La recherches en actions

Télétravail forcé! L’irréconciliable recherche entre performance et bien-être?

Comment accorder productivité, santé personnelle et travail à distance? Présentation des premiers résultats d’une étude suisse qui s’intéresse aux meilleures pratiques en la matière.

La pandémie du Covid-19 et les mesures sanitaires de distanciation sociale prises par les autorités cantonales et fédérales ont conduit la majorité des organisations privées et publiques à recommander, voire imposer, le télétravail à leurs salariés. Ce travail à distance s’est mis en place dans l’urgence, avec «les moyen s du bord» et a pris au dépourvu aussi bien les cadres que les employés.

Passées les premières semaines d’ajustements et de bricolages organisationnels nécessaires pour faire face à ce nouveau contexte de travail, les organisations ont commencé à sérieusement se poser des questions sur les conséquences réelles du télétravail, en termes de performance mais aussi de santé au travail. Et plus encore, devant ce qu’il faut bien appeler la «souffrance» d’un grand nombre de collaborateurs souvent confrontés à une bien difficile conciliation entre vie professionnelle et familiale.

Les dirigeants d’entreprises et des administrations publiques ont ainsi commencé à s’interroger sur les méthodes de management qui soient les plus adaptées à cette situation pandémique et qui puissent permettre de soutenir la performance des équipes de travail tout en ménageant et préservant leur santé. En période de crise, ces deux objectifs sont-ils irréconciliables, voire impossibles à réaliser?

Ce sont précisément ces questions qui nous préoccupent actuellement dans le cadre d’une recherche financée par le Fonds National de la Recherche Scientifique (fonds no. 100018_185133)*. Plus largement, il s’agit d’investiguer l’impact des nouvelles manières de travailler (ou «new ways of working» en anglais) sur la performance individuelle et collective, mais aussi sur le bien-être des salariés. Cela concerne notamment toutes les pratiques qui permettent aux travailleurs de bénéficier d’horaires flexibles et aménagés, ainsi que d’opportunités de travail délocalisées, grâce à l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Renouveler les traditions managériales

Une analyse des premiers résultats, comparant les situations d’avant et pendant le premier confinement de mars 2020, indique que le management traditionnel doit se renouveler pour faire face à cette situation inédite. En effet, des données empiriques provenant de questionnaires diffusés au sein d’une grande administration publique cantonale (1'373 questionnaires pour un taux de retour de 42.6%) conduisent à plusieurs constats intéressants. Les répondants sont ainsi en moyenne plus satisfaits de leur flexibilité de travail pendant le confinement comparativement à une situation de travail «d’avant» Covid-19.

Les personnes sondées estiment bénéficier d’une plus grande autonomie, dans la mesure où le télétravail forcé les a conduits à développer des initiatives individuelles permettant une plus grande indépendance. Par contre, ils sont nombreux à souligner la grande difficulté à conserver des contacts rapprochés avec les collègues et les cadres et constatent que le télétravail forcé n’est guère favorable aux relations sociales. À cet égard, ils sont nombreux à regretter l’avant Covid. Finalement, en moyenne, les sondés estiment cette période de télétravail comme peu favorable à la performance au travail alors que, dans le même temps, ils sont en moyenne plus nombreux à constater des effets positifs sur la conciliation de leur travail et leur vie privée.

Ces premiers résultats de recherche portent sur une seule organisation et concernent la première période de télétravail forcé dès mars 2020. Ils nous incitent à continuer la réflexion sur les incidences, positives et/ou négatives, de ces situations de télétravail imposé sur la performance et le bien-être des salariés. Notamment pour permettre d’identifier des leviers organisationnels et de gestion des ressources humaines pour accompagner les salariés dans ces moments difficiles.

Cette réflexion est de toute manière utile dans la mesure où la période post-Covid ne signifiera certainement pas un retour complet à une situation antérieure. L’hybridité des formes de travail se normalisera probablement, les nouvelles manières de travailler vont continuer à se déployer. Il s’agit ainsi de poursuivre la recherche de solutions managériales adéquates à ce nouveau monde du travail en devenir.

*Recherche réalisée en collaboration avec le Prof. Yves Emery, Karine Renard et Frédéric Cornu, tous trois de l’IDHEAP également.

Méthodologie

Notre recherche scientifique se déploie, dans un premier temps, autour d’une méthodologie quantitative. Des questionnaires seront prochainement envoyés à des directeurs de PME, des cadres et des responsables de ressources humaines pour mieux identifier leur perception des défis liés à ces nouvelles manières de travailler. Par la suite, des études de cas plus ciblées sur des organisations publiques, privées et associatives, associeront questionnaires et entretiens afin de mieux identifier les leviers organisationnels, managériaux et de gestion des ressources humaines, permettant de relever le défi de la performance et du bien-être en entreprise dans un contexte où les nouvelles manières de travailler deviennent la norme plutôt que l’exception.

Afterwork

David Giauque animera l’afterwork  «Télétravail forcé! L’irréconciliable recherche entre performance et bien-être?» qui auria lieu le jeudi 25 novembre dès 18h30. L’événement sera ouvert au public, et se déroulera en ligne (et en présentiel si les conditions le permettent).

Chroniques «La recherche en actions»

Les chroniques regroupées sous l’intitulé «La recherche en actions» sont rédigées par des enseignants et chercheurs liés aux programmes de formation continue MRHC (Management, Ressources Humaines et Carrière) issus du partenariat entre les 4 universités de Suisse Romande.

Pour toute information complémentaire: mrhc@unige.ch

Coordination des chroniques «La recherche en actions»: Nadine Bagué, responsable pédagogique des Programmes de Formation Continue en MRHC.

 

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David Giauque est professeur de gestion des ressources humaines, IDHEAP, UNIL.

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