Débat

Faut-il payer les employés pour qu'ils laissent des commentaires élogieux sur Glassdoor?

Êtes-vous plutôt «la fin justifie les moyens» ou «l'honnêteté est la plus noble des vertus»? Payer vos (ex-)collaborateurs pour poster des commentaires élogieux sur les sites d'évaluation des entreprises ne convainc aucun de nos trois experts.

«Cela ne conduirait qu’à nuire à l’image de l’entreprise»

Martin Schädler - Membre du comité de direction et responsable des services du surveillant des marchés financiers du Liechtenstein

Sous aucun prétexte! Les commentaires sur Glassdoor (Kununu dans l’article original en allemand, ndlr) doivent être honnêtes et en aucun cas falsifiés. Cela ne conduirait qu’à nuire à l’image de l’entreprise. Imaginez qu’un·e candidat·e lise ces évaluations trompeuses et qu’il ou elle accepte de rejoindre votre organisation. Cela fera grimper le turnover et ces nouveaux arrivants auront l’impression d’avoir été floués. Cette idée de rémunérer un commentaire est non seulement dommageable mais aussi illégal, comme l’a montré la jurisprudence. Ce genre de pratique va également endommager le rapport de confiance des autres collaborateurs de l’entreprise. Eux connaissent la vérité sur l’atmosphère et les conditions de travail. Diffuser des messages trompeurs vers l’extérieur ne fera que nuire à l’ambiance et à la culture d’entreprise à l’interne. Ce qui compte avant tout ce sont les conditions cadres et la culture d’entreprise. Ce sont elles qui vont générer des commentaires positifs sur les sites d’évaluation. Malheureusement, certains employeurs mettent la pression sur les collaborateurs pour qu’ils laissent des commentaires élogieux. Cette manière de faire nuit à la confiance et au climat de travail. C’est tout à fait possible d’encourager les collaborateurs à donner leur avis sur ces sites, mais ce geste doit être laissé au libre choix de chacun.
Par ailleurs, ces évaluations ne sont pas une impasse. L’entreprise peut à son tour laisser un commentaire. C’est plus simple à faire si ce qu’on dit de vous est positif et élogieux, mais répondre de manière objective et constructive à une critique négative est tout aussi important. Cela montre que l’organisation accepte la critique et le feedback. Pour conclure: les commentaires laissés sur Glassdoor reflètent la culture d’entreprise à l’interne. Ils devraient servir à modifier les conditions cadres si nécessaire.

«Ce serait aller à l’encontre de la transparence»

Samuel Horner - Avocat et notaire, Advokatur 107

Le site autrichien Kununu annonce sur son site web: «Des évaluations d’employeurs, des infos sur les rémunérations et une évaluation de la culture d’entreprise par ceux qui la connaissent le mieux.» Ce qui sous-entend que cette évaluation est neutre. Que dire alors si cette évaluation était faussée, voire même rémunérée? Ces rumeurs de commentaires payés concernent d’ailleurs tous les sites d’évaluation. Il existe des dizaines d’offres sur le web pour acheter des bons commentaires. Dans certains cas, c’est même l’entreprise qui rémunère ses propres employés pour poster ces commentaires élogieux.
D’un point de vue juridique, acheter des évaluations pose plusieurs problèmes, même si le site Kununu ne l’interdit pas formellement. Un employé est en situation de dépendance vis-à-vis de son employeur. Il ou elle se sentira donc obligé·e de laisser un commentaire positif si son employeur le demande. Si en plus ce commentaire sera rémunéré, la pression sur le salarié augmente considérablement. Ce serait aller à l’encontre de la transparence et nuirait à la qualité des informations proposées sur ces sites. Ces fausses évaluations, qu’elles soient signées par des collaborateurs ou des personnes externes, sont assez facilement reconnaissables d’ailleurs. Elles n’atteignent donc souvent pas leur but. De plus, leur effet durera jusqu’au premier jour de travail, tout au plus. Et la déception risque d’être accompagnée par de nouveaux commentaires négatifs... un cercle infernal en somme. Les entreprises devraient par conséquent se concentrer sur les conditions de travail et les comportements à l’intérieur de l’organisation. Ce sont ces éléments qui généreront des commentaires positifs. Et si l’entreprise détecte des points à améliorer, elle devrait s’en préoccuper et mettre tout en œuvre pour corriger la situation. Les commentaires élogieux suivront automatiquement.

«Seuls les mauvais certificats de travail sont probablement véridiques»

Christof Burkard - Conseiller en droit du travail et en assurances sociales

Récemment, une chaîne de restauration rapide a décidé d’offrir des hamburgers aux collaborateurs qui quittent l’entreprise s’ils laissent des bons commentaires sur le site Kununu. Que penser de cette pratique?
Pour un chercheur d’emploi, ces sites permettent d’avoir une première impression de la vie à l’intérieur d’une organisation. À l’inverse, pour un employeur, cela donne des indications sur la perception qu’ont ses anciens collaborateurs du climat de travail. Selon mon expérience, les commentaires positifs donnent rarement des indications fondées sur ce qu’elles sont sensées évaluer. Je vois là un parallèle avec les certificats de travail. Les managers RH savent tous qu’un certificat de travail n’est pas un document fiable pour évaluer les qualités d’un candidat, même s’il est impeccablement formulé. La plupart des employeurs craignent d’entrer en conflit avec un ex-collaborateur et permettent donc à ces derniers de rédiger eux-mêmes leur certificat. Personne n’en parle, mais en réalité seuls les mauvais certificats de travail sont probablement véridiques.
Une entreprise a pourtant beaucoup à apprendre d’un site comme Glassdoor. Des commentaires négatifs sont des mines d’informations pour améliorer les processus de travail ou l’ambiance dans les équipes. Dans le cas de cette chaîne de restauration rapide, vouloir redorer l’image de la marque en offrant des hamburgers est un pari risqué. À trop maquiller la réalité, vous laissez la porte ouverte aux fausses interprétations. Enfin, notez que les organisations syndicales sont souvent mal notées sur ces sites d’évaluation. Ces institutions maintiennent pourtant leur présence sur ces plateformes par crainte de perdre cette opportunité d’améliorer leurs conditions de travail.

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Texte: HR Today
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