Le futur du travail

Le self-management: comment adapter sa foulée pour durer

Gérer une entreprise est une course de fond. Donnez à vos collaborateurs les moyens d’assurer par eux-mêmes la régulation de leurs humeurs et comportements (soft skills) et vous obtiendrez une entreprise aux performances et à une adaptabilité non plus maximales, mais optimales et durables.

Cela ne vous viendrait jamais à l’esprit de courir un marathon de la même manière qu’un 1000 mètres?! Et pourtant bon nombre d’approches managériales visent une performance maximale, basées sur un dopage des équipes sans tenir compte du background de l’individu. Cette mise sous tension use prématurément les individus en créant des résistances inconscientes. La non prise en compte des ressentis profonds aboutira irrémédiablement à un ou plusieurs de ces symptômes: conflits, jeux de pouvoir, individualisme, absentéisme, arrêt maladie, burn-out... Alors, êtes-vous prêt à changer votre foulée?

Le self-management apparaît dans la certification iso 90001, au chapitre IV du Management des ressources, section 41. C’est un terme déjà ancien puisqu’il apparaît dans la littérature spécialisée du début du siècle dernier comme la prise de pouvoir de l’individu sur son organisation. Il s’oppose ainsi à l’impérialisme taylorien qui prône exactement l’inverse, pour des raisons prétendument scientifiques, afin d’enrayer «la paresse de l’ouvrier».

Prendre soin de soi et se ménager

Le self-management constitue le moyen de revivifier les femmes et les hommes de l’organisation dans le contexte actuel de transformations rapides. Le sens ici est la mise en compétence des individus sur leur capacité d’autorégulation de leurs comportements et de leurs caractères pour favoriser l’homéostasie de l’entreprise (c’est-à-dire un état de santé et de réactivité de l’entreprise et des individus qui la composent pour s’adapter rapidement aux opportunités et menaces).

L’ignorance de notre propre fonctionnement cognitif et émotionnel crée de la résistance, une forme de parasitage. Par un parcours ciblé, donnez les moyens à chacun(e) (temps, savoir et soutien) de grandir en compétences émotionnelles (QE) et en compétences relationnelles pour qu’ils/elles déploient leurs qualités comportementales (soft skills) en toute autonomie. Le self-management permet de donner à chacun(e) les moyens de ne plus s’user et de fluidifier ses relations interpersonnelles. Comme dans un corps en pleine santé, l’entreprise deviendra plus résistante dans son fonctionnement.

Jusqu’alors, la philosophie et la pratique du self-management sont restées essentiellement de l’autre côté de l’Atlantique, car elles sont basées sur les apports des sciences du comportement et du cognitivisme, notamment grâce à la méditation de pleine conscience appliquée aux relations (à soi et aux autres). Ces dix dernières années, la méditation a révolutionné les mentalités. Même si de vieux a priori lui attribuaient une connotation ésotérique, de nombreuses études scientifiques attestent que la méditation de pleine conscience favorise la neuroplasticité du cerveau ainsi que la régulation cognitivo-émotionnelle et comportementale. Cela en fait un outil de choix pour notre santé mentale, physique, affective et relationnelle.

Changement de paradigme

Tout responsable décidé à réfléchir sur l’efficacité de son action afin de l’améliorer, doit changer de paradigme: sa priorité n’est pas de manager, mais de se manager. Dès lors, les modalités de management se déterminent en fonction d’une analyse approfondie du potentiel de chaque salarié et des moyens de ressourcement à sa disposition. Ces derniers permettent de surmonter les moments de fatigue ou de découragement, de prévenir la montée de la charge mentale, et le risque d’épuisement liés à la fonction.

