Comment les enquêtes d’engagement ont aidé le CICR, la BCV et le groupe LEM
Les enquêtes d’engagement sont utilisées comme des nouveaux outils de management qui transforment en profondeur les organisations. Principaux avantages: elles permettent de mieux piloter la stratégie et mettent en valeur les prestations de la GRH. Témoignage de trois emblèmes de l’économie romande, actives dans différents secteurs et de taille variable.
Angus McMichael est le DRH du groupe LEM depuis 2005. Tous droits réservés.
Elles ont toutes les trois décidé de mesurer l'engagement de leurs collaborateurs. Quel que soit leur domaine d'activité ou la taille de l'organisation, les résultats sont quasiment toujours les mêmes: une meilleure connaissance de soi, des nouveaux outils pour le management et une nouvelle stratégie d'entreprise. Le CICR, la BCV et le groupe LEM livrent ici le témoignage exclusif de leurs expériences en matière d'enquête d'engagement. Un travail de fond accompli en partenariat avec la société Qualintra, spécialisée dans les enquêtes collaborateurs depuis dix ans. Basée à Genève et dirigée par Benoît Moransais, cette société de conseil se positionne dans le segment des enquêtes de satisfaction par son approche plus que par ses outils. «L'accompagnement et la discussion avec nos clients compte avant tout», note Emmanuelle Roger, responsable du conseil client chez Qualintra. «Mener une enquête d'engagement implique de cerner les spécificités de l'organisation, ses valeurs et sa culture. Puis nous lui proposons des outils en conséquence», poursuit-elle. Le travail consiste ensuite à cerner les vrais leviers de la motivation des collaborateurs pour ensuite alimenter les stratégies d'entreprises et les politiques RH. Trois cas d'école avec le commentaire d'Emmanuelle Roger.
LEM: la croissance en plus
Le cas de LEM est emblématique des sociétés internationales en pleine croissance. Fabricant de capteurs de courant et de tension pour de nombreuses applications dans l'industrie, la traction, l'énergie et l'automobile, cette société basée à Plan-les-Ouates se ramifie en une dizaine d'unités de production à travers le monde (Russie, Etats-Unis, Japon et Chine). Avec cette configuration très internationale, un des enjeux RH est de s'assurer que chaque collaborateur, peu importe le pays, évolue dans l'organisation de manière équitable. En 2005, LEM commande à Qualintra une enquête client-miroir. Il s'agit de sonder l'avis des collaborateurs sur les produits et la qualité des services rendus. Les résultats sont édifiants et la croissance s'emballe. Les RH passent de 500 à plus de 1000 personnes en quatre ans. Pour consolider ce développement, LEM décide de mener des enquêtes d'engagement à un rythme bi-annuel. «Au moment de démarrer ces enquêtes, nous surfions sur l'optimisme. La question était de savoir si tout le monde profitait de cette croissance», note le DRH Angus McMichael. Pour améliorer la participation, ils optent pour un questionnaire électronique. Le taux de participation atteint d'emblée 70 pour cent.
«Le feed-back général a été très positif. Les collaborateurs ont montré une attitude proactive par rapport aux objectifs de l'entreprise. Et l'envie de se développer a été très claire», résume Angus McMichael. En revanche, l'enquête permet de déceler des angoisses liées à la croissance. Peur des délocalisations et sentiments d'injustice. «Les Genevois craignaient que les Chinois reprennent leurs activités. Les Chinois craignaient que les Genevois soient mieux traités», détaille le DRH. La capacité d'écoute du management se révèle encore insuffisante. Ces résultats sont intégrés dans un plan d'action dans les six mois. «Cette réactivité entre l'enquête et les actions concrètes est importante. Il faut communiquer et montrer aux équipes que vous les prenez au sérieux», dit Angus McMichael. Concrètement, les RH élaborent un plan de communication. Qui inclut l'accès à la formation, la promotion de carrière et plus de transparence dans la façon de communiquer la rémunération (salaire de base + part variable).
L'avis de la consultante
«L'expérience de LEM a été exemplaire dans la manière dont la direction s'est appropriée les résultats de notre enquête. C'est le timing qui a été décisif. Il faut que les résultats soient prêts à temps pour nourrir les discussions stratégiques. L'enquête a également permis de valoriser le travail RH par une communication plus adaptée.»
CICR: les valeurs avant tout
Solidement ancré dans la mémoire collective helvétique, le CICR (fondé en 1863) a connu un fort développement depuis le début des années 1990. Le DRH Jacques Stroun explique: «Il y a vingt ans, les équipes d'interventions étaient principalement constituées de délégués suisses, formés sur le terrain. Aujourd'hui, les Suisses sont une minorité. De plus, la profession s'est énormément professionnalisée. Nous recrutons toujours plus de diplômés des Hautes écoles en management humanitaire et les bagages professionnels sont beaucoup plus variés.» Après une première enquête pour évaluer la qualité des services RH en 2003, le CICR se lance dans une grande enquête sur l'engagement personnel des collaborateurs, en 2007. Sur 2500 personnes (le personnel du siège + les expatriés), plus de la moitié répondent au questionnaire, ce qui est un succès considérant l'éclatement géographique des expatriés - dont une partie n'avait à l'époque qu'un accès limité à Internet - ce qui les a obligé à travailler avec des versions papier du questionnaire.
