Fraude en organisation

Le screening des candidats reste une pratique marginale en Suisse romande

Pour éviter d’engager un manager au passé encombrant, certains recruteurs recourent à des sociétés spécialisées dans le screening des candidats. Mais recourir à ce genre de services reste marginal dans le secteur du recrutement. La pratique est par contre très courante dans le milieu bancaire et financier. Ces vérifications ne sont pourtant pas sans risques. 

La récente affaire de l’escroc valaisan qui a monté plusieurs sociétés fantôme au nez et à la barbe de son entourage est désormais entrée dans les annales. Après avoir falsifié son CV, le fraudeur a créé un site internet dédié à sa société écran BCA, avec une notice sur Wikipedia indiquant un chiffre d’affaires de 64 milliards de francs!

La société d’audit Deloitte SA, plusieurs fournisseurs ainsi que les administrateurs du FC Sion, avec qui il a signé un contrat de sponsoring, ont tous été piégés. Révélée par Le Matin et abondamment documentée par PME Magazine, cette affaire rocambolesque montre à quel point la vérification des informations présentées sur un CV ne s’effectue que très rarement en Suisse romande.

Le screening des candidats est en général réservé à des postes de cadres supérieurs, où les risques d’erreurs de casting peuvent coûter très chers. Mais ce danger est encore plus élevé quand il s’agit d’un investisseur potentiel. Difficile en effet de se séparer d’un partenaire qui détient des parts dans votre société.

Selon Scalaris, environ 20 pour cent des recrutements sont concernés

Le screening des candidats reste cependant une pratique très marginale en Suisse romande. Chasseur de tête spécialisé dans l’ingénierie et l’informatique, Christophe Andreae ne le pratique quasiment pas. «En général, c’est par la demande de références que nous obtenons nos garanties», dit-il. Les banques en revanche demandent systématiquement un extrait du casier judiciaire pour tous les métiers du secteur. 

Selon Claudio Foglini, senior consultant au département Economic Crime & Intelligence chez Scalaris, société spécialisée dans la lutte contre la criminalité économique, environ 20 pour cent des recrutements font l’objet d’enquêtes plus approfondies: «En général, plus vous montez dans la hiérarchie, plus la demande de renseignements devient détaillée.» 

Ces recherches d’informations sont en général confiées à des sociétés spécialisées dans l’intelligence, qui utilisent les techniques et méthodologies propres aux services de renseignement. Chez Scalaris, le service est facturé par forfait. «Cela nous permet de mener nos enquêtes sans pression, peu importe ce que nous découvrons à la fin de la procédure», indique Claudio Foglini. 

Le prix d’un back-ground check (screening d’un candidat) peut varier entre 5000 à 50´000 francs. Aujourd’hui, c’est surtout le secteur bancaire qui est demandeur. En général, il s’agit de vérifier les profils des clients et la provenance des fonds qu’ils souhaitent confier sous mandat de gestion. «Contrairement à ce que croit le grand public, les banquiers refusent très souvent des liquidités dont l’origine est sujette à controverse», assure Claudio Foglini. Les industries internationales et les sociétés d’investissements recourent également au screening. 

Pour obtenir des informations, les enquêteurs activent différents réseaux et recourent à plusieurs sources d’informations. Toutes les informations fournies par le candidat (CV, diplômes universitaires, références) sont vérifiées par des recoupements avec les informations trouvées dans les sources ouvertes (médias, Internet et réseau sociaux). 

Les enquêteurs utilisent aussi les bases de données payantes Dow Jones Factiva, LexisNexis et Dialog, qui récoltent toutes les informations livrées par la presse dans des archives propres, ce qui permet de contourner les opérations de censure et de désinformation. D’autres bases de données spécialisées, telles que WorldCheck ou DowJones WatchList sont consultées pour vérifier d’éventuels antécédants criminels. 

«Les informations sont ensuite vérifiées à l’aide d’Internet, qui présente des risques élévés en termes de crédibilité et de désinformation. On estime que le web recèle seulement 2 à 3 pour cent d’informations à très haute valeur ajoutée», note Claudio Foglini. Dans certains cas, il faut ensuite recourir aux sources fermées: les réseaux informels souvent proches des milieux institutionnels ou à des sources publiques mais inaccessibles depuis l’étranger (ce qui est le cas de la Suisse notamment). 

Selon Claudio Foglini, cette recherche n’est pas sans risques: «Les opérations de désinformation sont courantes dans ces milieux. Notre savoir-faire consiste à recouper ces différentes sources pour arriver à un résultat final proche de la réalité.»

L’intervenant

Claudio Foglini est Senior Consultant, Economic Crime Intelligence chez Scalaris SA, société spécialisée dans la lutte contre la criminalité organisée.

 

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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