Les tendances qui transforment la formation continue en 2022
Agilité, réalité virtuelle et formules hybrides font partie des tendances fortes qui se développent sur le marché de la formation continue. Explications.
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«La réalité virtuelle va jouer un rôle de plus en plus important»
Macha Burkhalter, fondatrice de la start-up Moocooc, spécialisée dans la création de formations digitales et sur-mesure.
Quelles sont les tendances thématiques en 2022?
Macha Burkhalter: Nous avons beaucoup de demandes dans le domaine des soft skills, notamment la prise de conscience des risques psycho-sociaux et toutes les questions autour du harcèlement au travail. La prise de parole en public, l’écoute active et la gestion de conflits sont d’autres thématiques liées à ces compétences relationnelles. Par ailleurs, tout ce qui concerne les gestes métiers monte en puissance. À cause de la pandémie, de nombreuses entreprises ont d’énormes difficultés à former leur personnel. Tous les métiers manuels sont concernés.
Quelles sont les tendances en termes de design de la formation?
Les entreprises cherchent avant tout de l’engagement et de l’impact. Elles souhaitent mesurer cette appropriation des connaissances et comment cela se transforme en termes de mobilisation de compétences. Par ailleurs, la formation s’individualise. Cela est rendu possible grâce aux outils digitaux, notamment la réalité virtuelle et l’intelligence artificielle. Mais le plus grand changement en termes de format se situe sans doute dans la transformation de la relation entre l’apprenant et le formateur. La posture du formateur change, il doit donner du sens, permettre à l’apprenant d’apprendre de ses erreurs et de trouver son propre chemin vers la montée en compétences. L’apprenant devient le héros de son propre parcours d’apprentissage. Là aussi, la réalité virtuelle devrait jouer un rôle de plus en plus important. Selon une étude de PwC publiée en 2021 (Comment la réalité virtuelle redéfinit la formation des compétences générales), cette réalité virtuelle accélère l’assimilation des compétences (x 4), augmente plus la confiance des apprenants (+ 275%) et permet des économies d’échelle (- 52%). Le gaming (type serious game ou jeux vidéo) et la gamification (emprunt à la mécanique de jeux) sont également de plus en plus demandés, notamment comme vecteur d’engagement, facilitateur d’assimilation des connaissances ou encore pour vérifier la mobilisation des compétences acquises.
Quel rôle joue la formation continue pour résoudre la pénurie de main-d’œuvre?
Ce rôle sera prépondérant. C’est toute la vision de la formation professionnelle qui doit être revue. La formation continue ne doit plus être considérée comme une parenthèse, lors d’un accident de parcours par exemple. Elle fera partie intégrante de la vie du collaborateur tout au long de sa carrière et ne sera plus réservée aux jeunes générations. La pandémie a mis à jour le fossé qu’il existe entre les hautes écoles, très innovantes dans ce domaine, et la plupart des acteurs du marché. L’andragogie et la pédagogie doivent se transformer.
Quels seront les défis de la branche ces trois prochaines années?
Le plus grand défi sera de digitaliser l’offre. Les entreprises ne pourront pas se contenter de traduire leur offre en présentiel dans des formats digitaux. Il faudra entièrement repenser le design et les contenus. L’apparition des metavers, de l’IA et de la réalité virtuelle ouvre le vaste champs des possibles. Et comme dit plus haut, il faudra aussi repenser la posture du formateur.
«L'offre va se diversifier et se flexibiliser»
Bernhard Grämiger, directeur de la Fédération suisse pour la formation continue (Alice.ch)
Quelles sont les tendances thématiques en 2022?
Bernhard Grämiger: Il existe peu de données fiables sur ce sujet, mais je peux partager avec vous mes observations du marché. Tout ce qui touche de près ou de loin au travail agile semble avoir le vent en poupe. Le leadership agile, le management de projet agile et la résolution de problèmes complexes par exemple. Un autre thème prépondérant est la digitalisation des organisations au sens large. Cela va des compétences digitales à l’accompagnement du changement. Enfin, la troisième thématique concerne la communication et les compétences sociales. Selon un sondage sur les besoins des PME mené par notre fédération en 2021, tous ces thèmes gagnent en importance.
Quelles sont les tendances en termes de design de la formation?
