RH en secteur public

«Nous devons faire face à la multiplication des petits postes à 40%»

Benjamin Gasser est chef de service adjoint au service des ressources de la Direction de la formation et des affaires culturelles (DFAC) à l'État de Fribourg. Il décrit ici les enjeux de la gestion RH du corps enseignant au niveau primaire et secondaire I et II.

Quels sont vos domaines d’influence?

Benjamin Gasser: Nous gérons l’ensemble des prestations administratives RH liées au personnel enseignant et administratif de la DFAC, à l’exclusion de la gestion des salaires. Nous fonctionnons comme autorité d’engagement; fixons les traitements et validons, par exemple, les demandes de congé de toutes sortes. En résumé, nous suivons la carrière des enseignants·es et de tous les événements en lien avec leur activité, de leur engagement à leur départ. Notre conseillère d’État (Sylvie Bonvin-Sansonnens, Les Vert·e·s, ndlr) prend les décisions en matière de licenciements, de suppressions de postes ou de retraites. Notre rayon d’action est donc très large, ce qui rend passionnant notre métier.

Comment se répartissent les tâches entre votre Service et le Service du personnel et d’organisation de l’État de Fribourg (SPO)?

Le SPO élabore la politique du personnel, prépare les propositions au Conseil d’État et veille à sa mise en œuvre. Il conseille notre Direction et notre service dans les domaines en lien avec le personnel et l’organisation. En plus de la gestion des salaires, le SPO est le garant de la base légale en matière de personnel. Nous collaborons par exemple avec eux dans la préparation de directives administratives ou sur des projets d’envergure (primes, outils de managements, etc.) qui nous concernent. Récemment, nous avons par exemple mis sur pied une directive sur le réengagement du personnel à la retraite. Le SPO préavise aussi toutes les décisions susceptibles d’un recours conformément au code de procédure et de juridiction administrative.

Quelles sont les tâches RH assumées par les établissements scolaires?

Les directions d’école gèrent le personnel sur le terrain. Elles agissent comme supérieures hiérarchiques directes des enseignants·es. Elles gèrent par exemple toutes les demandes et annonces du personnel enseignant de leurs écoles, annoncent les postes à repourvoir et donnent des préavis lors de demandes d’engagement ou de suppression de postes. Elles sont également autorités d’engagement pour le personnel remplaçant. Nous exerçons simplement un contrôle. Et les directions d’écoles s’occupent évidemment de l’opérationnel: s’assurent que l’enseignement soit donné à satisfaction, que les temps de travail soient respectés, etc. Sur les questions pédagogiques, les directions vont collaborer avec l’inspection scolaire et le service de l’enseignement.

Quel est votre rôle lors des mises au concours?

Dans un premier temps, nous contrôlons que le poste soit disponible. Pour un nouveau poste, ce sera soit une ouverture de classe, soit un congé, soit une démission/retraite ou une nouvelle organisation dans l’école. Nous faisons ensuite la mise au concours sur notre portail emploi. Les dossiers arrivent auprès des directions d’écoles, qui mènent les entretiens avec parfois un·e représentant·e des communes du cercle scolaire concerné pour ce qui concerne le degré primaire. Elles nous envoient une proposition et nous décidons ensuite de l’engagement de la personne, fixons la durée de son contrat, sa garantie de poste et son traitement. Nous confirmons les engagements aux personnes concernées, faisons le contrôle des casiers judiciaires puis établissons les contrats de travail durant l’été après analyse des différentes affectations avec les directions d’école.

Est-ce difficile de trouver des enseignants?

Cela dépend des régions linguistiques. Nous avons moins de difficultés dans la partie francophone du canton, pour l’enseignement primaire et secondaire I, pour ce qui concerne les titulaires. Il est par contre plus difficile de trouver des remplaçants et des remplaçantes au primaire et pour certaines disciplines au secondaire I. Le taux de personnel non-diplômé est extrêmement faible au primaire. La pénurie est plus marquée dans l’enseignement spécialisé. Du côté alémanique, la situation est plus compliquée. Les districts de la Singine et du Lac souffrent d’une forte concurrence du canton de Berne. De nombreux jeunes Fribourgeois vont y faire leurs études puis y poursuivent leur carrière professionnelle.

