professeur de littérature à l'université de Lausanne, Jérôme Meizoz a donné récemment une conférence sur «Le management et la littérature» à la librairie La Liseuse à Sion. Il était invité par le cabinet de conseils Vicario qui célèbre cette année ses 25 ans.
Image
Jérôme Meizoz, écrivain et professeur de littérature (Photo: DR)
Depuis la révolution industrielle du XIXe, le travail a toujours été traité de manière critique, ironique ou satirique dans la production littéraire contemporaine. Entre 2000 et 2020, l’écrivain et professeur de littérature Jérôme Meizoz a recensé plus de 160 romans qui traitent du travail. Il en a tiré cinq lignes de force.
- Le recul du roman d'usine. Depuis Germinal d'Émile Zola (publié en 1885), qui raconte les conditions de travail très dures des mineurs du Nord de la France, le roman d'usine s'arrête progressivement au tournant des années 1980. Le roman de Robert Linhart: L'établi, publié en 1979 marque la fin de ce genre.
- Une deuxième période s'ouvre alors avec l'apparition de nouveaux types de personnages romanesques. Ce sont les intérimaires, les travailleurs précaires, les sous-traitants et les chômeurs de longue durée. Cette période coïncide avec la désindustrialisation, les plans sociaux et la flexibilisation du rapport à l'emploi. Il cite ici le livre d'Yves Pagès: Petites natures mortes au travail, publié en 2000.
- Troisième période: les romans d'entreprise qui racontent l'informatisation et le début des risques psychosociaux. Ces livres mettent en scène la tertiarisation de l'économie. Il cite ici Thierry Beinstingel: «CV» en 2007 et «Ils désertent» en 2012, mais aussi «Extension du domaine de la lutte» de Michel Houellebecq (1994), «Mon CV dans ta gueule» d'Alain Wegscheider (1998) et «United problems of coûts de la main-d'oeuvre» du Valaisan Jean-Charles Massera (2002).
- Quatrième axe: les interventions artistiques. Des productions qui ne se contentent pas de représenter le travail dans leurs oeuvres mais d'intervenir. Il pense aux tableaux de Pierre Lamalattie, dont Human ressource (1997) ou à l'ouvrage de Julien Prévieux: Lettres de non-motivation, publié en 2007.
- Enfin, dernier axe: les ouvrages de critique du langage, des réflexions d'écrivains sur la novlangue managériale. Une approche qui tente de nettoyer la langue de cette violence symbolique de certains termes entrés dans le langage courant et qui font référence à des pratiques parfois incompréhensibles.