Comment captiver son audience en visioconférence?
Réussir à rendre un message intéressant gagne toujours en importance à l'heure des visioconférences et autres séances en ligne. Conseils et exemples pratiques.
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On ne peut pas… ne pas communiquer! C’est le premier des cinq axiomes de la communication proposé par Paul Watzlawick, psychologue-sociologue autrichien (1921-2007). Il explicite par-là le fait que quoique nous disions, ou pas, quoique nous fassions, ou pas, nous communiquons. Lorsque l’on se tient immobile et muet devant une autre personne, ou devant un groupe de personnes, il se passe certainement quelque chose chez ces personnes. Il y a donc communication!
Comment retenir l’attention de son audience lors d’une séance à distance? C’est la question de départ du webinaire que j’ai eu le plaisir d’animer fin janvier pour la section romande de la Société des Employés de Commerce.
Un sujet qui s’avère central à double titre. D’abord sur le fond, à savoir la communication en elle-même, parce qu’elle est la base de nos relations humaines. Et oui, sans communication, difficile d’imaginer toute relation, qu’elle soit d’ordre privé ou professionnel! Ensuite sur le vecteur de notre communication: que ce soit par visioconférence ou par capsule vidéo, les restrictions dues à la pandémie que nous traversons nous obligent aujourd’hui à communiquer plutôt par écrans interposés.
Nous bénéficions pour cela d’excellentes solutions techniques et de supports variés. Formidable, on peut se voir! Certes, si ce n’est que nous sommes physiquement éloignés! Il y a une distance bien réelle entre nous et notre public, nous occupons des espaces différents. D’autre part, la taille d’un écran nous réduit fortement, ce qui impacte la qualité de notre communication! Alors pour que nos relations, et le lien que nous en souhaitons, soient les meilleurs possibles, nous comprenons tout l’intérêt que nous avons à ce que notre communication soit, elle d’abord, la meilleure possible…
Communiquer par écrans interposés affecte ainsi sensiblement l’impact de notre communication. Alors, comment agrandir symboliquement cette dimension d’écran et réduire cette distance physique avec notre public? Rentrons dans le vif du sujet et plongeons-nous dans les méandres de la communication. Nous allons y franchir quatre étapes.
1. Les bases de la communication
A l’origine et au sens large, le mot «communication» signifie la mise en commun, le partage d’un sujet ou d’une information. Signification qui s’est transformée, à partir de l’invention de l’imprimerie par Gutenberg au 16ème siècle, en transmission/diffusion de l’information, impliquant un décalage entre le moment et le lieu de son émission et ceux de sa réception!
Pour revenir à notre communication interpersonnelle, il nous faut d’abord admettre et avoir l’humilité de reconnaître qu’elle est plus complexe qu’il n’y parait! Entre la personne qui émet un message, l’émetteur, et celle qui reçoit ce message, le récepteur, gravitent toute une série d’influences telles que l’humeur, la possibilité de répondre, de réagir, ou pas, les interruptions, les interférences diverses, le contexte et encore l’environnement dans lequel nous nous trouvons, influences qui vont avoir un impact sur notre communication. Ceci posé, lorsque nous communiquons pour transmettre un message, nous le faisons sur deux niveaux:
• Le langage verbal: ce sont les mots que nous prononçons pour former des phrases intelligibles qui, selon leur construction, pourront avoir l’une ou l’autre signification, démontrant ainsi, s’il en est besoin, les limites du langage verbal!
• Le langage non verbal, c’est-à-dire le rythme de parole, le volume, l’intensité de la voix, le regard, la posture, l’attitude, l’humeur, l’habillement, les odeurs… quoiqu’en format numérique…
Ces différentes composantes de la communication ont des degrés d’influence bien identifiés chez le récepteur. Selon le Dr Ralf Helmut Stammsen de l’école d’éthologie humaine, les effets du langage verbal représentent environ 10% et ceux du non verbal environ 90%. Ces rapports sont néanmoins contestés par certains, car en fonction de la situation et de la nature de notre message, les mots peuvent représenter une part plus importante, c’est certain! Un examen oral, un entretien de recrutement, par exemple. Néanmoins, gardons cette tendance 10 / 90 en tête.
Il y a chez le récepteur un autre paramètre incontournable dans toute communication, c’est celui de la perception. Nous avons chacune et chacun la nôtre propre: elle s’appuie d’une part sur notre conscient (raisonné - éléments concrets – mots – chiffres) et surtout sur notre subconscient (cognitif souvenirs, habitudes, expériences vécues, émotions).
