«Les jeunes jurassiens ne veulent plus rester derrière un établi toute leur vie»
Anémone Cramatte, responsable marketing et communication dans une société de placement, a réalisé un mémoire dans le cadre de son MAS RH aux universités de Genève, Lausanne, Neuchâtel et fribourg sur «la pénurie de main-d'oeuvre dans les métiers de l'industrie et de la construction dans le canton du Jura».
Photo: Artiom Vallat / Unsplash
Comment se manifeste cette pénurie de main-d’œuvre dans les secteurs de la construction et industriel jurassiens?
J’ai interviewé treize acteurs de ces deux secteurs et tout le monde a fait le même constat. Depuis quelques années, les jeunes préfèrent se diriger vers des métiers administratifs. Au mieux, ils considèrent un emploi dans l’industrie comme un tremplin vers des fonctions plus intéressantes ailleurs. Les jeunes souhaitent aussi poursuivre leur formation en HES ou à l’université. Ils ne veulent plus rester derrière un établi toute leur vie. À noter que la démographie joue sans doute aussi un rôle. En 2020, environ 1000
jeunes sortaient de l’école secondaire jurassienne. En 2022, ils n’étaient plus que 700.
Et qu’en est-il dans le reste de la Suisse?
Selon des enquêtes d’Adecco et de Manpower, ces difficultés existaient déjà en Suisse en 2018 et 2019. Et c’est aussi une problématique européenne. Ces enquêtes constatent un manque de compétences techniques, un manque d’expérience et un manque de savoir-être chez les candidats. Nous le remarquons aussi chez nous. Les entreprises cherchent des profils qui correspondent à leur culture et à leur marque employeur et attachent une grande importance au savoir-vivre, surtout dans le secteur industriel.
Et du côté des entreprises, quelle est la marge de progression pour rester attractives?
Les candidats cherchent à développer leur potentiel. Ils veulent aussi se sentir utiles. Ce contexte organisationnel doit parfois mieux être mis en évidence. Les individus apprécient aussi les horaires flexibles et les temps partiels, surtout depuis la pandémie. Mais ces aménagements ne sont pas toujours possibles, surtout dans le secteur du bâtiment.
Quelles stratégies avez-vous identifié pour remédier à cette situation pénurique?
J’ai constaté des lacunes au niveau du cycle d’orientation (niveau secondaire I). Ces professions sont souvent dénigrées. Les enseignants orientent rarement les jeunes vers ces métiers. Ils estiment que c’est aux orienteurs professionnels de s’en charger.
Comment remédier à cette situation?
Le canton du Jura organise des visites d’entreprises pour les enseignants. Cette démarche commence à porter ses fruits. Il manquait aussi des relais entre les cycles d’orientation, les écoles professionnelles et les centres d’orientation. Là-aussi, le canton du Jura cherche, depuis 2022, à renforcer entre ces trois pôles.
Et du côté des entreprises?
Elles doivent renforcer leur communication auprès des écoles du canton et utiliser les bons canaux pour atteindre les jeunes. Les métiers industriels sont aussi de plus en plus digitalisés et parler de cette évolution est un bon moyen d’attirer les jeunes vers ces métiers.