"HR Shared Services" – vers une nouvelle organisation RH
Pour faire face aux mutations de l’économie mondiale, le modèle «HR Shared Services» fait son chemin. Objectifs : la rationalisation des tâches administratives et donc de réduction des coûts, l’amélioration de la qualité et surtout la quantification de l’apport RH à la réussite de la société.
Depuis quelques années, l’étau se resserre autour des départements de ressources humaines. D’un côté, ils sont soumis à une pression croissante en terme de réduction des coûts. De l’autre, on attend d’eux plus de valeur ajoutée dans la mise en œuvre des stratégies d’entreprise. Cette récente mise sous tension a poussé plusieurs sociétés à revoir leur organisation RH. Dans cette perspective, les départements RH sont de plus en plus souvent divisés en trois secteurs clés, selon le modèle «Business Partner», mis au point par le spécialiste des ressources humaines américain Dave Ulrich. Le point central de ce modèle est le passage progressif d’une vision traditionnelle d’un service du personnel, centrée sur des questions administratives, vers un statut de «Business Partner». Conditions de cette transformation: l’optimisation des activités administratives et transactionnelles. Une rationalisation rendue possible par les transferts suivants:
- Transfert vers des «HR Shared Services»: le transfert d’activités RH vers des «HR Shared Services» permet de diminuer les coûts tout en améliorant la qualité des services.
- Transfert vers des technologies: le passage à des systèmes de processus et d’informations intégrées permet d’automatiser certaines tâches administratives de base.
- Transfert vers les collaborateurs: les outils de «Self services» pour employés et cadres (ESS ou MSS notamment) permettent à ces derniers de réaliser eux-mêmes certaines tâches qui les concernent, comme par exemple modifier des données qui les concernent, obtenir des informations, ou établir des documents.
Les organisations RH qui ont réussi le passage vers cette nouvelle organisation, appelée dans le jargon le «Delivery Model», ont pu diminuer drastiquement leurs activités transactionnelles. Parallèlement, leur rôle de «Business Partner» a été renforcé.
Grâce au transfert des processus administratifs vers les «Shared Service Centers», le DRH est capable d’effectuer davantage de tâches spécifiquement stratégiques. Il peut ainsi mieux se profiler dans son rôle de «Business Partner». Mais dans la plupart des cas, cette transformation est vécue comme un défi majeur.
Car ce nouveau rôle implique de nouvelles tâches, des exigences qui se répercuteront ensuite sur les collaborateurs. Il s’agira donc de bien clarifier la répartition des tâches par des bilans de compétences afin de s’assurer que les bonnes personnes sont bien au bon endroit. Pour y arriver, les choix devront se faire en toute clarté car pas tous les collaborateurs RH seront en mesure de relever les nouveaux défis RH qui leur seront proposés. A ce titre, des mesures de développement ciblées permettront de découvrir ou d’approfondir certaines compétences tout en stimulant les prises de conscience quant aux nouveaux rôles que les RH sont amenés à jouer dans l’entreprise.
Tout aussi importantes seront la flexibilité et l’ouverture d’esprit des collaborateurs RH, qui seront confrontés à de nombreux défis et de qui on exigera un engagement supplémentaire pour adhérer à cette nouvelle organisation RH. De leurs attitudes dépendra la crédibilité de leur contribution en tant que «Business Partner» auprès de leurs «clients», que ce soit du côté des employés ou du côté du management.
Mais ce qui sera sans doute le plus gros défi dans cette transformation, c’est que les RH ne seront plus seulement évalués comme étant des prestataires de services mais aussi à la lumière de leur contribution au succès de l’entreprise.
Avec l’introduction des «HR Shared Services», les entreprises misent sur le développement de procédures administratives et transactionnelles RH plus efficaces. Tout en tablant sur une amélioration de la qualité de ces services.
Ce gain en efficacité passe notamment par des procédures standardisées – donc simplifiées – et automatisées. Mais aussi par des économies d’échelles, effectuées grâce à un plus grand volume de transaction. Parallèlement, l’amélioration de la qualité devrait être atteinte par la réduction des temps d’attente, des marges d’erreurs et par une meilleure capacité en terme de «Reporting».
Des procédures développées en «Shared Services» concernent plusieurs domaines d’activités. Gestion des salaires, plan de rémunérations, administration des collaborateurs, traitement des demandes des employés, gestion du temps, «Reporting», gestion de la formation et des recrutements en font partie. Le choix des activités qu’une entreprise désire passer en mode «Shared Services» dépend en définitive des spécificités de chaque société.
Le passage vers un modèle «Shared Services» implique également un changement dans les missions généralement adressées au personnel RH. Le modèle «Shared Services» implique de cultiver un certain sens de l’«efficacité opérationnelle». Une nouvelle culture RH dans laquelle l’efficacité des procédures et la qualité des services tiennent une place de choix. Les compétences liées à la maîtrise des langues gagnent également en importance. Surtout pour une entreprise active sur le plan international. L’ouverture d’esprit et une faculté d’adaptation aux changements sont d’autres facteurs de réussite.
