Le management par objectifs

Deux «success story» romandes racontent leur modèle de gestion

L’entreprise industrielle ABB Sécheron à Genève et le producteur de cornichons et de sauces Reitzel à Aigle ont fait du management par le objectifs un outil de gestion prioritaire. Avec succès puisque ces deux sociétés se sont fortement développées depuis 10 ans. Deux responsables racontent ici comment ce dispositif leur a permis de créer de la valeur. 

 

Des secteurs d’activités différents mais des trajectoires comparables. Malgré une conjoncture difficile, ABB Sécheron à Meyrin et Reitzel SA à Aigle sont devenus les leaders de leur secteur d’activité (voir ci-dessous et ci-dessous). Ces succès économiques s’expliquent partiellement par un mode de gestion essentiellement basé sur le management par les objectifs. Gisela Bormann, responsable RH chez ABB Sécheron et Philippe Michiels, directeur de Reitzel Suisse, détaillent ici le fonctionnement du processus et donnent leurs conseils pour réussir les étapes clés du dispositif. Ils insistent sur l’importance de la communication et la discipline lors du suivi des objectifs intermédiaires. Deux cas d’école.

La transparence et la communication au centre du dispositif chez Reitzel

Leader du marché suisse des cornichons, Reitzel SA, fondée en 1909 à Aigle, fournit tous les plus grands distributeurs de pays. Depuis le tournant des années 2000, la société se développe également à l’étranger. Elle est devenue numéro un en France des marques de distributeurs grâce aux cornichons conditionnés dans son usine de Bourré, dans le Loir-et-Cher. Aujourd’hui, Reitzel se développe également aux USA et en Russie. Pour approvisionner ces immenses marchés, la société a ouvert en 2005 une usine à Bangalore (Inde), où elle emploie aujourd’hui plus de 350 employés. En plus de cette internationalisation, Reitzel mise sur la diversification de sa gamme de produits. Ketchups, mayonnaises, vinaigrettes et moutardes génèrent aujourd’hui jusqu’à 37 pour cent du chiffre d’affaires de Reitzel Suisse. Mis en place 2001, le dispositif de management par objectifs est le principal outil de gestion du site d’Aigle (105 collaborateurs). 

L’analyse du directeur Philippe Michiels: «La communication est au centre du processus. Nous organisons quatre réunions pléniaires par année durant lesquelles nous partageons avec tout le personnel la stratégie annuelle et la vision à long terme de la maison. Nous parlons de chiffre d’affaires, de résultat financier et des investissements majeurs sur nos outils de production. Cette transparence est indispensable pour que les collaborateurs adhèrent aux objectifs. Ils doivent comprendre où nous allons et chacun d’entre eux doit être conscient qu’il participe à cette réussite.» 

«Le dispositif stimule la collaboration entre les différentes équipes» 

Le département RH a également développé un système de primes pour encourager l’atteinte des objectifs. Pour les cadres, ces primes sont liées à des objectifs personnels très concrets ainsi qu’aux résultats globaux de l’entreprise. Les primes des collaborateurs sont uniquement liées aux résultats de la société. «La méthode est simple et solidaire. Si les objectifs ne sont pas tenus, la prime n’est pas versée. Et le dispositif nous permet de comprendre ce qui n’a pas fonctionné et de corriger le tir l’année suivante. Il stimule la collaboration entre les différentes équipes», commente Philippe Michiels. Mis en place en 2001, le dispositif est affiné d’année en année. 

Il est par exemple adapté aux nouvelles orientations stratégiques: «Si nous décidons d’investir dans un outil de production pour augmenter nos parts de marché sur un segment, les collaborateurs sont tenus au courant de toute la démarche. A ce titre, l’outil nous permet de voir venir, c’est un catalyseur pour réaliser les objectifs.» Les moments clés du processus? «La fixation des objectifs est toujours très délicate. C’est très important d’avoir l’avis du collaborateur. Même si c’est finalement le responsable qui décide, cette concertation permet de fixer des objectifs réalistes et en accord avec les ressources à disposition des employés. L’autre clé pour réussir ce dispositif est l’accompagnement. Il faut des pointages réguliers pour savoir si on est dans les clous. Enfin, le bilan annuel est une source de renseignements très enrichissante. Il faut saisir cette occasion pour tirer les bonnes leçons de l’année qui vient de s’écouler. En fait, il n’y a pas qu’un moment clé, l’ensemble du processus est important. Il faut savoir prendre le temps à chaque étape. Personnellement, j’ai aussi besoin d’être bien entouré. Je collabore beaucoup avec notre responsable RH Sylviane Jacquier.» 

 

L’intervenant 

Philippe Michiels est le directeur de Reitzel Suisse depuis 2001. Basé à Aigle (canton de Vaud), la société Reitzel est leader du marché suisse des cornichons.
 

