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La voix, un instrument de réussite professionnelle

L'expression «avoir une voix en or» se vérifie dans le monde des affaires. Les managers qui ont une voix grave ont plus de chances de réussir, relèvent plusieurs études récentes. 

Des diplômes, des compétences et de l’expérience: c’est bien, mais cela ne suffit peut-être pas pour réussir dans le monde du travail. Posséder une voix grave fait partie du bagage qui aide à gravir les échelons de la hiérarchie. Ce don inné est inconsciemment lié au pouvoir social, à la dominance et surtout, aux capacités de leadership. Voilà ce que confirment, depuis une dizaine d’années, diverses recherches sur ce lien mystérieux qui privilégie les candidats dotés d’un bel organe vocal.

Voix grave, salaire plus élevé

Une étude en particulier a fait passablement de bruit. Menée sur un groupe de près de 800 cadres supérieurs masculins par des chercheurs de la Fuqua School of Business de l’Université Duke à Durham, en Caroline du Nord, et de l’Université de Californie, à San Diego, elle a démontré l’existence d’une corrélation positive entre la fréquence vocale et le salaire. Concrètement, une diminution de fréquence de 22 hertz par rapport à la moyenne (qui est de 120Hz environ pour un homme) s’accompagne d’une amélioration des revenus annuels de 187’000 dollars. Cette même diminution est associée à une durée de vie légèrement plus longue au sommet de l’entreprise – en moyenne, 151 jours. «C’était l’un des premiers essais visant à évaluer si la hauteur de la voix influence la position des dirigeants sur le marché du travail», affirme le professeur William Mayew, l’un des auteurs.

Économie biologique

Avec ses collègues, William Mayew a analysé des extraits de discours prononcés par des PDG d’entreprises sélectionnées dans l’indice boursier Standard and Poor’s 1500. Le critère de la hauteur de la voix a été croisé avec des paramètres tels que le total des actifs gérés par le PDG, sa rémunération, le nombre des années de service dans la société en question, ainsi que l’âge et le niveau de formation, entre autres. Même après pondération avec tous ces facteurs, les résultats sont nets: les individus qui possèdent des voix graves gagnent plus d’argent et restent plus longtemps en poste. «Cependant, nous comprenons encore mal le mécanisme précis par lequel une voix grave apporte une valeur ajoutée à l’individu», précise William Mayew. «C’est un domaine de recherche relativement nouveau, connu sous le nom d’économie biologique. Certains indicateurs de succès en milieu naturel se retrouvent dans la compétition pour les emplois de haut niveau.»

Les électeurs aussi séduits

Une précédente recherche simulant une élection fictive avait déjà démontré que les électeurs étaient davantage séduits par les voix graves. En analysant les enregistrements des débats présidentiels entre 1960 et 2000, il a été possible de le vérifier dans la vraie vie: les candidats à la voix grave ont effectivement obtenu plus de voix. Des recherches ultérieures ont corroboré ce constat. Par exemple, en 2012, les candidats à la Chambre des représentants des États-Unis qui ont remporté les débats avec leurs adversaires avaient une voix plus grave, et cette différence reste significative même après pondération avec d’autres facteurs comme les dépenses de campagne électorale.

Discrimination vocale

Bref: les voix chaudes et graves, qu’elles soient masculines ou féminines, sont créditées d’un plus grand potentiel d’autorité naturelle. S’il en est ainsi, c’est parce qu’on les associe à la force physique, à la compétence, à l’intégrité et à un plus grand âge – c’est-à-dire à un gain en maturité, en sagesse et en expérience. «Les voix graves ont quelque chose de rassurant parce qu’elles évoquent le souvenir du milieu sonore utérin. Chez l’embryon, l’ouïe est le premier sens qui se développe», déclare la psychologue Christelle Carlier, ancienne formatrice en art oratoire à la Haute école des arts de la scène, à Lausanne, et aujourd’hui coach vocal indépendante à Aix-les-Bains. Comme la voix peut devenir plus grave avec l’avancement en âge, il est assez compréhensible de l’associer spontanément à une personne qui possède un certain bagage. Il est plus difficile de justifier la relation qui est faite entre une voix grave et l’intégrité ou la compétence. Quant à la force physique, les scientifiques ne trouvent pas de rapport direct avec la voix, surtout dans nos sociétés modernes où les politiciens ne gagnent pas leurs débats télévisés à coups de poing, mais – du moins on l’espère – grâce à leur élocution et à la force de leurs idées. Selon eux, cette croyance pourrait être un reliquat d’une époque ancestrale de la civilisation humaine. Considérant que la voix d’une femme est naturellement plus aiguë que celle d’un homme, ils émettent l’hypothèse d’une possible «discrimination vocale» dans l’ascension professionnelle. Pour Rindy C. Anderson, professeure associée à la Florida Atlantic University, à Boca, en Floride, il est évident que la voix n’est pas le seul déterminant de la réussite professionnelle. «Nos données montrent toutefois que ce critère anatomique et physiologique peut renforcer l’avantage des hommes sur les femmes dans l’accession aux postes de direction.»

