Nouveautés législatives

Congé paternité et proches aidants: ce qui change en 2021

Depuis le 1er janvier dernier, un congé paternité de deux semaines et des congés pour s’occuper des proches (10 jours par année au maximum) sont entrés en vigueur. Dès le 1er juillet, un congé de 14 semaines au maximum est prévu pour s’occuper d’un enfant gravement malade ou victime d’un accident.

À compter du 1er janvier 2021, tout homme qui est le père légal d’un enfant, à la naissance de ce dernier ou qui le devient dans les six mois suivant cette naissance, a droit à un congé paternité. Un tel droit n’existe en revanche pas en cas d’adoption. Selon le nouvel art. 329g CO, le congé paternité est d’une durée de deux semaines. Le père a le choix de prendre son congé par semaine ou sous forme de journées individuelles. Il n’est pas possible de prendre des demi-journées de congé. L’intégralité du congé paternité doit avoir été prise dans les six mois suivant la naissance de l’enfant. Les jours qui n’ont pas été pris dans ce laps de temps sont perdus. Comme la loi ne précise pas si le père peut imposer à l’employeur les dates de son congé paternité, à notre avis, les dates de congé doivent être convenues entre les parties en tenant compte des intérêts du travailleur et de la bonne marche de l’entreprise.

Allocation de paternité

Durant ces deux semaines de congé paternité, à condition que l’employé ait été assuré obligatoirement à l’AVS durant les neuf mois qui précèdent la naissance et si, durant cette période, il a exercé une activité lucrative pendant cinq mois au moins, il aura droit à une allocation de paternité (1). Cette allocation correspond à 80% du revenu brut de l’activité lucrative, mais est plafonnée à CHF 196.- par jour (2). L’allocation de paternité est versée en une seule fois, lorsque le droit à l’allocation a pris fin, sur demande adressée à la caisse de compensation AVS compétente.

Si l’employeur continue à verser le salaire pendant le congé paternité, l’allocation lui sera reversée. Dans le cas contraire, c’est le salarié qui la touchera directement. En cas de salaire du travailleur supérieur au plafond, l’employeur n’a pas l’obligation de compléter les prestations d’assurance (3). Si le contrat ou une convention collective de travail prévoyait un congé payé en cas de naissance d’un enfant, le nouveau congé paternité remplacera les dispositions antérieures4. Si les conditions du droit à l’allocation ne sont pas remplies et sauf clause contractuelle contraire, le travailleur ne pourra prétendre au paiement de son salaire pendant le congé paternité. Ce dernier sera alors assimilé à un congé non payé.

S’agissant de la résiliation du contrat, elle peut intervenir avant ou pendant le congé paternité qui n’est pas considéré comme une période de protection contre le licenciement au sens de l’article 336c CO. L’article 335c al. 3 CO prévoit qu’en cas de licenciement, le délai de congé est prolongé du nombre de jours de congé paternité qui n’ont pas été pris. Cette prolongation ne s’applique pas en cas de démission.

Prise en charge de proches

Dès le 1er janvier 2021 également, en application du nouvel art. 329h CO, les employés peuvent bénéficier d’un congé payé pour prendre en charge un membre de la famille ou leur partenaire, en raison d’une maladie ou d’un accident. Le congé est limité au temps nécessaire à la prise en charge. Hormis la prise en charge des enfants, ce congé peut durer au maximum trois jours par cas (5) et ne doit pas dépasser dix jours dans l’année au total (6).

Ce congé payé est octroyé sur présentation d’un certificat médical. Les proches au sens de ces dispositions sont les parents en ligne directe ascendante ou descendante (les parents et les enfants principalement), les frères et sœurs, le conjoint et les beaux-parents, ainsi que le partenaire qui fait ménage commun avec le travailleur depuis au moins cinq ans de manière ininterrompue.

Le congé payé est pris en charge par l’employeur à hauteur de 100% du salaire contractuellement prévu. Il est indépendant de l’article 324a CO, disposition qui peut être appliquée en lieu et place du nouvel article 329h CO si les conditions de son application sont remplies, notamment s’il s’agit d’un proche pour lequel l’employé assume une obligation légale d’entretien et que le crédit par année de service n’est pas épuisé.

Tout comme pour le congé paternité, en cas d’absence de courte durée pour prise en charge de proches, l’employé n’est pas protégé contre le licenciement en temps inopportun au sens de l’article 336c CO. Un licenciement notifié pendant une telle absence est donc valable. Par ailleurs, une telle absence intervenant pendant le délai de congé de l’employé ne le suspend pas.

Enfant gravement malade ou victime d’un accident

Selon l’art. 329i CO qui entre en vigueur le 1er juillet 2021, les parents qui interrompront leur activité  lucrative pour prendre en charge leur enfant mineur gravement malade ou victime d’un accident pourront prétendre à un congé de 14 semaines au maximum.