Nous observons trois évolutions. L’offre se digitalise, avec des formats en blended learning et hybrides. Pour mémoire, une formation en blended learning propose une partie en ligne et une partie en présentiel. Les formations hybrides proposent des cours en présentiel et virtuels en parallèle et au même moment. Nous constatons également une diversification et une flexibilisation de l’offre. Par le passé, un prestataire exigeait entre 8 et 12 participants au minimum. Aujourd’hui, si 6 personnes s’inscrivent, le prestataire essaie de trouver des solutions personnalisées. Cela pose d’énormes défis technologiques et pédagogiques. La troisième tendance est l’internationalisation de l’offre. Le digital supprime les frontières nationales. Parmi les nouveaux acteurs sur le marché suisse, on retrouve LinkedIn Learning par exemple. Ce sont désormais des concurrents sérieux. Même constat avec les cursus d’EMBA, où le marché est devenu très concurrentiel.
Quel rôle joue la formation continue pour résoudre la pénurie de main-d’œuvre?
Un rôle très important! Les entreprises sont contraintes de faire avec le personnel en place et donc de les faire monter en compétences. Cette réalité explique aussi l’importance que sont en train de prendre les certificats de branches. Pour assurer l’activité, les organisations faîtières fixent les exigences de qualification. À titre d’exemple, les standards que nous avons fixés dans le secteur de la formation continue se sont établis désormais dans toute la branche.
Quels seront les défis de la branche ces trois prochaines années?
La digitalisation et la diversification de l’offre va se poursuivre. Cela posera d’énormes défis aux prestataires, autant en termes de conception de l’offre qu’en termes de communication. Ce sera aussi un défi pour l’ensemble du système au niveau suisse. La Confédération doit impérativement investir dans la branche. Le projet visant à améliorer les compétences de base sur la période 2021-2024 (les contributions fédérales s’élèvent à 43 millions de francs, ndlr) est un bon départ, mais il faudra aller plus loin.
«Nous constatons un développement de l'hybridation des formations»
Consultant, formateur et coach auprès de Welkin Sàrl, François E. Aubert est le président de l'association romande des formateurs (Arfor).
Quelles sont les tendances thématiques en 2022?
François E. Aubert: Deux tendances de fond se détachent. La première concerne la santé au travail et les risques psycho-sociaux. Avec la pandémie, les collaborateurs se sont rendus compte qu’ils ne sont pas invincibles. L’impact de la crise sur la santé psychique des individus est indéniable. La deuxième tendance de fond est l’agilité dans toutes ses formes. Les méthodes agiles et le leadership dans des équipes agiles notamment. Enfin, je constate une demande importante pour les formations certifiantes au niveau fédéral, brevets ou diplômes.
Quelles sont les tendances en termes de design de la formation?
Le format hybride est de plus en plus demandé, avec une partie en présentiel et une partie en ligne. On constate aussi une augmentation des formats modulaires, soit des modules plus conséquents en termes de contenu et d’approfondissement des connaissances. Cela reflète la plus forte demande de brevets et de diplômes fédéraux, comme mentionné plus haut. Nous observons également une augmentation des formations asynchrones (où l’apprenant est libre de choisir quand et comment il accède aux connaissances).
Quel rôle joue la formation continue pour résoudre la pénurie de main-d’œuvre?
À l’évidence, ce rôle restera important à l’avenir. La formation continue vient en soutien des managers et des chefs d’équipe pour accompagner le changement. Les hautes écoles et les universités se positionnent également sur ce segment depuis quelques années, avec une multitude de CAS (Certificate of Advanced Studies). Ces nouveaux formats permettent de réduire le temps d’adaptation des formations. Le monde économique évolue extrêmement vite de nos jours. La durée de vie de brevet fédéral diminue.
Quels seront les défis de la branche ces trois prochaines années?
La digitalisation change le rôle l’intervenant. La posture du formateur évolue, il ou elle devient un·e accompagnateur·trice plus qu’un·e formateur·trice. Du côté des entreprises, elles souhaitent une mise en pratique immédiate des connaissances lors de la prise de poste. Il y aura également de plus en plus de formations collectives, pour aider les équipes dans leur transformation. À l’avenir, les individus iront acquérir des connaissances sur les nouvelles plateformes digitales et le rôle de l’intervenant – en présentiel – sera plutôt d’accompagner les équipes pour comprendre et mettre en pratique ces connaissances acquises sur les plateformes digitales.