Les facteurs d’innovation des HR Shared Services
La réussite du modèle «HR Shared Services» repose sur plusieurs facteurs. Le recours aux nouvelles technologies informatiques, bien que coûteuses, est au centre du processus. Le choix du lieu et des méthodes de contrôle de la qualité fait également partie de la réussite.
Aux côtés des transformations liées aux stratégies, au personnel ou à l’organisation, les évolutions technologiques sont souvent les plus coûteuses en raison de leurs exigences et de leur complexité. Mais ce mal est nécessaire. Car la technologie est intimement liée aux objectifs de réduction de coût ou d’amélioration de la qualité.
Du point de vue des clients des ressources humaines, le modèle «Shared Service» est souvent vécu comme un changement fondamental. Car ce modèle change le format dans lesquel ces services sont rendus. En règle générale, un collaborateur disposera de deux canaux pour accéder à ses «Shared Services».
- Les questions par téléphone seront traitées grâce à la technologie des «Call Center», comme le «Automatic Call Distribution » (ACD) ou le «Integrated Voice Response» (IVR). Ces applications créent un lien direct entre le collaborateur et le responsable RH. Ainsi, il obtiendra une réponse rapide et cohérente. Ce que le secteur IT connaît depuis longtemps peut aussi devenir une routine RH : une question est posée et le demandant reçoit un ticket avec un numéro. Et ce numéro sera effacé une fois la solution trouvée. En filigrane, la qualité du service rendu peut désormais être clairement mesurée.
- La deuxième option est le courriel mais aussi un accès direct au travers d’un portail Internet. Le collaborateur est en mesure de modifier ses données personnelles directement. Les changements sont ensuite transférés à son responsable, qui peut les valider ou les contester. Fixer ses dates de vacances devient ainsi une opération relativement simple. Mais d’autres opérations bien plus compliquées peuvent également être réglées par ce système.
Le «Shared Service Center» doit-il nécessairement être situé à proximité de l’entreprise? La réponse est clairement non. Comme l’ont prouvé les expériences d’organisation IT ou de «Call Center» délocalisées, la question du lieu ne joue pas un rôle prépondérant. Sans même mentionner la question des salaires, c’est le degré de qualification des collaborateurs qui est central dans le cas des «HR Shared Services».
Les connaissances exigées des collaborateurs d’un «Shared Service Center» sont notamment une bonne maîtrise de la technologie et des langues. En Europe, les prestations RH doivent être offertes dans plusieurs langues. C’est pourquoi les entreprises optent en général pour un pays connu pour ses bas salaires à l’intérieur de la Communauté européenne (l’Espagne, la Pologne ou la Hongrie notamment). Dans ce contexte, la récente intégration des pays de l’Est dans la Communauté européenne peut être considérée comme une évolution très positive. Les questions de la protection des données ont ainsi été grandement facilitées. Pour faire un choix parmi ces pays, il faut toutefois considérer leurs perspectives de développement à long terme, surtout par rapport à l’évolution des salaires. Car même dans ces pays, à cause justement de l’intérêt croissant des multinationales envers les bassins de travailleurs potentiels de «Shared Service Centers», les salaires ont parfois pris l’ascenseur.
Avec les objectifs de réduction des coûts et d’efficacité stratégique, l’amélioration de la qualité figure parmi les raisons qui ont poussé plusieurs sociétés à choisir le modèle «Shared Services». A ce titre, la question centrale est de savoir comment mesurer cette qualité. Sur ce point, on admet volontiers que l’évaluation de la qualité des services RH a, par le passé, souvent manqué d’objectivité. Les données concernant la satisfaction des «clients» étant rares.
Mais avec l’introduction d’un «Shared Ser-vice Center», cette lacune devrait être comblée. Plusieurs entreprises ont par exemple opté pour une méthode de contrôle de qualité exhaustive (Six Sigma par exemple). On peut même affirmer que l’augmentation de la qualité des services RH ne s’atteint que par des instruments de mesure efficaces.
L’outil Six Sigma table sur une analyse complète des procédures, en isolant les paramètres-clés, afin d’obtenir une vue d’ensemble et détaillée des possibilités d’erreurs. L’outil offre ainsi des wagons de statistiques permettant d’analyser objectivement le déroulement des différents services d’une société. Sous l’œil de Six Sigma, cette capacité d’analyse et de regard critique des opérations prend une dimension quasi inédite.
Mais attention! Des méthodes du genre Six Sigma ne doivent pas être employées si elles ne sont pas également appliquées à d’autres secteurs d’activité de l’entreprise (comme la production par exemple). Le risque est de perdre de vue l’utilité d’une telle démarche, qui reste une opération relativement onéreuse. Car il existe aussi plusieurs alternatives. Des méthodes plus simples qui sont également reconnues comme de bons outils de contrôle de qualité.
Les étapes sur le chemin d’une transformation RH réussie
L’étude Hewitt citée ci-dessus a également analysé les entreprises qui ont réussi leur processus de transformation RH. Les facteurs de réussite sont les suivants.