 

La discipline dans la fixation des objectifs chez ABB Sécheron

ABB Sécheron SA à Meyrin (groupe ABB) vit aujourd’hui une belle renaissance. En 1998, cette société qui fabrique des transformateurs de traction (employés dans le secteur ferroviaire) et des appareils moyenne tension était en difficulté. En dix ans, elle est devenue un des leaders mondiaux du segment. Et grâce aux plans de relance étatiques de plusieurs pays à travers le monde, qui investissent beaucoup dans la rénovation de leurs infrastructures ferroviaires, les carnets de commandes sont bien remplis pour l’année prochaine. Parmi les clés de ce succès, une stratégie innovatrice, les solides rapports avec les clients, le grand know-how technologique des collaborateurs et un management par objectifs déployé avec une grande rigueur. Analyse de ce dispositif avec la responsable RH du site genevois, Gisela Bormann. 

S’il faut trouver un point de départ à cet outil de management, c’est sans doute le document «fil rouge» rédigé par la direction générale. Il s’agit de la stratégie de la société, avec des objectifs annuels très clairement définis. Gisela Bormann: «Tout part de là, si vous savez avec précision où vous devez aller, l’ensemble du système est beaucoup plus facile à mettre en place.» La déclinaison de ces objectifs généraux dans l’ensemble de l’organisation est sans doute l’exercice le plus difficile. Comme toutes les grandes entreprises, chaque collaborateur reçoit des objectifs permanents, liés à sa fonction; des objectifs stratégiques, en lien avec un projet précis ou avec la situation du marché (dans une fonction de vente par exemple) et enfin des objectifs de comportements. «Les objectifs doivent être clairs, compréhensibles et atteignables. On demande aussi l’avis des collaborateurs sur ces objectifs ainsi que sur la description de leur fonction. La communication doit être ouverte et sans tabous», assure Gisela Bormann.

«Tout l’encadrement doit suivre une formation HR tool box»

Ces échanges avec la base sont d’ailleurs le point de départ du deuxième grand volet du dispositif de management par les objectifs: le développement des collaborateurs. Gisela Bormann: «C’est une chose de fixer un objectif, il faut ensuite donner les moyens aux employés de les atteindre. Il s’agit de négocier les ressources, que ce soit en temps ou en personnel, ou alors de mettre sur pied des plans de formation, à l’interne ou avec des partenaires.» Sans entrer dans le détail de ces formations, notons que tous les cadres d’ABB doivent suivre une formation RH, nommée «HR tool box». Le cadre apprend à utiliser les outils RH majeurs (fixation des objectifs, entretien d’évaluation, suivi, communication). Ce module est assuré par les HR Business Partner de la maison. 

Une autre marque de fabrique du modèle ABB est la discipline au niveau du suivi sur le terrain. Gisela Bormann: «Chaque changement stratégique implique un ajustement des objectifs. Ce sont des réglages assez fins qui prennent du temps. Mais qui sont indispensables à la réussite collective». La règle est de faire le point une fois par mois. Ces jalons permettent aux managers de discuter des réajustements à apporter. «Cette règle du rendez-vous mensuel est difficile à tenir. C’est à nous RH de veiller à ce que les managers prennent le temps pour contrôler le système. En échange de cette discipline, vous n’avez pas de mauvaises surprises en fin d’année». A noter que ce suivi est encore plus strict au département «Production», pour des raisons de qualité et de respect des délais. Le contrôle s’effectue à l’aide d’un outil informatique. Les chefs d’unité peuvent ainsi suivre le processus de fabrication sur un écran, en temps réel.

Chacun porte un regard différent sur un dysfonctionnement

L’outil au centre de tout le processus est l’entretien annuel. Chez ABB Sécheron, cette étape est scindée en deux parties. A la fin de l’année, le supérieur direct du collaborateur se réunit avec le manager et un HR Business Partner pour évaluer l’atteinte des objectifs. Cette discussion se déroule sans le collaborateur concerné. Etonnant? «L’idée est de rendre cette évaluation la plus objective. Chacun porte un regard différent sur une performance ou un dysfonctionnement et la discussion permet de contextualiser un résultat et d’assurer l’équité de traitement entre tous les collaborateurs», explique Gisela Bormann. A noter que le processus est le même pour l’encadrement et le top management. 

Le deuxième volet de cette évaluation est l’entretien lui-même. Il se déroule au début de l’année suivante (plus la fonction est élevée plus l’entretien aura lieu tôt dans l’année). Durant cet entretien, le supérieur direct du collaborateur communique le résultat de l’évaluation et ouvre la discussion sur les objectifs de l’année à venir. 

L’intervenante

Gisela Bormann est entrée chez ABB en 1996. Elle est responsable RH depuis 2006. ABB Sécheron à Meyrin (groupe ABB) fabrique des transformateurs de traction (secteur ferroviaire).

 

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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