«Depuis une dizaine d'années, le contexte international est devenu plus imprévisible, plus complexe et plus dangereux. Nous voulions mieux comprendre les ressorts et les limites de la motivation de notre personnel», explique Jacques Stroun. Les résultats du siège et du terrain sont identiques, démontrant une même perception. La motivation au sein des équipes est très forte. Cet engagement s'explique par l'adhésion sans failles aux valeurs du CICR. La confiance et les relations avec les chefs directs sont également jugés «bons». Enfin, surprise: la direction constate une forte adhésion au style de vie des délégués, pourtant souvent ballotés à travers le globe. Puis arrivent les tensions: le personnel exprime ses doutes par rapport à la gestion de carrière. Il souhaite plus de dialogue et des éclairages sur les parcours professionnels possibles. Il estime aussi ne pas bien comprendre la stratégie générale. De ce fait, la direction est perçue comme étant assez lointaine. «Nos collaborateurs sont très engagés dans leur travail actuel parfois en oubliant de gérer leurs carrières, ce qui crée chez eux une certaine anxiété», analyse Jacques Stroun. Le plan d'action tiré de ces enseignements se déploie en trois axes. 1. Un travail sur le leadership des cadres avec la mise en place de cycles de formations ciblées sur les compétences relationnelles. 2. Instauration d'un entretien d'évaluation périodique tous les cinq ans au minimum. But: faire le bilan des trajectoires personnelles et dégager les options d'évolution. 3. Un travail de communication au niveau institutionnel et la mise en place d'indicateurs (utilité des interventions; accès aux victimes; image de l'institution; RH).
L'avis de la consultante
«Dans le cas du CICR, l'enquête a permis de faire ressortir les valeurs et la culture de l'institution d'une manière très claire. La Direction a ainsi pu appréhender les enjeux et les atouts offerts par cette culture d'entreprise très forte. Les pratiques ont ensuite pu être adaptées en fonction. Plus on se connaît, plus on est efficace.»
BCV: l'engagement réciproque
Les enquêtes de satisfaction sont monnaies courantes au sein de la Banque cantonale vaudoise. «Jusqu'en 2001, l'objectif était d'évaluer la culture d'entreprise. Puis, après quelques années, de mesurer la satisfaction des collaborateurs. Depuis 2006, nous mesurons leur degré d'engagement», relève le DRH Eric Muller. Il explique: «L'expérience nous a démontré qu'un collaborateur satisfait est motivé à améliorer ses performances. Il va mettre tout en œuvre pour y parvenir s'il adhère aux valeurs et à la stratégie de l'entreprise. C'est la raison pour laquelle on cherche à mesurer son degré d'adhésion en lui demandant de s'affirmer sur la confiance qu'il a dans les orientations stratégiques et dans l'organisation, sur la qualité du management et sur les conditions de travail en général». En 2008, 80 pour cent des collaborateurs répondent au questionnaire.
Résultats? Plusieurs outils de management et quelques projets d'envergure. La campagne «Rejoignez-nous!» incitant les femmes à reprendre une activité professionnelle après une interruption de carrière, a notamment été initialisée suite à ces feed-backs. En plus des mesures propres à certains départements, la BCV a mis sur pied en 2008 un plan d'action en trois volets. 1. Améliorer l'implication des collaborateurs et des managers dans les processus d'évaluation et de rémunération, notamment au travers d'un nouveau système d'information RH. 2. Faire participer l'ensemble du management, soit 250 personnes, à une formation sur le comportement adéquat en matière de GRH. Et 3. Poursuivre le processus déjà mis en place en 2007, visant à identifier les collaborateurs à potentiel afin de leur offrir un plan de développement individuel. Eric Muller conclut: «Nous retirons de cette enquête une analyse très fine sur l'état d'esprit qui règne dans les différentes équipes, et l'évolution de ces indicateurs est un signe clair des axes que nous devons améliorer.»
L'avis de la consultante
«La BCV a réussi à institutionnaliser ses enquêtes. Depuis 2006, ils répètent l'exercice chaque année et le taux de participation reste fort. Les enquêtes ont également renforcé le rôle des RH comme véritables facilitateurs de ce processus au niveau institutionnel mais aussi avec les équipes, en travaillant sur les problématiques locales qui ont émergés durant les enquêtes.»
La consultante
Emmanuelle Roger est responsable des activités de conseil chez Qualintra. Contact: e.roger@qualintra.com