Les six moments-clés où la fonction RH devient partenaire stratégique
Depuis l’ère du chef du personnel, le contenu et l’expertise d’un manager RH ont fortement évolué. Voici comment les professionnels RH soutiennent un manager dans un monde complexe, anxiogène et de plus en plus pénurique.
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Les RH, que font-ils? Il y a de nombreuses années, un participant à une formation RH m’avait répondu: «Ils s’assurent que les salaires soient payés le 25.» En effet, le RH a un client, le collaborateur, qui attend un salaire et quelques prestations annexes, contractuelles, financières, temporelles. Ce fut l’époque du chef du personnel.
Aujourd’hui, le titre a changé, et les contenus évoluent en permanence. Les valeurs, la marque employeur, l’expérience collaborateur, la fidélisation, sont devenues les essentiels. Un tout autre métier, au fond. Et un métier qui ne peut se faire seul. C’est l’ensemble de l’entreprise qui va donner une image, une culture, une expérience, et fidéliser. Ses dirigeants par les comportements qu’ils privilégient. Ses RH par les politiques et les processus qu’ils cocréeront avec les dirigeants. Ce sont eux qui marqueront les parcours des collaborateurs et collaboratrices, et influenceront les comportements managériaux par un savoir-faire et un savoir-vivre.
Dans un monde VUCA (volatil, incertain, complexe et ambigu), on le sait, la fidélisation est un enjeu majeur d’économie de coûts. Garder les compétences, mais également les fonctionnements sociaux acquis, l’efficience organisationnelle, sont des avantages concurrentiels. Qu’attendent les managers des RH? Et qu’est-ce que les RH peuvent réellement leur apporter? Entre fantasmes et pragmatismes, quelques pistes à haute valeur ajoutée:
Le recrutement
Le RH peut-il éviter les erreurs de recrutement? Oui si l’organisation est saine. Et si le manager accepte d’entendre les signaux d’alertes du RH. En recrutement, les RH encourageront un regard formel, structuré, sur le processus, les entretiens et les évaluations. Le partenariat se noue dès le lancement d’un recrutement, en précisant les conditions d’emploi, les éléments de marketing employeur à mettre en avant. En amont, la conception du poste pourra parfois être rediscutée, les RH apportant un panel de compétences en design organisationnel. Il est en effet essentiel que sa conception soit en phase avec l’environnement existant, les territoires déjà déterminés. Au-delà du rendement attendu par le manager, il y a à sensibiliser aux conditions-cadres qui permettront cette performance. Des dimensions psychologiques doivent être déterminées, telles les espaces d’autonomie, les exigences de collaboration, et des attentes de l’équipe décryptées. Le manager aura ainsi une liste de points d’attention complémentaires pour le recrutement, et parfois la présence neutre et distante du RH également.
L’intégration
Le RH doit-il se préoccuper de l’accueil du nouveau collaborateur? Le manager ne le souhaite pas toujours, et pourtant, il est essentiel que l’intégration se fasse dans l’entreprise en son entier. Dans la phase d’intégration du nouveau collaborateur, le RH donnera des outils, tel un fil rouge d’intégration, pour assurer un suivi rigoureux de l’acquisition des connaissances, mais aussi la compréhension du contexte. En effet, au-delà du métier, il y a à comprendre la culture, les espaces, le rapport au temps et les temps forts, les us et coutumes. Trop souvent, le manager va droit au but, attend une productivité rapide. Le temps «économisé» se rattrape par la suite, dans des coordinations avec les collègues, les autres projets, les petites erreurs, les manques de connaissance des outils. Et sur le moyen terme, la compétence organisationnelle, initialement partagée par tous, s’est perdue au fil des arrivées mal intégrées.
Les entretiens d’évaluation
Le RH doit-il vraiment lire les entretiens de collaboration et vérifier ainsi le travail du manager? Tout d’abord, l’outil d’évaluation gagne à être construit de manière spécifique à l’entreprise, ses valeurs, ses produits, ses rythmes et exigences. Le savoir-faire RH est essentiel pour que l’outil intègre la culture organisationnelle d’une part, produise des résultats qui pourront être mis en pratique d’autre part. Et pour cette deuxième partie, la collaboration avec les managers est essentielle: un bilan tout d’abord sur les thématiques récurrentes, les enjeux globaux, puis des actions pour les individus et équipes. Parfois l’œil ou l’oreille avertis lisent entre les lignes d’autres sujets sous-jacents, à explorer, des problématiques exprimées indirectement. Et le RH peut ainsi aider à éviter le piège de la fausse mesure, par trop superficielle, masquant la lacune ou la difficulté.
