Débat

Un écart salarial entre ville et campagne?

Faut-il payer moins de salaire aux collaborateurs qui vivent dans des zones rurales? Une question provocante à laquelle nos trois experts répondent de manière provocante.

Monika Bütikofer - Senior HR-Manager, Webhelp Schweiz SA

Thème provocateur dans le contexte «Me too», «salaire égal pour un travail égal», ou «Diversity», mais aussi source d’inspiration pour les entretiens de recrutement. Les questions ne seront plus: «Êtes-vous enceinte ou souhaitez-vous fonder une famille dans les deux prochaines années?» mais plutôt: «Avez-vous l’intention de déménager à Zurich dans les deux prochaines années?» Faut-il élargir le fossé imaginaire entre ville et campagne? Celui qui habite à la campagne n’a ni ses propres poules et vaches, ni un jardin plein à craquer pour subvenir à ses besoins. Non, bien au contraire. C’est là que vivent de nombreux ex-urbains. Ceux qui réclament à chaque son de cloche de vache ou d’église. Dans les régions rurales, on est tributaire d’un véhicule, car il n’y a pas de tram ou de bus toutes les sept minutes. Et les gares sont rarement atteignables à pied. Rares aussi sont les Coop, Migros, Aldi et Lidl. Il existe certes de petits magasins ou des magasins ambulants, mais les prix concurrencent rarement ceux des grands distributeurs. Le prix du carburant y est souvent plus élevé. Que pourrait-on donc dire à un candidat ou une candidate pour justifier le fait qu’il gagne 1000 francs de moins que ses collègues du centre-ville? Et quel serait l’impact sur une «région salariale» comme la Suisse orientale versus Zurich? Aujourd’hui déjà, la Thurgovie a une structure salariale plus basse que Zurich. Une réduction de salaire interviendrait-elle encore à l’intérieur du canton de Zurich parce que quelqu’un habite à la campagne? Et que se passe-t-il avec les frontaliers, dont nous dépendons dans différents secteurs? Imaginons le scénario suivant: nous sommes assis à la même table, avons le même âge, avec la même formation de base, suivons une formation continue identique, payons les mêmes frais de cours, terminons avec la même note. Mais ma formation a moins de valeur parce que je ne suis pas domicilié au bon endroit. Dois-je rire ou pleurer?

Debora Sophie Meier - Junior Advisor, Laux Lawyers SA

Le Code des obligations (CO) stipule à l’article 322, alinéa 1, que l’employeur doit verser au travailleur un salaire convenu, usuel ou fixé par un contrat-type ou une convention collective de travail. Le législateur n’exclut pas, en principe, une rémunération basée sur le lieu de résidence. Les limites à la fixation du salaire sont notamment le principe de l’égalité de traitement, qui garantit aux hommes et aux femmes le droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale, ainsi que les prescriptions relatives au salaire minimum. En outre, l’accord sur la libre circulation des personnes stipule que les travailleurs étrangers ne doivent pas être discriminés par rapport aux travailleurs nationaux en raison de leur nationalité. Il convient en outre de tenir compte des réglementations relatives aux conventions collectives de travail (CCT), aux contrats-types de travail (CTT) et aux voyageurs de commerce, qui ont droit à une rémunération équitable lorsque la rémunération est principalement basée sur des commissions. Si l’employeur a l’intention d’introduire une rémunération en fonction du domicile, il doit également vérifier l’applicabilité des dispositions pertinentes des CCT et des CTT en matière de salaires minimaux. Les prescriptions cantonales en matière de salaire minimum sont rares. Si aucune limite constitutionnelle ou légale ni aucune prescription en matière de salaire minimum ne s’oppose à l’introduction d’une rémunération en fonction du domicile, celle-ci est en principe autorisée. En cas de nouvelle embauche, la mise en œuvre juridiquement correcte devrait par exemple se faire au moyen d’une clause dans le contrat de travail qui lie le montant du salaire au domicile du salarié avec des critères tels que la charge fiscale. Lors du passage à une rémunération en fonction du domicile, les employeurs doivent tenir compte des dispositions relatives aux congés de modification, voire aux licenciements collectifs. La mise en œuvre pratique d’une rémunération en fonction du domicile ne doit pas être sous-estimée: outre les clarifications juridiques préalables, les frais administratifs de mise en œuvre devraient s’avérer plutôt élevés. De plus, les employés ne sont que rarement prêts à accepter une réduction de salaire, ce qui pourrait entraîner un taux de rotation plus élevé, voire un dégât d’image.

Frank Rechsteiner - Fondateur, IT-Talent-Finder

Les deux dernières années ont montré que de nombreux collaborateurs peuvent très bien exercer leur activité en télétravail. J’entends régulièrement des cadres me dire à quel point ils sont surpris que les projets et la collaboration avec les clients se déroulent bien. D’où la question de savoir s’il faut absolument vivre en ville ou si l’on peut aussi déménager à la campagne, où les coûts sont moins élevés. Du point de vue des collaborateurs, il y a de nombreux arguments en faveur de l’adaptation du lieu de résidence à ses propres besoins. L’employeur en profite également: des collaborateurs satisfaits et équilibrés accomplissent mieux leurs tâches. En outre, le travail à distance ou le télétravail permettent souvent de gagner un temps considérable, car il n’est plus nécessaire de perdre des heures à penduler. Un employeur ne doit plus se soucier de savoir où un collaborateur habite et travaille. Même un collaborateur de projet peut parfaitement réaliser son travail depuis Majorque. Plus besoin de passer tous ses jours au bureau. Si le principe de performance est appliqué, le lieu de travail ne joue aucun rôle. Le principe du mérite rémunère la performance, c’est-à-dire les projets achevés – et non les heures effectuées. J’espère que nous sommes d’accord sur ce point. En tant qu’employeur, le lieu de résidence et donc de travail de mes collaborateurs m’est donc totalement indifférent. Je paie leurs prestations, pas leur lieu de résidence. Nous pratiquons ce principe depuis plus de dix ans. Je ne peux que le recommander à tout entrepreneur. Des collaborateurs satisfaits vous remercieront. Si les employeurs envisagent de payer moins de salaire aux collaborateurs qui habitent à la campagne, ce serait à mon avis un abus de pouvoir. À plus ou moins long terme, l’employeur serait sanctionné par un travail de mauvaise qualité et des fluctuations de personnel, et ce à juste titre selon moi.

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Monika Bütikofer est Senior HR Manager chez Webhelp Suisse SA.

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