Une analyse honnête de la situation
La première étape critique consiste à bien comprendre les coûts RH actuels, le temps que les collaborateurs RH consacrent à leurs diverses activités ainsi que les zones d’ombres éventuelles. Dans cette perspective, le «feed-back» des destinataires de ces services est primordial. Qu’est-ce qui fonctionne bien et qu’est-ce qui ne fonctionne pas ? Que doit entreprendre le département RH afin de mieux couvrir les besoins de la société ? Les réponses à ces questions sont décisives afin d’établir un consensus sur les changements à apporter et afin de récolter un maximum d’informations en vue d’établir la vision future de la fonction RH.
Développer une vision
Demandez à la direction opérationnelle l’«Input» nécessaire concernant les exigences RH des douze mois à venir, et durant les trois à cinq prochaines années. Ce travail préparatoire garantira que votre vision RH sera conforme aux exigences externes et non aux restrictions internes de votre département. Ensuite, définissez une vision RH. Quelles prestations vous allez offrir, et comment vous comptez les assumer. Identifiez vos possibilités à court et à long terme. Puis établissez un agenda qui vous permettra de réaliser ces objectifs.
«Business Case» pour un changement
Concrétisez votre vision dans le sens où vous définissez une structure organisationnelle. Et établissez la palette complète des services que vous êtes prêts à offrir. Calculez les investissements nécessaires et évaluez le retour sur investissement prévu.
Vendez votre vision à la direction et à vos collaborateurs
Cette étape est en général la plus difficile à réussir dans une transformation. La plupart du temps, cette opération échoue, car les décideurs dans votre entreprise et les collaborateurs RH ne sont pas convaincus par la vision. Vendre une vision signifie de clairement détailler les avantages pour chacun.
Adapter le «Delivery Model»
Celui qui veut changer la manière dont ses collaborateurs RH dépensent leur énergie doit avant tout modifier le «Delivery Model». Redéfinir les processus et automatiser ou synthétiser les activités sont une étape importante pour réduire le temps consacré aux travaux administratifs. Cette transformation RH ne réussit qu’à condition de fournir efficacement les prestations RH de base.
Ne craignez pas les décisions difficiles
Une transformation RH réussie implique des prises de position franches sur l’état des ressources humaines et sur les tâches auxquelles elles sont destinées. Et il ne faudra pas être étonné si certains de vos collaborateurs affichent leur mécon-tentement face aux changements que vous désirez apporter dans la maison.
Mesurez votre progression
Fixez-vous des objectifs à court et à long terme. Mais surtout fixez-vous des objectifs mesurables. Convertissez la direction de votre entreprise à ces critères d’évaluation et rendez toute votre équipe responsable de la réussite ou non-réussite des engagements pris. Un management conséquent des projets et de la performance sera déterminant pour atteindre vos objectifs.
«Change Management»: pourquoi les entreprises échouent
Le Change Management joue un rôle central dans la transformation d’un modèle RH en «Shared Services». Selon une enquête de Hewitt Associates, de nombreuses entreprises estiment n’avoir pas atteint leurs objectifs en terme de réduction des coûts ou de qualité. Cinq raisons principales à cette situation.
Pas de vision claire
Réussir un processus de transformation demande un leadership avec une vision claire du futur département RH de la société. Les cadres RH doivent également accompagner leur personnel dans ce processus afin d’assurer que les objectifs sont bien partagés par chacun. La taille et la complexité des multinationales rendent cette tâche difficile, et empêchent souvent le processus d’atteindre sa vitesse de croisière.
Un «Change Management» insuffisant
Le meilleur moyen pour faire capoter l’introduction d’un «Delivery Modell», c’est qu’il ne soit pas porté par l’ensemble des collaborateurs et des cadres de l’entreprise. Car un nouveau modèle RH n’influence pas uniquement l’organisation RH, il implique également de nombreux changements pour les destinataires de ses services. Un «Change Management» qui s’adresse à tous ces acteurs de l’entreprise est malheureusement encore trop rare.
Des services RH inefficaces
Que très peu d’organisations RH peuvent se targuer d’avoir un «Delivery Model» vraiment efficace. Même après un processus de transformation, de nombreuses entreprises fonctionnent avec des procédures partiellement inefficaces, ce qui a tendance à élever les coûts.
Les bons collaborateurs au mauvais endroit
De nombreuses organisations RH ne profitent pas pleinement de leur personnel RH qualifié. Un nouveau «Delivery Model» implique que les fonctions RH soient redéfinies (quels rôles doivent être attribués à quelles activités?). Parallèlement, il faudrait entreprendre des «assessments» détaillés des collaborateurs RH afin de s’assurer qu’on leur a confié un cahier des charges à leur portée.
Une technologie RH en sous-régime
De nombreuses entreprises investissent des sommes importantes dans leur technologie RH. Sans pour autant obtenir le retour sur investissement souhaité. Souvent, une large palette d’applications spécifiques ou «Point Solutions» sont intégrés dans un système informatique sans que celui-ci ne soit en mesure de les gérer convenablement.