Sécurité

Le spectre d’une pandémie mobilise les organisations

Le risque d’une pandémie pose un double défi aux départements des ressources humaines: assurer la poursuite des affaires tout en garantissant la protection des collaborateurs. La propagation d’un virus semble inévitable dans un «proche avenir». Mais les niveaux de préparation varient sensiblement.

Une matinée brumeuse de novembre. Estelle* embrasse ses enfants, ajuste son masque de protection et quitte la maison. Son mari, cadre dans une entreprise de la région, n’ira pas travailler. La crèche et les écoles sont fermées. Dans le bus qui l’amène à son lieu de travail, elle rencontre une amie. Un regard, un sourire, mais pas de bises. Arrivées au bureau, les deux femmes se désinfectent les mains et tirent de leur poche un second masque de protection. Puis désinfectent les poignées de portes. Depuis trois semaines, une grippe pandémique sévit en Suisse.

Ce scénario catastrophe imaginaire n’est qu’un avant-goût (amer) des chambardements sociaux et économiques qui toucheraient la Suisse en cas de pandémie. Selon l’Office fédéral de la santé publique, «une telle crise est inévitable dans un avenir proche». Et il estime que 25% de la population sera touchée par la maladie durant les trois premiers mois de la propagation du virus. La majorité des employés ne se rendraient plus au travail. A cause de la maladie. Parce qu’il faut rester au chevet d’un proche. Pour s’occuper des enfants à la maison ou tout simplement par peur d’être infectés. 

Du côté des entreprises, le défi est immense. Et une étroite collaboration entre tous les départements sera décisive pour traverser la période de turbulence. Car en plus des dangers pour la santé personnelle des collaborateurs et le choc émotionnel, les conditions de travail auront tendance à se détériorer. Etat des lieux des différents niveaux de préparation dans les entreprises suisses. 

Se préparer sans désécuriser. Parmi les précurseurs dans le domaine, le géant bancaire UBS est déjà très avancé dans le processus. Au début 2007, ils ont été les premiers à envoyer des masques de protection, des tests et du matériel de désinfection aux domiciles de leurs 6000 collaborateurs en Suisse. Selon Beat Vogt, directeur RH des services spéciaux, le premier bilan est positif: «Comme nous avions beaucoup communiqué en amont, nous avons eu très peu de réactions d’angoisse en retour.» Au lancement de l’opération, des campagnes d’informations ont circulé sur l’intranet. Un site spécialement dédié aux pandémies a été publié sur le web. Et toutes les équipes ont pu assister à des présentations power point. 

Interne et externe. Mais en communiquant aussi massivement, la banque s’est exposée – qu’elle l’ai voulu ou non – aux observateurs extérieurs. Plusieurs médias ont thématisé l’information. La ville de Zurich a également été plongée sous les feux de la rampe quand elle a admis avoir acheté une réserve stratégique de masques de protection et de boîtes de Tamiflu. Les 24000 employés de l’administration cantonale zurichoise ont été informés de la démarche par intranet. En plus d’une série de conférences et d’une fiche pratique insérée dans leur décompte salarial à la fin du mois. Mais dans ce deuxième exemple, les masques et autres réserves de médicaments ne seront distribués qu’en situation d’alerte. Selon Sonja Mani, cheffe de la communication au département de la santé et de l’environnement (ZH), la difficulté a été de communiquer sans causer de panique. «Le danger d’une pandémie est sous-estimé dans plusieurs milieux. C’est de la négligence si le management ne se préoccupe pas des conséquences d’une telle crise», insiste-t-elle. 

Crise ou business as usual? Selon plusieurs entreprises sondées pour cet article, la mise sur pied d’un plan anti-pandémie concerne avant tout les départements de «Business Continuity Management». Chez l’assureur Helsana, les scénarios de pandémie ont été simulés par un cabinet de crise. L’opérateur de téléphonie Sunrise a adopté la même démarche. Son concurrent Orange a choisi de pousser l’exercice à l’échelon supérieur. «Les techniciens ont suivi des exercices d’entretien d’antennes – montage et démontage en combinaison de protection pour éviter tout contact avec des excréments d’oiseaux», détaille Therese Wenger, responsable média et relations publiques. 

Les sociétés aériennes ont emmanché le problème d’une manière plus décontractée. TUI Suisse met à disposition de ses clients et de son personnel toutes les infomations sur leur site internet, précise Roland Schmid, chef de la communication. Chez Swiss, l’ensemble du personnel est régulièrement entraîné à différentes techniques sanitaires. Selon le porte-parole Jean-Claude Donzel, le spectre d’une infection au SARS (Severe Acute Respiratory Syndrom) inquiète surtout la clientèle. 

Vive le télétravail! Si la Suisse devait être touchée par une pandémie, les autorités demanderaient aux entreprises d’éviter au maximum les contacts entre personnes, dans le cadre d’une stratégie de «Social Distancing». Dans les cas extrêmes, la recommandation pourrait même devenir une interdiction de rassemblement. Dans les deux cas, un coup dur serait porté au fonctionnement des équipes. De nombreuses personnes chercheraient à travailler depuis la maison. Les séances de travail se dérouleraient vraisemblablement par vidéo-conférence. Les entreprises avantagées seront celles qui auront déjà pris des mesures pour flexibiliser le travail. Selon Raphael Wermuth, chef de la communication chez Philipps, en cas de pandémie, près de 80 pour cent du personnel peut passer en mode télétravail. Puisque la plupart des employés utilisent déjà un ordinateur portable mis à disposition par l’entreprise. En ce qui concerne les besoins en matériel téléphonique, Orange et Sunrise estiment que les capacités seront largement suffisantes.

Mais l’interdiction de tout rassemblement aurait un deuxième effet sur la gestion de la pandémie: la communication de crise (mesures préventives, processus à suivre) serait fortement diminuée puisque les conférences et les séminaires restent un moyen important de transfert de l’information dans les organisations. Pour éviter ce travers, deux stratégies possibles. Sensibiliser les collaborateurs en amont, avant que la pandémie soit déclarée (c’est l’exemple de l’UBS) ou alors préparer des messages électroniques, imprimer des documents détaillant le processus et enregistrer des messages audio dès aujourd’hui. De manière à ce que ces messages puissent être envoyés instantanément le jour J. Dans tous les cas, une bonne préparation au risque d’une pandémie type grippe aviaire se justifie. Et sur ce point, tous les spécialistes s’accordent: une grippe pandémique peut se diffuser très rapidement à travers le monde. Un scénario souvent sous-estimé dans nos organisations.

 

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Mark Bächer dirige Life Science Communications Management SA à Küsnacht. Cette société de conseil est spécialisée dans les stratégies "santé" et scientifiques.

Lien: www.Iscom.ch

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Texte: Anita Gut

Anita Gut est conseillère en communication chez cR Kommunikation SA à Zurich-Küsnacht, Berne et Bâle. C'est cette société qui a été mandatée par l'OFAS pour préparer la stratégie de communication en cas de pandémie.

Lien: www.crkom.ch 

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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