Débat

Un bonus présentiel?

Silvia Joost, cheffe du personnel de l’entreprise d’électricité IBAarau, a instauré la prime à la présence. Résultat: une diminution de 50% des absences de courte durée. De son côté, Bruno Geiger, propriétaire de l’entreprise de conseil Geiger Evolution, nous met en garde contre les conséquences à long terme sur la santé d’une telle mesure.

Pour: Silvia Joost

Les absences pour cause de maladie ou d’accident génèrent de gros dégâts économiques et découragent les collègues qui doivent se charger des tâches normalement effectuées par la personne en arrêt de travail. Ces dernières années, malgré un système de gestion des absences et de la santé performant, IBAarau a vu augmenter ses absences de courte durée (un ou deux jours). Pour les collaborateurs en service, cela signifiait un doublement de la charge de travail. D’une part, ils devaient reprendre le travail de la personne absente; de l’autre, ces absences de courte durée compliquaient la planification opérationnelle. C’est pourquoi nous avons mis en place depuis le 1er janvier 2014 une prime à la présence. Notre objectif premier était de récompenser les employés présents au travail. Il nous importait également de sensibiliser le personnel à la thématique. IBAarau offre un bonus à ceux qui ne sont pas malades pendant toute une année.
 
L’employé reçoit 300 francs pour sa première année sans absence maladie, 400 pour la deuxième et 500 pour la troisième. Cette offre est également pour les travailleurs et les apprentis. L’employé n’est pas pénalisé en cas d’absence. Bien au contraire, puisque sa présence continue lui vaut de bénéficier d’un avantage financier.
 
Si l’on compare les taux d’absence actuels à ceux des années précédentes, on constate un net recul. Les pourcentages ont globalement diminué de 32%. Les absences de courte durée ont même chuté de plus de 50%. Ces valeurs ont régressé de manière constante – même s’il est vrai que nos observations sont encore relativement récentes. Nous allons continuer à les surveiller dans l’optique d’une pérennisation. Nous sommes unanimes sur le fait que le bonus présentiel ne doit pas pousser les employés à se présenter au travail quand ils sont malades, et le chef d’équipe ainsi que les collègues font en sorte que ce soit vécu de la sorte. D’ailleurs, nous avons constaté par nous-mêmes que personne ne venait travailler en étant vraiment malade. De surcroît, les employés ont réagi positivement à l’introduction de cette prime présentielle. Ils ne doivent plus soudainement faire face à une charge de travail supplémentaire due à l’absence d’un collègue. Cette mesure a réduit le taux d’absence, diminué les coûts et amélioré la motivation des employés. En fin de compte, la santé de l’ensemble du personnel en bénéficie. Grâce au bonus présentiel, nous pouvons soutenir non seulement la santé globale de l’entreprise, mais également son succès économique.
 

Contre : Bruno Geiger

Un bonus pour une présence inconditionnelle au travail pousse les employés à venir travailler même lorsqu’ils sont malades. Et travailler en étant souffrant signifie: concentration et efficacité réduite, taux d’erreur plus marqué, qualité de travail diminuée, risques de contagion accrus.
 
Un bonus contre les absences non justifiées récompense en fin de compte les employés qui causent un préjudice – à l’entreprise tout d’abord, mais aussi aux collègues et même aux clients. Sans compter que l’introduction d’un tel bonus implique une pression immense sur le personnel. Avez-vous mis en place un système de gestion des absences? Avez-vous contrôlé les mesures instaurées, les avez-vous optimisées? Dans ce cas, laissez les mesures d’accompagnement faire leur effet et oubliez ce bonus. Inciter au travail une personne dont la santé est précaire pourrait également l’encourager à «s’accrocher» alors que des premiers symptômes d’un épuisement professionnel se manifestent.
 
Consommer des médicaments pour améliorer sa performance est un phénomène répandu. Les personnes exclues du monde du travail pour divers symptômes psychosomatiques sont également légion. Est-ce désirable de vouloir soutenir ces tendances avec un bonus aussi questionnable?
 
L’absentéisme est directement lié à la qualité vécue de la culture d’une entreprise. Les taux d’absence et de maladie sont bas dans les entreprises où le respect, la sincérité, l’équité et l’exemplarité du management sont de mise. Les employés ont rarement envie de rester à la maison le lundi matin et de prétendre qu’ils sont malades alors qu’ils sont motivés et satisfaits des objectifs qui leur ont été confiés et des encouragements qu’ils ont reçus.
 
Une entreprise et ses dirigeants ont la tâche et la responsabilité de piloter leurs employés, de les encourager et de les soutenir afin de maintenir leur employabilité. Diriger prend du temps. Guider des personnes, les accompagner, les motiver ne se fait pas à la va-vite. Encadrer des gens exige de la concentration, de l’engagement, de la joie, de la passion. Cela signifie concrètement que des responsables doivent observer leurs équipes et déceler les problèmes, peu importe leur nature. Investissez dans des dirigeants compétents, dans des employés motivés et donnez à vos responsables le temps de diriger. Investissez dans le temps et pas dans le paiement de bonus. La satisfaction des salariés, des fournisseurs et clients se reflète dans le succès de l’entreprise. Ce dernier sera bien plus élevé que les prétendues économies de frais de maladie réalisées grâce à un bonus discutable.

 

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Silvia Joost est directrice du personnel chez IBAarau AG. Ce distributeur d’énergie occupe 300 employés et est actif dans le domaine de la protection du climat et l’efficience énergétique.

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Bruno Geiger est le propriétaire de la société de conseil Geiger Evolution. Il accompagne les entreprises et les particuliers en tant que sparring-partner dans le développement et la concrétisation de leurs visions et stratégies.

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