Un exemple: préparant dernièrement nos prochaines vacances d’été en Bretagne, j’ai repéré sur internet une maison exceptionnelle mise en location; quel genre d’habitation imaginez-vous? Une cabane luxueuse arrimée dans un arbre ou alors une maison de maître?
Tous ces paramètres ajoutés les uns aux autres nous permettent à ce stade de comprendre qu’entre ce que nous voulons dire et disons réellement, c’est l’encodage de l’émetteur, et ce qui est généralement entendu, écouté, compris et finalement retenu par le récepteur, c’est le décodage du récepteur, il peut se perdre jusqu’à 80% du contenu de notre message! Je vous laisse imaginer la suite du processus dans le cas où le récepteur devient émetteur à son tour du même message pour le répercuter à un tiers. Voilà tous les parasites potentiels qui rendent notre communication complexe et donc… implicitement nos relations aussi! Cela pourrait en décourager plus d’un, non?
2. Langage corporel
La réponse est non. Car ces pépins, nous pouvons les transformer en… pépites! Grâce en premier lieu à la maîtrise du langage corporel.
Mais avant tout, 2 préalables indispensables à toute prise de parole:
• Maîtriser son contenu
• Identifier les passages importants de notre message, les éléments clé, auxquels nous voulons donner de la force
Ensuite, quelques trucs et astuces:
• Se montrer, si possible, de la taille à la tête de façon à rendre bras et mains bien visibles.
• Se mettre en lumière, s’éclairer, en tous les cas éviter les contre-jour!
• Regarder l’objectif camera en permanence. C’est derrière l’objectif de notre ordinateur ou smartphone que se trouve notre public et s’est en regardant cet objectif qu’il sentira notre regard posé sur lui! Au contraire d’une conférence en présentiel où nous balayons du regard pour entretenir le contact visuel avec lui.
• Clarifier les règles permettant à votre public d’intervenir ou de poser des questions: pendant ou après votre prise de parole et de quelle manière, à savoir oralement ou par chat. Faciliter ces interactions nous rend aussi plus captivant.
Pour donner du corps à nos messages, nous allons nous mettre en mouvement. Au travers de six gestes archétypiques. Archétypiques parce que ces gestes proviennent des pratiques des Grecs anciens qui avaient compris que certains mouvements du corps correspondaient aux émotions humaines, à savoir que différentes émotions entraient en résonance avec ces mouvements; c’est le Pathos d’Aristote (Logos/contenu – Ethos/profil orateur)
La raison d’être de ces gestes consiste à maîtriser tous les aspects de notre communication (verbale et non verbale). Quand nous devenons maîtres de notre gestuelle et de l’expression de nos émotions, nous pouvons décider consciemment de les laisser exister à un moment T avec une intensité I dans nos prises de parole.
Ces gestes sont au nombre de six:
• L’action, que nous représentons en pointant d’une main, d’un index, gauche ou droite, une direction.
• L’ouverture, que nous représentons en ouvrant et écartant lentement les bras à angle droit.
• La limite, que nous représentons en mettant les bras à angle droit devant soi, tout en dressant et montrant les paumes de nos mains, comme si nous tâtions un mûr se trouvant juste devant nous.
• L’observation – l’écoute, que nous exprimons en se tenant debout comme lorsque nous attendons un train sur le quai de gare ou un bus à son arrêt.
• Le tiraillement, que l’on représente en pointant avec chacune des deux mains deux directions opposées.
• La plénitude, que l’on représente en redressant les épaules vers l’arrière tout en tendant les bras le long du corps et vers le bas en maintenant les mains horizontales comme si elles reposaient sur un mur devant soi.
C’est l’entraînement régulier de ces gestes archétypiques qui permettra à l’organisme de les intégrer et d’induire petit à petit telle ou telle émotion: les pratiquer en série chaque matin pendant 21 jours! C’est une excellente gymnastique de réveil.
C’est maintenant que la pépite évoquée plus haut va se cristalliser, au moment où nous incorporons l’un ou l’autre de ces gestes aux éléments clé de votre message, ces passages auxquelles vous voulez donner de la force!
Un exemple? Dans la phrase suivante, placez sur chaque élément clé écrit en gras le geste décrit entre parenthèses: «Vous pourrez compter sur ma capacité à empoigner (plénitude) les problèmes, à concerter mon équipe pour aller chercher les avis (action) et ensuite opter pour les solutions qui permettront d’éviter des blocages (limite) inutiles!»
