«Un e-learning est deux fois plus efficace s’il est bien accompagné»
Thilo Eckardt a lancé Cegos Swiss en 2002. Cette filiale d’un groupe international a réussi à se faire une place dans le secteur très concurrentiel de la formation continue en Suisse. Il revient ici sur les spécificités du marché romand, les modules de formation qui se vendent le mieux et les tendances annoncées pour l’année 2012.
Thilo Eckardt, directeur de Cegos Suisse. Photo: Oliviver Vogelsang/disvoir.net
Vous lancez en ce moment une nouvelle offre de formation continue adressée aux PME et aux entreprises de plus grande taille. Le marché suisse romand de la formation continue n’arrive-t-il pas à une saturation?
Thilo Eckardt: Je ne le pense pas. Selon notre expérience, le marché ne peut que profiter de cette forte concurrence. Nous sommes plutôt positionnés dans le segment international. La concurrence sera par contre plus difficile pour les acteurs locaux avec une offre généraliste.
Comment vous distinguez-vous?
D’abord par notre approche internationale. Nous livrons nos modules en plusieurs langues et dans plusieurs pays. Notre deuxième atout est notre offre en blended et e-learning.
Vous diffusez des modules en blended learning (mix de formations e-learning et en salle) depuis plusieurs années. Quel est votre bilan?
Les clients apprécient le fait de pouvoir intégrer ces modules dans un environnement informatisé. Nous avons par contre remarqué qu’ils ont souvent sous-estimé l’importance du formateur dans un programme en blended learning. Le dispositif doit être bien accompagné. Il faut donc du budget, mais aussi des compétences. Un exemple concret: le taux de réponses change jusqu’à 98 pour cent si le module est accompagné d’un «télé-tutoring». Si au contraire le e-learning est considéré uniquement comme une façon de former à bon compte sans support interne suffisant, c’est mieux de ne pas le faire.
Quelles sont les formations qui offrent le meilleur ROI?
(Sourire). Je ne suis pas toujours convaincu de cette approche ROI dans la formation car la mono causalité existe rarement. C’est bien entendu plus facile de mesurer le succès d’une formation dans la négociation commerciale parce que vous pouvez facilement mesurer la différence de marge négociée par les commerciaux. Mais quand vous faites un séminaire en leadership, est-ce que l’entreprise mesure vraiment le taux de satisfaction ou le
turnover des employés qui quittent l’entreprise parce qu’ils sont démotivés? Je pose la question.
Quelles sont les formations qui donnent le meilleur ROI?
Ce sont les formations qui sont plus alignées aux objectifs de l’entreprise. Si le client a clairement identifié les objectifs de la formation ainsi que les objectifs business qui sont derrière et que le projet est réalisé dans les règles de l’art, là nous pouvons mesurer les succès.
Et chez vous, quelle est la formation qui vous offre le meilleur ROI, en termes de rendement?
Nous travaillons beaucoup dans le management leadership et dans la performance commerciale. Cela représente la majorité de notre chiffre d’affaires en Suisse. Dans le blended et le e-learning, l’efficacité personnelle est un éternel best-seller.
Est-ce que vous avez dû adapter votre offre à la culture suisse romande? Et comment?
Deux éléments sont importants. Le consultant-formateur local doit être compétent en termes de formation. Mais il doit aussi bien connaître le tissu industriel dans lequel évolue le client. C’est souvent un mix de ces deux critères qui nous permet d’adapter notre offre à un marché local.
La surévaluation du franc, les indicateurs de croissance faible pour 2012: ressentez-vous cette incertitude dans le volume de vos affaires?
Oui. Nos clients négocient plus les tarifs mais surtout les volumes d’investissement dans la formation. Mais le bras de fer se joue plutôt dans d’autres secteurs qu’avec nous les prestataires de services.
Les DRH restent-ils vos partenaires privilégiés?
Oui, effectivement. Mais les achats sont de plus en plus impliqués. Cela dépend de la taille de l’entreprise. Il ne faut pas sous-estimer non plus l’importance du management ou du senior exécutif manager. L’implication de la ligne est un des facteurs clés pour réussir un plan de formation.
Comment décririez-vous l’évolution de la fonction RH depuis dix ans en Suisse?
Je constate une tendance croissante de la Fonction RH à être impliquée dans les comités de direction. Mais peut-être pas à la vitesse que je souhaiterais.
Comment expliquez-vous cette lenteur?
La valeur stratégique de la fonction RH est encore trop souvent remise en question dans l’entreprise. Les RH doivent donc commencer par surmonter des obstacles en interne. Ce n’est pas un problème de personne mais plutôt de structure. Cela prend du temps pour dépasser les anciennes habitudes. J’estime aussi, dans certains cas, que c’est lié au manque de reconnaissance du facteur humain par le top management.