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«Le recrutement peut faire couler ou décoller une entreprise»

Élise Moron et Léo Bernard viennent de publier «Permis de recruter». Avec des méthodes pragmatiques et une approche ludique, les deux auteurs y partagent leurs astuces pour faire de cette discipline souvent sous-estimée un véritable levier stratégique.

Recruter n’est pas jouer, et encore moins une question de «feeling». Avec «Permis de recruter», Élise Moron et Léo Bernard offrent aux spécialistes RH et dirigeants d’entreprises un guide à la fois pointu et accessible. Leur ouvrage explore toutes les facettes d’un recrutement réussi, des meilleures pratiques aux techniques plus avancées. Rencontre avec deux passionnés bien décidés à élever les standards du métier. 

Quelle est la genèse de «Permis de recruter»?

Léo Bernard: Quand nous avons lancé notre entreprise, Élise et moi avons rédigé une liste de rêves à réaliser, et l’idée d’un livre en faisait partie. À la base, c’est un projet ambitieux, écrire un livre est long et peu rentable. Nous nous sommes lancés après avoir été encouragés par celle qui allait devenir notre éditrice. Nous avons voulu créer un ouvrage utile tant aux recruteurs professionnels qu’aux dirigeants d’entreprise, qui n’ont pas toujours le temps ou les moyens de se former en profondeur. Le livre est une curation de nos apprentissages et expériences, enrichie de différents témoignages d’experts. 

Comment avez-vous structuré le contenu?

LB: Nous avons organisé le livre autour des grandes étapes du recrutement: la définition des besoins et la planification; l’attraction des candidats, avec des stratégies inbound et outbound; la sélection et l’évaluation des profils, et enfin l’amélioration continue des processus. Nous nous sommes répartis les thèmes en fonction de nos appétences et de nos expertises. Chaque chapitre inclut aussi des exemples concrets, divers éléments visuels et des retours d’expérience pour rendre le contenu le plus vivant et applicable possible. 

Pourquoi avoir adopté une forme assez ludique?

Élise Moron: Trop de livres business sont arides et difficiles à terminer. Nous voulions au contraire un livre qui soit accessible et plaisant à lire. Notre approche repose sur un ton espiègle et direct, et nous avons voulu que le contenu y ressemble. L’objectif est que les lecteurs arrivent au bout avec le sourire et puissent y revenir facilement. 

Vous dites qu’il est indispensable d’abandonner le recrutement «au feeling». Pourquoi?

ÉM: Un recrutement au feeling présente deux problèmes majeurs: le manque de préparation et les biais cognitifs. D’une part, beaucoup de dirigeants gèrent le recrutement à la va-vite, sans planification claire ni formation. Cela conduit souvent à des erreurs de casting. Ensuite, le feeling peut mener à des discriminations ou à des choix basés sur des impressions plutôt que sur des compétences réelles. Nous préconisons des méthodes structurées pour tendre vers des décisions éclairées. Le recrutement est un outil stratégique, attirer les bonnes personnes peut faire couler ou décoller une entreprise. 

À ce titre, vous mettez en avant les avantages du «T-Shaped Recruiter»?

ÉM: Oui, ce concept a d’ailleurs inspiré le premier nom de notre entreprise, avant de la renommer Blendy. Je pense que plus jamais, un recruteur doit hybrider ses compétences pour attirer et convaincre dans un marché compétitif. Le modèle du «T-Shaped Recruiter» combine une expertise verticale, comme la conduite d’entretiens, avec des compétences transversales inspirées d’autres domaines comme le marketing, la psychologie ou l’analyse de données. Nous allons d’ailleurs publier prochainement une extension numérique du livre, qui permettra d’approfondir l’intérêt de ce concept en matière RH. 

Pourquoi considérez-vous le «kick-off» comme un préalable essentiel?

ÉM: Poser les bonnes questions dès le départ évite des erreurs coûteuses. Le traditionnel «brief» reflète une relation hiérarchique où le manager dicte ses attentes. À l’inverse, nous concevons le kick-off comme une réunion propice à la collaboration, où le recruteur guide le manager pour affiner et formuler précisément le besoin. 

Selon diverses études, le recrutement reste très conformiste en Suisse. Qu’en est-il en France?

LB: Notre pays souffre également d’un certain conformisme, notamment un attachement excessif aux diplômes. Il faut encourager les entreprises à sortir des profils standards et à valoriser la diversité. Par exemple, envoyer intentionnellement des candidatures «atypiques» peut parfois contribuer à changer les mentalités. 

Vous mentionnez le Candidate Net Promoter Score (cNPS). Pourquoi est-il pertinent d’implémenter davantage d’indicateurs aux différentes étapes du recrutement? 

ÉM: Le cNPS permet de mesurer objectivement l’expérience candidat. Il offre des retours précieux et met en lumière les points d’amélioration. Par exemple, cela permet d’adapter rapidement le processus si les candidats se plaignent d’entretiens mal préparés par tel ou tel manager. Le recours à des indicateurs est également utile pour valoriser le rôle et l’importance des recruteurs. 

Quel usage voyez-vous pour l’intelligence artificielle dans votre domaine?

LB: L’IA peut accélérer certaines tâches, comme le tri des CV ou la rédaction de messages d’approche, mais elle reste un simple outil. Une mauvaise utilisation peut introduire des biais ou produire des résultats peu pertinents. Avant d’intégrer l’IA, il faut déjà maîtriser les bases du recrutement. 

Avez-vous trois conseils pour des responsables RH qui souhaitent améliorer leur pratique?

LB: D’abord, faire de la veille. Le recrutement évolue sans cesse, et il est essentiel de rester informé par des podcasts, livres ou événements professionnels. Aussi, il est indispensable de se poser les bonnes questions en amont: bien définir les besoins du poste, décider si l’on doit recruter en interne ou externe, sur un profil junior ou senior. Enfin, je recommande de tester et mesurer. Adopter une approche itérative, comme dans le marketing, est très utile pour s’améliorer. 

Quels retours avez-vous reçus depuis la publication du livre?

LB: Nous avons reçu de très nombreux messages chaleureux, notamment de professionnels qui se reconnaissent dans nos conseils. Certains disent qu’ils se sont rendu compte de leurs erreurs passées et souhaitent progresser. C’est très gratifiant de voir que le livre inspire des changements positifs. 


À lire 

Élise Moron, Léo Bernard: Permis de recruter éd. Eyrolles, 2024, 382 pages 

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Erik Freudenreich est le rédacteur responsable de la version française du site HR Today.

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