Droit du travail

Harcèlement au travail, une notion qui regroupe des réalités multiples

Thème à la mode et terme sur toutes les lèvres, le harcèlement mérite d'être défini sur le plan juridique et distingué des problématiques qui s'en rapprochent. Mise au clair et définitions.

Le harcèlement, dans l’acception courante du terme, est un comportement délibérément intimidant, intrusif ou humiliant qui a pour conséquences que la ou les victimes se sentent déstabilisées, infériorisées, isolées ou marginalisées, en bref incommodées par l’attitude du harceleur.

Le harcèlement peut intervenir dans des situations multiples, que ce soit dans la famille, dans la rue, à l’école, ou encore au travail. C’est ce dernier point qui nous intéressera désormais et on le déclinera plus spécifiquement en harcèlement psychologique et harcèlement sexuel, les éléments constituants étant différents.

De par la composante hiérarchique qui constitue un élément distinctif du contrat de travail, l’employeur court fréquemment le risque d’être en position de harceleur puisqu’il est le supérieur, soit celui qui a tous les pouvoirs et, en particulier en droit suisse, celui de licencier sans grande difficulté.

Cette constatation vaut aussi bien en droit public qu’en droit privé, raison pour laquelle les règlementations sont très semblables tant dans les obligations imposées à l’employeur que dans les sanctions appliquées à l’irrespect par ce dernier de ses devoirs.

Cela précisé, le harcèlement doit être distingué de situations qui pourraient lui ressembler, dans lesquelles un individu est atteint dans sa personnalité sans que toutes les caractéristiques du mobbing soient réunies. Des actes ou propos ponctuels ou au contraire fréquemment répétés peuvent porter atteinte aux droits de la personnalité, soit en particulier à la santé physique ou psychique, à l’intégrité physique ou morale, à la considération sociale ou à la vie privée. Si tout harcèlement comporte une atteinte à la personnalité, la réciproque n’est pas vraie, comme les définitions ci-après permettent de le constater.

Le harcèlement psychologique ou mobbing

En droit suisse, le harcèlement psychologique peut se fonder, dans le code des obligations, sur l’art. 328 CO, qui impose à l’employeur de protéger et respecter, dans les rapports de travail, la personnalité de son collaborateur. Le mobbing peut se définir comme un enchaînement de propos et/ou d’agissements hostiles, répétés fréquemment pendant une période assez longue, par lesquels un ou plusieurs individus cherchent à isoler, marginaliser ou exclure une personne sur son lieu de travail. Pris isolément, chaque acte paraît supportable, mais leur cumul et leur répétition constituent des moyens de rabaisser ou déstabiliser la victime, procédés qui peuvent aller jusqu’à son élimination professionnelle. Le harcèlement présuppose nécessairement la réunion de deux conditions: l’intention de l’auteur, dont le but est de marginaliser sa victime, et la répétition, sur plusieurs mois. Les comportements harcelants peuvent être multiples, et les occurrences ne seront donc pas toujours identiques, mais la finalité reste la même: isoler autrui. L’intention est donc un élément caractéristique du mobbing.

Le mobbing peut se décliner en cinq configurations différentes selon le bien juridique objet de l’atteinte: atteinte à la santé, à la qualité de vie, à la réputation, à la bonne communication et aux relations sociales. Des recoupements sont naturellement possibles.

Si le harcèlement peut être l’œuvre d’un individu ou d’un groupe, la victime sera en principe une personne bien déterminée. Les autres collaborateurs ont toute leur importance dans le tableau, dans la mesure où ils participent souvent, volontairement ou non, à l’exclusion d’un collègue. Le risque est d’autant plus grand lorsque celui qui harcèle est un responsable dont on ne veut pas se faire mal voir.

Le harcèlement sexuel

Le harcèlement sexuel peut se fonder, comme le mobbing, sur l’art. 328 CO, mais il fait en sus l’objet d’une disposition particulière dans la loi sur l’égalité entre femmes et hommes: c’est l’art. 4 LEg qui interdit toute forme de harcèlement sexuel, soit tout comportement à caractère importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l’appartenance sexuelle qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail, entendu au sens large. La définition englobe tous les comportements importuns à caractère sexuel, soit également ceux qui contribuent à rendre le climat de travail hostile, notamment les plaisanteries déplacées ou les surnoms gênants.

La répétition ou la fréquence ne sont pas des éléments caractéristiques du harcèlement sexuel, du fait que chaque acte ou propos pris isolément n’est pas admissible; un seul agissement peut dès lors suffire. En revanche, l’intention de nuire à la personne visée ne figure pas parmi les éléments constitutifs, c’est ici le résultat qui compte et la perception de la victime qui prime. Pour éviter toutefois d’accorder trop de poids à la sensibilité d’une personne, on se fondera en principe sur l’appréciation de quelqu’un de raisonnable placé dans les mêmes conditions.

A suivre

Dans notre prochaine édition à paraître fin avril 2024, Christine Sattiva traitera des obligations de l’employeur et des conséquences possibles en cas de négligence face à des cas de harcèlement.

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CS

Christine Sattiva est avocate au cabinet Sattiva – Gétaz Kunz à Cully. Elle est spécialiste FSA en droit du travail, vice-présidente du tribunal des prud’hommes de l’administration cantonale, chargée de cours à l’UNIL. Lien: avocates-lavaux.ch

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