Durant cette période, ils pourront recevoir 98 indemnités journalières au maximum, dont le montant s’élèvera à 80% du revenu moyen de l’activité lucrative obtenu avant le début du droit à l’allocation. Le montant de ces indemnités sera plafonné à CHF 196.- par jour. Les ayants droit à cette indemnité sont les parents qui, au moment de l’interruption, sont salariés, exercent une activité indépendante ou travaillent dans l’entreprise de leur conjoint contre un salaire en espèces au sens de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service, de maternité et de paternité (LAPG).

Si les deux parents travaillent, chacun d’eux a droit à un congé de prise en charge de sept semaines au plus. Ils peuvent convenir de se partager le congé de manière différente. Si rien n’est convenu, il sera présumé que les parents se partageront le congé par moitié.

Ce congé de 14 semaines pourra être pris en bloc ou en jours isolés dans un espace (7) de 18 mois à compter du jour pour lequel la première indemnité journalière sera versée. Chaque cas de maladie ou d’accident ne donne droit qu’à une allocation. Si l’enfant devient majeur pendant le délai-cadre, le droit au congé se poursuit jusqu’à l’échéance maximum de 14 semaines.

En application des articles 324a et 324b CO, si les conditions d’application de ces dispositions sont remplies (8), lorsque le salaire annuel de l’employé concerné dépasse CHF 88’200.-, l’employeur est  selon nous tenu de compléter le salaire dans les limites du crédit dit «de l’échelle de Berne».

L’employé bénéficie d’une protection contre le licenciement en temps inopportun tant que dure le droit au congé visé à l’art. 329i CO, mais au maximum pendant six mois à compter du jour pour lequel la première indemnité journalière est versée. Si le licenciement est notifié pendant les 6 mois à compter du jour pour lequel la première indemnité journalière est versée, il est donc nul. S’il intervient après, il sera valable, y compris si les parents n’ont pas encore épuisé l’ensemble du congé auquel ils ont droit. Par ailleurs, si le licenciement est notifié valablement, mais que les parents bénéficient subséquemment d’un congé pour prise en charge d’un enfant gravement malade ou victime d’un accident, le délai de congé sera alors suspendu.

Notes

  • (1) Art. 16i et ss. loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service, de maternité et de paternité (LAPG)
  • (2) Plafond de salaire annuel de CHF 88›200.- selon la LAPG
  • 3 Le congé paternité ne constitue pas un empêchement de travailler au sens des articles 324a et 324b CO
  • (4) À condition que les allocations perte de gain soient globalement plus favorables que ce que prévoyait le contrat ou la convention collective de travail. Par exemple, l’allocation de paternité (80%) versée pendant deux semaines remplacera un congé de naissance de deux jours payés à 100%.
  • (5) i.e. qui se rapporte à une affection déterminée
  • (6) de service
  • (7) Délai-cadre
  • (8) Essentiellement lorsque le travailleur accomplit une obligation légale

 

Que faire en cas de licenciement?

La nouvelle loi ne régit pas la question du moment de l’examen par l’employeur d’un éventuel solde de congé paternité en cas de licenciement. Selon les travaux parlementaires qui ont présidé à l’élaboration de la loi, la situation doit s’apprécier au moment de la notification du licenciement. Cet examen doit tenir compte du droit au congé paternité déjà existant ou qui pourrait naître avant la fin du contrat. Par exemple, un employé est licencié le 25 novembre 2020 pour le 31 janvier 2021. Si l’enfant naît entre le 1er et le 31 janvier 2021, le délai de congé sera prolongé de deux semaines. Enfin, si la naissance intervient à partir du 1er février 2021, il n’y aura pas de prolongation du contrat.

Comment traiter un licenciement signifié longtemps à l’avance, i.e. avec un préavis plus long que le délai de congé légal ou contractuel? Par exemple, un homme bénéficiant d’un préavis contractuel de deux mois est licencié le 25 janvier pour le 31 août 2021. Il devient père le 14 février 2021 et prend ses deux semaines de congé paternité au mois de mars. Si l’on se place au moment du licenciement, le délai de congé devra être prolongé de deux semaines alors même que l’intégralité du congé paternité a été prise avant le début du délai de congé au sens strict (du 1er juillet au 31 août 2021).

On peut donc se demander si l’examen devrait plutôt s’effectuer le premier jour du délai de congé calculé rétroactivement (dans notre exemple le 1er juillet 2021). En effet, le délai de congé a pour but de permettre au travailleur de rechercher un emploi. Si le père a épuisé son droit au congé paternité avant le début de son délai de congé, aucune prolongation dudit délai n’apparaît justifiée. Cette question sera vraisemblablement tranchée par la jurisprudence.

 

Cet article est paru dans HR Today Magazine (no 3/2021).

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Olivia Guyot

Olivia Guyot Unger, titulaire du brevet d’avocat, dirige le Service Assistance Juridique et Conseils (SAJEC) de la Fédération des Entreprises Romandes Genève.

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