L'État du Valais: «Nous volons au-dessus de la mêlée»
Gilbert Briand est le chef du service des ressources humaines à l'État du Valais depuis 2012. Il explique ici les enjeux RH actuels et décrypte le rôle complexe de la fonction dans un environnement guidé par le politique, les médias et le grand public.
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Quels sont les grands chantiers RH qui vous restent à accomplir?
Gilbert Briand: L’évolution de la fonction RH est éternelle (sourire). S’il faut retenir un chantier important, c’est celui lié à la pénurie du personnel. L’État du Valais a revu les conditions de travail du personnel enseignant, ainsi que celles du personnel soignant. Nous avons aussi lancé un projet d’évaluation des fonctions pour l’administration cantonale. L’ensemble de ces mesures représente des investissements importants en faveur de la fonction publique. Nous élaborons aussi un important projet pour améliorer l’image de l’État en tant qu’employeur. Cela implique un vaste projet d’accompagnement du changement en lien avec la digitalisation, la formation de nos cadres, la flexibilisation des formes de travail, des actions dans le domaine de la durabilité ou encore de la valorisation du sens des missions de l’État du Valais.
Travailler pour l’Etat du Valais ne fait plus envie?
Travailler en faveur du domaine public est très intéressant et très motivant. Servir la population est une mission noble qui donne beaucoup de sens au travail. Il est important de soigner l’image de l’employeur en conséquence. En ce qui concerne les conditions de travail, nous devons être attractifs, mais raisonnables, notamment au niveau des conditions salariales. Le défi est de trouver un équilibre entre les conditions de travail et l’impact politique de nos décisions, car nous travaillons avec l’argent des contribuables.
Comment évolue la culture au sein de l’État du Valais?
Chaque service dispose de sa propre culture. Nous essayons d’y superposer une culture plus globale, qui recouvre l’ensemble de nos prestations. Pour y arriver, nous investissons dans la formation des cadres, dans les outils de leadership, le feedback 360°, dans la santé de nos employés, ainsi que dans la prévention dans multiples domaines. L’encadrement joue un rôle-clé dans ces questions de culture organisationnelle.
Comment ressentez-vous la pression du politique?
Cela se traduit notamment par des enjeux d’efficience. Le parlement a tendance à accorder par sa législation de multiples nouvelles tâches et normes au canton, ce qui implique le besoin de création de postes. Malheureusement, les moyens y relatifs sont souvent insuffisants. Nous devons donc nous réorganiser et réinventer en permanence. Le Conseil d’État a par exemple lancé le projet «Efficience+» qui vise à mener ces analyses, à choisir des priorités, ainsi qu’à rationaliser ses tâches. Cela implique aussi de sensibiliser le personnel, de soigner la communication et de gérer les aspects culturels. Notre rôle est de soutenir les services qui se réorganisent. En parallèle, il tient à cœur de l’État du Valais de s’investir aussi en faveur de l’engagement de personnes au chômage ou encore de l’intégration des personnes ayant des soucis de santé.
Quels sont vos défis en termes de santé au travail?
Le maintien d’une bonne santé pour notre personnel est extrêmement important. Il est de notre devoir de veiller à une politique globale en matière de santé et de sécurité au travail par le biais de différents projets et mesures. Nous menons actuellement un sondage auprès du personnel pour évaluer les sujets qui le préoccupent et de prévoir des mesures dans notre politique du personnel, une fois les résultats connus. Comme partout, le stress et l’épuisement professionnel sont des enjeux importants.
Quelles sont vos relations avec les partenaires sociaux?
Très bonnes! Nous avons développé une vraie relation de partenariat. Nous les rencontrons très régulièrement pour échanger sur les problématiques actuelles. Nous les intégrons aussi dans toutes les modifications de bases légales et dans l’application des dispositions légales lorsque cela s’avère utile et bénéfique.
Comment décririez-vous l’action du Service RH?
C’est une fonction normative mais aussi novatrice. Nous suivons attentivement les évolutions du monde du travail afin de les implémenter dans un contexte administratif. Nous proposons au gouvernement une politique du personnel orientée vers le futur et une fois que les grandes orientations ont été décidées, nous adaptons notre stratégie afin de réaliser ces défis. Les règles inhérentes à la gestion RH sont émises par notre service. Notre rôle est aussi de surveiller l’application de ces normes au sein de tous les services de l’État. Les Chefs·fes de service sont conseillés·ées et soutenus-es par notre service dans tous les domaines de la gestion RH.
