Droit du travail

Le timbrage permet d'éviter "d'importants problèmes" aux entreprises

Dans un nouveau projet d'ordonnance, le Conseil fédéral propose de supprimer l'obligation de timbrer pour les salariés dotés d'une large autonomie et touchant plus de 120'000 francs par an. Membre du comité directeur d'Unia, Corinne Schärer revient sur l'importance que revêt, pour les syndicats, l'enregistrement du temps de travail.

De votre point de vue, quels sont les principaux avantages du timbrage?

L’enregistrement du temps de travail est nécessaire pour éviter les dérives. Plusieurs études ont démontré que son absence amène les individus à travailler de plus en plus et aussi durant leur temps libre. Cette absence de frontière claire provoque une augmentation des cas de stress et de burnout. Les individus le paient de leur santé et cela pose d’importants problèmes aux entreprises. En 2000, le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) a évalué les coûts sociétaux liés au stress et à l’épuisement professionnel à 4,2 milliards de francs. Aujourd’hui, un chiffre de 10 milliards par année est articulé par les experts. D’un point de vue de gouvernance, l’enregistrement du temps de travail permet de connaître exactement les heures supplémentaires effectuées par le personnel. Les entreprises sont alors en mesure de remplir leurs obligations légales en appliquant la majoration de 25% généralement prévue. Certaines CCT définissent aussi des compensations plus avantageuses pour les heures supplémentaires et pour le travail du soir, du week-end ou des jours fériés. Or sans enregistrement, plus moyen de contrôler à quel moment les prestations ont été effectuées. Saisir le temps de travail évite alors des mauvaises surprises quand il s’agit par exemple d’établir un décompte de fin des rapports de travail.

A l'inverse, quels sont ses principaux inconvénients?

Nous ne voyons pas d’inconvénients à la saisie du temps de travail, qui est garante d’un traitement équitable. L’image un peu poussiéreuse de la machine à timbrer doit être remise en question. Aujourd’hui, beaucoup de moyens existent pour enregistrer le temps de travail: fichiers excel, badges, applications sur les ordinateurs de l’entreprise, etc.. On constate à ce propos que trop d’entreprises négligent un enregistrement rigoureux, alors que c’est une obligation légale. Et que les contrôles en la matière des offices d’inspection du travail cantonaux sont insuffisants.

Comment a évolué la notion de temps de travail ces 50 dernières années?

L’obligation d’enregistrer le temps de travail est inscrite dans la loi sur le travail, une des plus anciennes législations instaurée pour protéger la santé des salariés. On remarque que dès l’origine, la séparation entre le temps libre et le temps travaillé, ainsi que la définition claire du temps de travail, ont été un enjeu important pour la protection de la santé. Internet et les moyens de communication permettent aujourd’hui, pour certains, de travailler à distance. La frontière entre le temps de travail passé dans l’entreprise et le temps privé devient de plus en plus fine. C’est une tendance qui va s’accentuer, engendrant des dérives. L’enregistrement du temps de travail est le principal outil à notre disposition pour les éviter.

Le projet du Conseil fédéral prévoit un plancher salarial de 120'000 francs; pourquoi ce chiffre?

Ce montant est un compromis passé entre les employeurs et les syndicats. Pour Unia, il s’agit d’une limite maximale à ne pas dépasser. Il ne peut en aucun cas mener à une déréglementation par la tactique du «saucissonnage». Nous estimons que les deux motions pendantes au Parlement qui réclament l’abolition de la saisie du temps de travail pour des secteurs entiers sont hors de propos et doivent être combattues.

A votre avis, les employés devront-ils toujours saisir leur temps de travail dans 50 ans?

Le travail salarié est intimement lié à une notion temporelle et le restera toujours. De nouveaux types d’organisation du travail comme le management par objectifs risquent parfois d’occulter cette réalité. En se concentrant uniquement sur les résultats – peu importe quand et comment la tâche a été réalisée - on fait l’impasse sur le temps qui y a été consacré et les conséquences pour la santé des individus. Dès lors, l’enregistrement du temps de travail est et restera le seul indicateur fiable qui permet de mesurer le temps qu’un salarié a prélevé de son temps libre pour effectuer un travail contre une rémunération.

Corinne Schärer

Corinne Schärer est membre du comité directeur d’Unia. La position du syndicat dans le cadre de la procédure de consultation du Conseil fédéral sur la réforme de l’enregistrement du temps de travail peut être consultée ici.

 

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Texte: hrtoday.ch
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