Voix et émancipation des femmes

On se souviendra peut-être que Margaret Thatcher avait consulté un coach vocal après son accession au poste de Premier ministre du Royaume-Uni, pour apprendre à rendre sa voix plus grave afin de gagner en autorité. Fait intéressant, une équipe scientifique australienne a remarqué, à la fin des années 1990, que la moyenne de la fréquence vocale des femmes dans la population générale était passée de 229 hertz à 206 hertz depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Aucune explication biologique possible. Le phénomène pourrait être attribuable à une émancipation des femmes, dans un monde qui leur avait appris à se soumettre en prenant une voix enfantine, remarque Branka Zei Pollermann, directrice de la société Vox Institute, à Genève.

Formations en Suisse romande

En Suisse romande, il existe des formations pour aider les managers et les candidats au recrutement à poser leur voix, à convaincre leur interlocuteur et/ou à s’exprimer devant un auditoire sans avoir le trac. Parmi les clients: Pricewaterhouse Corporation, la banque HSBC, le CERN, la Haute école de gestion de Fribourg, le Centre de formation de l’administration fédérale (CFAF), Dassault, Bayer, Renault, SANOFI et l’Organisation des Nations Unies. À Genève, Vox Institute donne des cours (collectifs ou privés) depuis 1988 déjà. La Manufacture – Haute école des arts de la scène, à Lausanne, propose également des ateliers.

Rythme, souffle et respiration

Le travail porte beaucoup sur la respiration, la posture corporelle et le regard. Les participants sont invités à parler avec une bougie allumée devant leur bouche, en essayant de ne pas perturber la direction de la flamme. D’autres exercices sont proposés pour développer la mobilité et la tonicité des lèvres et des joues. Une attention particulière est portée aux intonations. Parfois, on lit des textes en supprimant les consonnes ou au contraire, en les martelant. Il s’agit d’apprendre à maîtriser son souffle, à prendre les bonnes respirations au bon moment, à finir ses phrases sans difficulté et à jouer avec le rythme de parole. Mais pas seulement. «On essaie de permettre aux participants de prendre conscience de l’effet produit par leur parole sur les autres. À partir de là, il leur devient plus facile de s’ajuster, de rechercher l’adéquation entre ce qu’ils ressentent et la façon dont ils l’expriment», explique Christelle Carlier. Les enregistrements vidéo sont très souvent utilisés à cet effet. À défaut, on fait appel au feedback des autres participants.

Profil vocal plutôt que tonalité

À la Manufacture, les formateurs s’inspirent largement des techniques utilisées par les comédiens et les chanteurs. Exemple: la technesthésie, méthode issue de la rencontre de la pédagogie des lettres et de la pédagogie du théâtre, dans les années 1960. Le mot souligne l’importance du savoir-faire (technê) et de la sensation (aisthêsis, désignant le contraire d’anesthésie). C’est une approche sensorielle et motrice du langage écrit et parlé. «Si les cours sont donnés par des professionnels, c’est en ordre. Mais il ne faut pas trop se focaliser sur la hauteur de la voix. Nos recherches menées sur plus d’un millier de personnes de 28 nationalités différentes dans le monde montrent que c’est le profil vocal qui donne une impression de compétence, de rassurance, de crédibilité», souligne Branka Zei Pollermann. Dans son institut high-tech, on utilise des logiciels d’analyse acoustique qui permettent de dessiner une courbe mélodique personnelle, avec la hauteur de la voix (exprimée en hertz), son intensité (en décibels), les intonations, les pauses entre les mots, etc. «Nous menons actuellement des travaux sur le charisme oratoire, que l’on peut définir comme la concordance entre ce qu’on dit et la façon dont on le dit», ajoute la directrice.

commenter 0 commentaires HR Cosmos

Typographe de premier métier, Francesca Sacco a publié son premier article à l’âge de 16 ans pour consacrer toute sa vie au journalisme. Elle obtient son titre professionnel en 1992, après une formation à l’Agence télégraphique suisse, à Berne. Depuis, elle travaille en indépendante pour une dizaine de journaux en Suisse, en France et en Belgique, avec une prédilection pour l’enquête.

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