3: Langage émotionnel
Une fois donné du corps à notre message, il faut y ajouter des émotions. Pourquoi? Leur rôle ici est d’y mettre du vivant pour toucher notre public et ainsi améliorer le score de l’encodagedécodage.
Notre public comprendra mieux notre message et mémorisera mieux son contenu grâce à l’opération, non pas du Saint-Esprit, mais du subconscient. Mais en fait, qu’est-ce qu’une émotion? On lui donne foules de sens, alors qu’il ne s’agit que d’une activité physiologique courte et soudaine provoquée par une situation inattendue, réelle ou imaginaire, impliquant ensuite une modification cognitive. L’émotion devient alors sentiment et induit ensuite une activité comportementale.
Nous allons ici nous limiter aux émotions de base et à leur seul aspect physiologique. Elles sont au nombre de six, selon Paul Ekman: deux à connotation positive que sont la joie et la surprise et quatre à connotation négative que sont la peur, la tristesse, la colère et le dégoût.
Rappelons-nous de la fonction des émotions: chacune d’entre elles constitue un signal nous alertant sur la satisfaction, ou la non satisfaction, de l’un ou l’autre de nos besoins vitaux et fondamentaux représentés par la fameuse pyramide d’Abraham Maslow. Les émotions ne représentent rien d’autre que le vivant qui est en nous! Tout ce que nous faisons ou pas, disons ou pas, consiste à satisfaire, consciemment ou inconsciemment, l’un ou l’autre de nos besoins. La peur nous protège d’un danger, la colère d’une agression, la tristesse d’une perte alors que la joie nous manifeste la satisfaction seul lorsque tout va bien.
A partir de là, nous avons le choix: soit, nous donnons de la place à nos émotions, ce n’est rien d’autre que de reconnaître le vivant qui est en nous et de nous respecter, on appelle cela aujourd’hui «L’intelligence émotionnelle», encore une autre pépite…, soit nous l’occultons, nous la refoulons! Ce qui revient à renoncer au vivant qui est en nous! On l’a souvent appris à nos dépends, en tant qu’enfant et élève: «Ne pleure pas, ne crie pas, ne t’énerve pas…»
Nous comprenons mieux maintenant le caractère vivant que la seule expression des émotions peut apporter à un message! Bien! Nous avons maintenant les morceaux de notre puzzle: d’un côté les six gestes et de l’autre les six émotions, n’est-ce pas?
4: «Etats émotionnels»
Ces 6 X 6 vont nous permettre de constituer une matrice de trente-six combinaisons, interactions, possibles que nous allons appeler des états émotionnels. On entend par là le fait d’exprimer au travers de notre corps et de nos émotions un comportement, le plus naturellement possible, qui reflète notre ressenti en rapport avec chacun des éléments clé de notre message. En pratiquant régulièrement ces 36 combinaisons, nous en découvrons petit à petit nos favorites et c’est ainsi que nous incarnons notre message.
Voici quatre exemples d’état émotionnel issus de combinaisons de la matrice en question:
• Être enthousiaste: joie + action
• Être comblé: joie + plénitude
• Être tourmenté: tristesse + tiraillement
• Être contrarié: colère + action
Maintenant que nous détenons ces ingrédients, il ne vous reste plus qu’à fabriquer notre produit final, notre prise de parole, en dotant notre message d’une structure: que voulons-nous communiquer, dans quel but, à qui, quels sont les éléments clé, quels états émotionnels voulons-nous y associer et… lançons-nous! Répéter, répéter et répéter!
C’est la pépite: rendre notre message vivant et captivant dans une réunion, une conférence, online ou en capsule vidéo, pour contrebalancer l’effet figeant et réducteur d’un écran! Cette pépite, il ne nous reste plus qu’à l’emballer dans un bel écrin: les ressources que sont la conscience des effets de la communication, de notre image, de l’importance du langage non verbal, les 6 gestes, l’expression des 6 émotions, l’expression de nos états émotionnels favoris, et la structure de nos messages.
Dans un monde où la communication est de plus en plus abondante, c’est notre savoir-être et notre éloquence qui nous permettront de faire non seulement la différence mais de faire mouche dans la réalisation de tous projets nécessitant une communication! La confiance en soi s’accroît lors de nos prises de parole et à force, nous en retirons même du plaisir! Captivant, non?