Et pour le secondaire II?

Aucun problème. L’offre du marché dépasse de loin la demande des établissements scolaires.

Quelle est la situation des temps partiels au niveau de l’enseignement primaire?

La DFAC est particulièrement attachée au principe de conciliation entre vie professionnelle et vie privée. Pour faciliter ceci, nous accordons facilement des baisses de taux après un congé de maternité par exemple. Cela a pour conséquence le schéma suivant: une enseignante commence sa carrière à 100%, entre 25 et 30 ans, elle décide de fonder une famille et réduit son taux d’activité à 60%, ce qui libère un 40%. Multipliez ce cas de figure par 100 (qui est environ le nombre d’écoles primaires du canton de Fribourg, ndlr) et cela multiplie les petits postes à 40%, qui sont plus difficiles repourvoir. Ceci a pour corollaire que le nombre de postes à 100% mis au concours est relativement faible, ce qui incite des jeunes diplômés à prendre deux postes à 40% mais la charge de travail devient ainsi souvent difficilement gérable. Les enseignants·es titulaires de ce genre de postes cherchent rapidement une activité sur une seule classe dans un autre établissement scolaire.

Les enseignants sont de plus en plus sollicités (par les élèves et les parents) et jouent parfois le rôle du travailleur social. Comment remédiez-vous à cette pression qui augmente sur leur santé mentale?

C’est clairement un enjeu, mais il est à noter que nous espérons que la mise en œuvre des travailleurs sociaux et travailleuses sociales dans les écoles du canton permettra de réduire cette pression. Nous collaborons aussi avec l’Espace santé social de l’État, qui propose une sorte de case management. Le service de l’enseignement propose aussi un service de soutien, pour accompagner les personnes en difficulté. À noter qu’en cas de maladie ou d’accident de longue durée, les enseignants·es (comme le reste du personnel de l’État) ont une garantie de contrat d’une année, et que leur traitement peut ensuite être en principe prolongé sous forme d’indemnités journalières jusqu’à une année supplémentaire. Après une année d’absence, nous devons cependant rompre le contrat de travail. Avant que cela n’arrive, nous essayons de faire intervenir l’assurance invalidité (AI), pour mettre un coaching en place, des moyens auxiliaires ou des mesures de réinsertion. La collaboration avec l’AI fonctionne très bien, et nous n’avons ainsi quasiment plus de personnes en fin de contrat pour des motifs de maladie ou d’accident.

Qui évalue la qualité de l’enseignement?

Les directeurs et directrices d’école. Le Conseil d’État a promulgué une ordonnance ODE_Ens (conduite par Objectifs, du Développement et de l’Évaluation du personnel enseignant de la DFAC). Le directeur ou la directrice d’école fixe avec l’enseignant·e des objectifs et compétences en lien avec la qualité de l’enseignement et de son développement personnel, qui seront évalués après deux ans. Il suit en outre régulièrement les enseignants·es durant l’année scolaire et s’assure que tout fonctionne à satisfaction.

Les spécificités de l'instruction publique

Les enseignants et enseignantes ont des horaires particuliers. Dans le canton de Fribourg, pour un contrat à temps plein, il faut enseigner 28 leçons hebdomadaires au primaire, 26 au CO et 24 au secondaire II. Une heure d’enseignement représente donc 1,5 à 2 heures de travail. Un·e collaborateur·trice de l’État de Fribourg travaille environ 1900 heures par année. Un·e enseignant·e à 100% assure environ 900 heures d’enseignement avec les élèves en classe et 1000 heures de travail en dehors (préparations des cours, corrections, fonctionnement de l’école, activités sportives et culturelles, suivi des élèves, réunions parents, formation continue, etc.).

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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