La chronique

Des collabor'acteurs?

Depuis quelques décennies, les terminologies évoluent, du «personnel» au «salarié» au «collaborateur». Signes de l’évolution du monde du travail, des métiers de production vers les métiers de service, mais aussi des aspirations sociales de considération et de reconnaissance. Toutefois ces nouvelles attentes situent les collaborateurs dans un rôle passif, que cette chronique vient interroger. Si l’on tentait de penser collabor’acteurs?

Il est reconnu qu’avoir quelques cartes en main permet de participer à son plaisir au travail. Avoir une certaine emprise sur son environnement contribue au bien-être et à la santé. Au contraire, perdre sa capacité d’action soumet au stress, à l’imprévisibilité. Les comportements deviennent passifs, puis dérapent parfois dans le passif-agressif. Surgissent des micro-agressions à peine visibles, des incivilités qui ne méritent pas réellement le qualificatif de violence tout en en ayant les caractéristiques. Elles se répandent et atteignent les collègues de manière insidieuse. Dans les pires situations, ces modalités d’interactions toxiques imprègnent la culture d’entreprise.

Être collabor’acteur dépend autant de l’individu que de l’entreprise. Après une part de profil de personnalité intervient l’adéquation avec son métier et le plaisir que le collaborateur y trouve. L’adéquation se verra en termes de compétences, de capacité d’agir. Quant au plaisir, il se reconnaît autour de l’envie de participer à la mission, et des collaborations vécues.

Le premier axe d’action appartient au collaborateur. C’est celui de la gestion des priorités et de l’urgence. Aucun métier n’est épargné par ces difficultés, tout collaborateur est appelé à développer ses réponses, facilitatrices pour les collègues dans l’idéal, qui lui permettent de conserver la main sur son quotidien. En termes de compétences, il s’agit ici d’organisation personnelle et d’interactions professionnelles. Mais également de sens et de compréhension de la mission: comment les choix de réponses sont-ils faits, selon quels critères, quelles volontés d’action et de service?

Le second axe d’action concerne le management, il est celui des collaborations. Quelles sont les tâches partagées et organisées ensemble et les flux d’information? Quelles sont les séances et espaces pour réunir les compétences et croiser les regards? Comment s’y jouent les interactions? Comment s’y finalisent les décisions? Souvent, les séances fonctionnelles pour l’organisation ont lieu, mais les espaces de construction et d’intelligence collective manquent, ou alors le savoir-faire pour leur animation.

Mais si la volonté manque chez le collaborateur, l’obstacle est de taille. Lorsque le salarié ne travaille pas pour apporter sa pierre à l’édifice, il n’agit plus, il fait. Et par là, il charge son responsable des situations non résolues et de tâches qui ne devraient pas être. Au lieu d’être orienté solution, il freine. Ses actions ne sont plus portées, assumées, réfléchies. Le manager doit le suivre de près, il devient directif et contrôlant, le collaborateur plaintif car en manque de reconnaissance. La perte de confiance s’installe de part et d’autre.

Toutefois, le risque va bien au–delà! Car devoir micro-manager empêche le responsable d’accomplir sa vraie mission. Il n’a plus le temps pour anticiper, organiser, et gérer ses collaborateurs, pris par l’agir quotidien. Les attitudes passives, voire entravantes, des collaborateurs, peuvent ainsi mettre l’entreprise en danger. Dans un environnement VUCA d’une part, soumis à des contraintes légales de plus en plus fortes d’autre part, l’entreprise risque de perdre du terrain, de la pertinence, des finances. Le risque est à considérer comme systémique.

Comment endiguer ce phénomène? Comment favoriser la collabor’action? Dès l’intégration de chaque collaborateur, il est essentiel de favoriser sa compétence, de lui donner les cartes pour jouer en interne, de veiller à sa formation et d’axer le bilan de 3 mois sur cet aspect. La deuxième dimension est celle de l’équipe. L’entreprise se donnera les possibilités de développer un «agir ensemble», dans sa culture de partage, dans ses séances et outils de communication, dans la déclinaison de ses projets. C’est ainsi que les collabor’acteurs y trouveront le plaisir au travail.

commenter 0 commentaires HR Cosmos

Ariane de Rham est aujourd’hui Directrice de l’ESSIL, école supérieure formant les éducateurs sociaux à Lausanne. Son profil est pluriel. Après une première carrière en tant que pasteure, elle a effectué une formation en gestion d’entreprise. Depuis, elle développe et met en place les outils de management et RH les plus divers, les projets stratégiques de développement et les outils pratiques. Elle a travaillé pour les Oeuvres sociales de l’Armée du Salut, pour la Fondation Le Repuis et pour la Fondation Jeunesse et Famille.

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