On ne manage pas les gens. On leur apprend à se manager par eux-mêmes, et on les soutient dans l’effort d’acquisition de cette compétence. C’est littéralement une prise de pouvoir de l’individu sur lui-même, sur son système émotionnel et cognitif. Mais aussi une prise de conscience du collectif dans lequel il s’inscrit d’être animé par une volonté de soutien (ou bienveillance) à chacun dans la traversée des difficultés et des opportunités. Loin du positivisme à outrance qui ne fonctionne pas dans la durée, il s’agit ici de donner les moyens à l’individu de développer par lui-même une motivation qui tient compte de ses hauts et de ses bas. C’est le seul moyen viable sur le long terme.

Compétences émotionnelles

Tout le monde n’a pas le même background. C’est à dire le même vécu, fait les mêmes expériences. Ce background agit comme une empreinte cognitive et émotionnelle conditionnant nos humeurs, nos décisions, nos comportements et la qualité de nos interactions sociales. Ce système nous met sur pilotage automatique.

La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible de passer en mode manuel! Ce «switch» permet une réelle prise de pouvoir sur soi-même, avec bienveillance et respect de soi. Générant connaissance de soi, confiance, estime de soi, satisfaction et sérénité. Libérant ainsi le passage à l’action par une approche pleinement consciente: introspection / prises de conscience / actions inspirées.

Par une prise en compte et un allégement de son système émotionnel, l’individu a la capacité de s’adapter rapidement aux changements (résilience), de diffuser une communication (comportementale et verbale) authentique (congruence) et profondément soutenante à un niveau émotionnel (bienveillance).

Grâce au switch décrit plus haut, il est ainsi possible d’autonomiser chaque individu à générer les qualités comportementales (soft skills) propices au développement harmonieux de sa personnalité comme au bon fonctionnement de l’ensemble, harmonisant de surcroît les relations interpersonnelles sur des bases co-participatives. Chacun aura la responsabilité de développer ses soft skills à partir de son background s’inscrivant de facto dans une durabilité des compétences.

Management conscient

De ce fait, le manager ou le dirigeant n’aura plus à se mettre la pression en se demandant comment gérer ses collaborateurs, puisqu’ils se géreront par eux-mêmes. Il aura par contre un rôle d’accompagnant à la mise en place des compétences en self-management de chacun (gestion émotionnelle et comportementale). Il témoignera lui-même de ses expériences en self-management, créant un leadership inspirant et humain par son exemplarité. Il sera chargé de trouver les conditions de travail favorables à une efficacité non pas maximale mais optimale. Il se souviendra aussi de l’antique précepte platonicien: les paroles douces et un langage adapté, voire un dialogue, sont mieux à même de stimuler un groupe de travail que le harcèlement, la violence ou les paroles inconsidérées, autoritaires ou massacrantes.

Il déterminera alors les éléments primordiaux de ce management conscient de l’importance du ménagement de soi et des autres. Il définira pour chaque action: une vitesse de croisière, une aide à pacifier les relations, stimuler la performance, encourager la coopération et la motivation de tous. Il peut alors animer le réseau clients-fournisseurs dans une perspective de développement durable des compétences, inciter à la responsabilité de tous en s’accordant sur des valeurs communes et conduire la permanence d’un effort collectif satisfaisant chacun.

Finalement, la question n’est pas de savoir quel type de management est le meilleur pour accompagner le self-management. D’ailleurs, Frédéric Laloux, l’auteur de Reinventing Organizations, l’explique très bien dans une de ses dernières vidéos: qu’importe l’approche managériale (Teal ou plus classique), le self-management pourra trouver toute sa place dans vos structures managériales actuelles. Il doit simplement être amené de manière adaptée et soutenue par l’ensemble du conseil d’administration, de la direction et des managers.

commenter 0 commentaires HR Cosmos
DMD

David Matthey-Doret est est accompagnant chez Paradigm21 et IA sparring partner. La rédaction de cet article a été réalisée en collaboration avec Claude 3.

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C’est après un Burnout en 2006 que Youri Bellanger s’est spécialisé dans les thérapies comportementales et cognitives. Formateur et conférencier, il a fondé MINKA ACADEMY: une école en gestion des émotions et de la communication interpersonnelle basées sur la pleine conscience. Lien: www.minka.academy

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