Comment la fonction RH de l’État du Valais a-t-elle évolué en 20 ans?
Comme mentionné précédemment, le rôle et les missions de la fonction RH évoluent en permanence. En 1994, nous avons été l’un des premiers cantons à introduire un système salarial lié à la performance. C’était très novateur à l’époque. Nous étions aussi pionniers avec l’introduction, en 1999, d’un projet pilote sur le télétravail, adopté définitivement en 2007. L’annualisation du temps de travail a été inaugurée autour des années 2000 et en 2012, nous avons mis en place le système des HR Business Partner. La digitalisation des processus de travail, tout comme l’arrivée de l’intelligence artificielle, nous offrent des opportunités d’évolution permanentes.
Récemment, les cheffes des services de la culture et de la santé ont donné leur démission, deux femmes en l’occurrence, cela vous inquiète-t-il?
Il est tout à fait normal que les gens cherchent à changer ou à évoluer, y compris au niveau professionnel. Le fait qu’il s’agisse de deux femmes est un hasard. Le chef du service des contributions, un homme, a lui aussi démissionné récemment, et c’est une femme qui va le remplacer. Il faut plutôt essayer de comprendre les raisons de ces départs pour en tirer des leçons. Il faut savoir qu’un·e chef·fe de service doit concilier des attentes souvent difficilement conciliables: celles des collaborateurs·trices, du politique, du gouvernement, des médias et de la population. Il faut parfois faire des miracles avec des budgets réduits. C’est un énorme défi, mais qui est source de satisfactions et de développement permanents. À noter aussi que le Service RH n’est pas directement impliqué dans la conduite opérationnelle de chaque service, nous volons au-dessus de la mêlée et cette distance nous donne une autre perspective de la réalité et nous aide à apporter un soutien avec le recul nécessaire.
Quels sont les leviers de la motivation en secteur public?
L’élément-clé est le rôle joué par les cadres. Ils ou elles doivent donner envie aux collaborateurs·trices et leur proposer des défis adaptés à leurs capacités. Exiger en mesurant bien les limites, soutenir, mettre en place des règles de convivialité et veiller à ce que le personnel se sente bien. Ce n’est pas une mission facile. Le sens au travail, la variété des activités proposées, les perspectives d’évolution professionnelle ou encore la possibilité de pratiquer différentes langues sont aussi des facteurs de motivation importants.
Quelle est l’image de la fonction RH à l’interne?
Elle est contrastée et nous connaissons bien nos limites. Comme nous sommes le gardien de l’application des normes, notre image est parfois celle d’un empêcheur de tourner en rond. Mais c’est à nous de veiller à une égalité de traitement et nous devons donc parfois donner des réponses négatives. De l’autre côté, par notre expertise dans les RH ainsi que les conseils que nous pouvons apporter, sans nous impliquer dans la gestion opérationnelle, notre soutien est bien apprécié et un vrai partenariat existe.
De la banque à l'État du Valais
Gilbert Briand (61 ans) est le chef du Service des ressources humaines à l’État du Valais depuis 2012. Après des études à Fribourg (diplôme d’enseignant de niveau secondaire), il suit une formation post-diplôme en gestion stratégique des RH à la Haute École de la Suisse Nord-Ouest. Il a travaillé dans le domaine de la formation bancaire, notamment au Credit Suisse à Zurich, où il s’est occupé de la formation des apprentis, du recrutement et de l’assessement des jeunes cadres (universitaires) dans le secteur du management development. Il commence son parcours dans le public comme chef de secteur auprès du Service de la santé public à l’État du Valais, où il réorganise l’ensemble des écoles de soins dans le canton. Il entre ensuite au Service des ressources humaines comme adjoint du chef du personnel Franz Michlig. En 2010, il est nommé directeur RH de l’Hôpital du Valais, qui traverse une période de crise. En 2012, il revient à l’État du Valais et devient chef du service des ressources humaines.