Génération 50+

"Il y a des préjugés qui doivent être attaqués à la racine"

Cadre informaticien dans une grande entreprise suisse, Eric* reçoit son congé pour cause de restructuration. A 52 ans, il découvre que l’âge est un handicap car il nourrit les préjugés des recruteurs. Sans mâcher ses mots, il se souvient d’une période difficile durant laquelle il apprend à surmonter les obstacles liés à son âge.

Avoir cinquante ans et perdre son emploi

 Eric, un cadre de 54 ans, a vêcu cette situation délicate. Et cela malgré une solide formation dans le domaine de l’informatique de gestion et une longue expérience en entreprise. Mais en 2002, quand son supérieur lui donne son congé, il se retrouve devant son plus gros défi: être «quinqua» et chercheur d’emploi. Témoignage.

Le licenciement

«Comme c’est souvent le cas dans les grandes entreprises, il faut s’attendre à de grands nettoyages périodiques. Le licenciement guettait chacun de nous. Mon chef a reçu la consigne de réduire de 5% ses effectifs, ce qui représente trois postes à temps plein. On nous parle souvent de critères objectifs derrière ces choix, mais ces critères, on ne m’en a jamais parlé. Quand j’ai reçu le congé, on ne m’a donné aucune raison. J’ai appris plus tard qu’un de mes collègues s’était battu contre cette décision. Il a fait valoir ces évaluations annuelles toujours positives et il a obtenu gain de cause. Pour ma part, sous le coup de l’émotion, je n’ai pas réagi.»

Le chômage

«J’ai eu la chance de quitter une entreprise qui offre de bonnes prestations sociales à ses ex-employés. Ainsi, j’ai pu passer plusieurs mois à rechercher un nouvel emploi et à me former avant d’aller timbrer. Au chômage, ils m’ont très bien conseillé. J’ai pu suivre une formation de réseautage. Ce n’était pas nouveau pour moi mais on m’a conseillé de ratisser large. J’ai repris contact avec mes anciens collègues de travail ainsi qu’avec mon réseau personnel. Sans être agressif, je leur ai fait part de ma situation de demandeur d’emploi. La deuxième formation a été décisive. J’ai suivi un cours de gestion de qualité en informatique dans une société de Genève. Elle m’a permis de remettre le pied à l’étrier.»

Sortir de l’impasse

«Au fur et à mesure des contacts, on apprend à mieux se présenter. Il faut accepter de faire des erreurs lors des premiers entretiens. Au début, il m’arrivait de m’étendre sur des aspects sans importances pour le recruteur. On craint trop souvent de mettre en avant certaines qualités. J’ai appris aussi que le premier paragraphe d’une lettre de motivation est décisif. Toutes les lettres avec une introduction accrocheuse ont suscité des réactions. En dix-huit mois, j’ai écrit environ 150 lettres. En retour, j’ai reçu moins de 5% de réponses qui indiquaient un intérêt. Et quatre ou cinq entretiens.» 

L’entretien

«A de nombreuses reprises, on m’a clairement indiqué que mon âge posait problème. Je me suis souvent demandé pourquoi. Dans les milieux de travail jeune, les employés plus âgés sont souvent montrés du doigt. En tout cas dans mon secteur. Les prestations sociales plus élevées ont certainement aussi joué un rôle. Ce qui m’a surpris également, c’est la réaction de quelques agences de placement. Elles m’ont clairement indiqué que mon âge était une barrière. J’estime qu’une société de placement doit être neutre et se placer au service des demandeurs d’emplois et des entreprises.» 

Conseils aux RH 

«A mon avis, il y a des préjugés qui doivent être attaqués à la racine. Aussi bien du côté des entreprises que du côté des recruteurs ou des agences de placement. Il faut analyser le problème en profondeur. Qu’est-ce qu’il y a de si redoutable, de si gênant chez les personnes âgées? Est-ce justifié ou non? Il faut plus de dialogue et surtout un dialogue plus ouvert. Cela permettra aux demandeurs d’emploi de mieux s’ajuster. Car on ne sait souvent pas ce qui est redouté. Pourquoi un senior est-il moins désirable qu’un jeune? Si c’est une question de dépense d’énergie, alors mesurons le niveau d’énergie. Si c’est une question de compétences, regardons concrètement quelles sont ces compétences. Peut-être sommes-nous moins flexibles et plus rigides au niveau du caractère? Cela peut également se vérifier en détail. Mais cela ne se fait malheureusement pas.»

L’engagement

«C’est finalement mon expérience qui m’a permis de décrocher un nouvel emploi. J’avais travaillé dans des sociétés de holding et j’ai donc bénéficié d’une expérience intéressante pour mon employeur. Il cherchait aussi quelqu’un qui ait une certaine capacité à diriger un groupe et à prendre de la distance par rapport au stress opérationnel. Là, mon âge a été un plus. Je l’ai senti, mais ils ne me l’ont pas dit. J’ai aussi mis en avant ma formation en gestion de la qualité. Ça a été un atout indéniable. Point de vue rémunération, je suis payé en fonction du poste que j’occupe et non pas en fonction de mon âge. Mon âge ne me garantit pas un meilleur revenu.»

*Prénom d’emprunt

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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