«Nous voulons être plus en phase avec les 40 services de l'Etat de Vaud»
Cécilia Bähni dirige la direction générale des ressources humaines de l'Etat de Vaud, qui vient de publier sa stratégie RH 2023-2027. Elle revient ici sur ses priorités et commente le repositionnement de la fonction RH.
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Vous venez de publier la nouvelle stratégie RH du Conseil d’État. Quelles sont les priorités pour la législature en cours?
Cécilia Bähni: Notre enjeu majeur est de mieux valoriser le service public au centre de l’action des collaborateurs·trices de l’État de Vaud. Nous devons aussi préparer la relève, car nous allons faire face à de nombreux départs à la retraite dans un contexte de pénurie du personnel, notamment pour les cadres. Nous voulons aussi développer leur employabilité car les métiers sont en évolution. C’est notre responsabilité d’État-employeur de préparer nos collaborateurs à ces nouveaux métiers et aux défis technologiques. Ces changements s’adaptent à l’évolution des besoins de la population. Tout cela implique d’être plus agile et de réfléchir à d’autres manières de travailler.
Des manières innovantes de travailler?
Depuis le 1er janvier 2023, notre service a évolué en une Direction générale des ressources humaines. Ce changement implique un changement de mission et un nouveau positionnement, beaucoup plus en partenariat avec les autres services RH de l’État de Vaud. Nous voulons être plus en phase avec leurs besoins. Ce déplacement de la relation implique aussi de nouvelles manières de travailler ensemble, notamment en développant plus d’efficience et d’agilité sur les périmètres respectifs.
Que voulez-vous dire par là?
Nous voulons apporter notre plus-value là où cela fait le plus de sens. En termes de prestations RH, nous avons commencé à proposer aux services un observatoire des métiers pour qu’ils puissent gérer leurs défis de recrutement. Le but de cet observatoire est de leur donner des outils et des moyens pour réfléchir à la relève, favoriser la mobilité interne et la formation.
Comment évoluent les demandes du public à l’égard de l’État?
La transformation numérique renforce les exigences de disponibilité et d’efficacité du service public. Le Conseil d’État y répond en renforçant les investissements pour la numérisation de l’administration, en ligne avec sa stratégie numérique, tout en se donnant les moyens de conserver la confiance de la population, qui a des attentes fortes en matière de protection des données, de transparence et de sécurité. Il faut aussi garantir des accès physiques pour les personnes qui le souhaitent. Tout ceci implique de pouvoir recruter des profils numériques spécialisés.
Avez-vous constaté un avant et un après-Covid en termes de travail hybride et de flexibilité des horaires?
Oui. Avant le Covid, nous avions environ 15% de personnes qui pratiquaient le télétravail de manière ponctuelle (1 jour par semaine). Aujourd’hui, le télétravail s’est développé et chaque service peut aller jusqu’à 50%, selon le type d’emplois, comme c’est le cas ici à la DGRH par exemple. Nous proposons aussi d’annualiser le temps de travail. Cela dit, notre préoccupation reste centrée sur les prestations offertes aux citoyennes et citoyens. Et certains métiers sont beaucoup plus contraints: la gendarmerie, l’enseignement, l’entretien des routes et tous les métiers qui exigent d’être sur le terrain.
Avez-vous constaté des effets de ce télétravail sur la dynamique collective des équipes?
Le télétravail ne doit jamais devenir une contrainte. Chaque chef·fe de service va s’adapter aux besoins de ses usagères et usagers et à l’ambiance au travail. Il faut trouver le bon dosage et la bonne organisation. Nous sommes très attentifs à cette cohésion des équipes. Mais le télétravail est vraiment une demande aujourd’hui. Nous n’allons pas revenir en arrière.
Mesurez-vous la satisfaction des citoyens?
La nouvelle stratégie RH prévoit de mettre en place des outils dans l’optique d’évaluer et d’améliorer l’expérience des usagères et usagers du service public.
Quels sont vos défis en termes de recrutement?
Le défi est de trouver les bons profils dans un contexte de pénurie tout en respectant notre politique salariale globale au sein de l’État.
Quels sont vos atouts?
Nos conditions de travail, avec une certaine flexibilité dans l’organisation, le sens des missions et les nombreuses possibilités de carrières au sein de l’État de Vaud qui compte 40 services et plus de 400 métiers.
Où se situent vos marges de progression?
Nous devons développer notre attractivité et dépasser certains préjugés sur un emploi à l’État. Nous sommes présents sur les salons pour expliquer nos métiers. Nous étions par exemple au récent salon MINT au SwissTech Convention Center, qui a un énorme succès. Nous sommes aussi actifs sur LinkedIn. L’enjeu est d’anticiper suffisamment tôt.
Constatez-vous une évolution du rapport au travail auprès des jeunes générations?
Oui. Ils ont eu une éducation plus axée sur leurs besoins et cette liberté de faire des choix compte donc beaucoup pour eux. Ils ont aussi d’autres attentes vis-à-vis de leur hiérarchie. Un encadrement trop directif ne fonctionne plus. Nous devons leur permettre de participer et de contribuer aux décisions. À noter que cette dimension participative plaît aussi aux autres générations. À l’État de Vaud nous misons beaucoup sur l’engagement des 50+ et cette mixité des âges nous apporte beaucoup.
Qu’en est-il du sens au travail?
Les jeunes y attachent une grande importance. Ils cherchent des valeurs auxquelles ils peuvent adhérer. Sur ces valeurs, le service public a un énorme avantage. Mais les jeunes cherchent aussi du sens dans leur quotidien, en termes d’efficacité et de transparence, ce qui exige de notre part des efforts pour mettre en place les bons outils informatiques et la bonne organisation du travail. Je crois aussi beaucoup à la satisfaction du travail bien fait à la fin de la journée. Cette satisfaction permet de prévenir de nombreuses situations compliquées en termes de santé au travail.
Un parcours dans le public et le parapublic
Cécilia Bähni dirige la DGRH de l’État de Vaud depuis février 2023. Licenciée en psychologie du travail et des organisations de l’Université de Neuchâtel, elle a une expérience de plus de 20 ans dans les RH, principalement dans le domaine public et parapublic. Elle a notamment œuvré en tant que directrice adjointe en charge des RH au sein de la Direction générale de l’enseignement obligatoire. En 2013, elle a rejoint l’AVASAD (Association vaudoise d’aide et de soins à domicile) en qualité de cheffe de projets dans le domaine de la santé au travail, puis est nommée en 2016 responsable RH de la Fondation Soins Lausanne, qui gère les centres médico-sociaux de la ville de Lausanne.
Chiffres clés en 2024*
Collaborateurs·trices: 25’000 personnes (19’654 EPT)
Masse salariale: 2,8 milliards
Budget total de l’État: 11,6 milliards (CHUV inclus)
Mixité: 63% de femmes
Ancienneté: 12 ans
Taux de rotation (2023): 5,3% (retraites et démissions comprises)
* Chiffres de l’administration cantonale vaudoise (hors CHUV)