Les conflits
Là, le RH est attendu. Qu’il débrouille l’écheveau, le manager le lui délègue volontiers. Et pourtant, l’écheveau n’est rarement qu’interpersonnel. Des thématiques d’organisation du travail en équipe sont souvent présentes, de procédures, d’outils, de directives. Le RH peut prendre un rôle de médiateur, permettre au manager et aux collaborateurs de s’exprimer dans un autre climat, parfois avec des outils complémentaires. Il ne peut régler un conflit à lui seul. Il peut recevoir l’un, l’autre, entendre divers avis, mais ce n’est qu’autour de la table avec toutes les parties, y compris le manager, que des accords peuvent être passés, des changements initiés, et des relations tissées diffé-remment pour la suite de la collaboration.
La santé en entreprise
Le RH a-t-il le droit de venir discuter avec le manager de la santé de ses équipes? Souvent, les taux d’absentéisme révèlent une difficulté, et le manager n’a guère envie d’aborder ce sujet ou de partir à la recherche du problème. Il risque en effet d’être mis en cause. Les explications fourmillent, c’était un cancer, une grossesse difficile, une vague de grippe particulière... Mais les faits sont têtus, et certaines équipes ont des taux plus élevés que d’autres. Comment sont gérés les maladies, les retours, les remplacements? Comment le contact est-il maintenu, avec le supérieur, avec les collègues, et avec les RH? Qui soutient comment un collaborateur, une collaboratrice, dans une difficulté de vie? Ici aussi, une politique RH abordant la santé mentale, les conflits, le harcèlement, le retour en emploi, l’adaptation des postes, sera d’une grande utilité au manager. Des outils spécifiques, des liens avec les case managers des assurances, un savoir-faire autour de l’adaptation des postes pour des retours partiels rapides, font aussi partie des atouts RH que le manager gagne à utiliser.
L’équité
Le RH peut-il s’opposer à des mesures que le manager souhaite prendre pour un membre ou pour son équipe? Formation, promotion, validation de frais, de congés spéciaux, les demandes sont multiples. Plus l’entreprise est grande, plus ces divers aspects sont formalisés et centralisés. Car en effet, l’équité est essentielle au bon fonctionnement des équipes. Les précédents vivent longtemps, et les petits accords ici et là, certes humains et nécessaires, peuvent créer de plus grosses difficultés sur le moyen terme. Le RH a la difficile mission d’expliquer cela au cadre, au manager, qui, pétri de bienveillance, souhaite faciliter la vie de ses collaborateurs et les fidéliser, telle que la politique RH le lui demande.
Relation de confiance
Finalement, le RH veut avoir son nez partout, le manager souhaite faire son job en paix – pourquoi cette tension? Parce que la fonction de manager est une fonction RH, au fond, une fonction de gestion d’équipe avec ses enjeux légaux de droit du travail, ses enjeux de climat social, et touche aux grandes thématiques de formation, développement et fidélisation. Le manager gagne ainsi à bénéficier d’outils et de savoir-faire, d’un regard externe appuyé sur un savoir approfondi. Et il doit une forme de loyauté à l’entreprise, sa culture et les processus qui la reflètent, à la politique RH globale. Sortir de la tension pour aller vers une collaboration sereine demande au RH d’être à l’écoute des besoins du manager, d’offrir des solutions pragmatiques et simples, de faire évoluer l’appareil RH et ses outilsinformatiques en phase avec les besoins avérés du management à tous les niveaux. C’est ainsi que les RH apportent une réelle valeur ajoutée à l’entreprise, en desservant les clients managers. En contre-partie, ceux-ci sont appelés à faire confiance aux RH, au savoir-faire, à déléguer là où cela est utile et pertinent, à dialoguer en amont des mesures souhaitées, et à unir les forces et les intelligences.