Génération 50+

Les défis de la génération 50+ dans le marché du travail

Avec l’inévitable augmentation de l’âge de la retraite, devenir «quinqua» et assurer son avenir professionnel prend une nouvelle dimension. Alors que l’Etat multiplie les mesures pour rallonger la vie active, les entreprises s’adaptent avec peine à cette nouvelle réalité. Mais ce changement des mentalités reste indispensable.

Le marché du travail suisse va au-devant d’un paradoxe. D’un côté, le vieillissement de la population implique, à terme, l’inéluctable élévation de l’âge de la retraite. De l’autre, avec notre système de cotisation LPP progressif, un employé qui a passé la cinquantaine coûte toujours plus cher à son employeur. Résultat: alors qu’il faudrait mieux intégrer les seniors dans le marché du travail, la logique économique veut qu’ils soient, au contraire, mis sur la touche en retraite anticipée. Dans une étude publiée en 2004*, le sociologue et consultant Stéphane Haefliger voit derrière cette situation paradoxale «un nouveau contrat psychologique» entre l’employeur et l’employé.

Marché du travail. Derrière cette thèse, plusieurs constats. D’abord, la sécurité de l’emploi n’existe plus. A première vue, rien d’étonnant. Mais cette réalité serait en partie responsable de l’état d’esprit «angoissé» que les générations 50+ emmènent désormais avec eux sur leur lieu de travail. Et pour l’employeur, les conséquences sont moins émotionnelles que financières. Car un turn-over plus élevé implique une croissance importante des investissements en formation.

En plus de la sécurité de l’emploi, la carrière à long terme est également en train de disparaître. Aujourd’hui, changer d’employeur plusieurs fois durant sa carrière est devenu monnaie courante. Avec des conséquences sur les habitudes professionnelles du personnel.

Pour l’employé, cette évolution implique par exemple la prise en charge individuelle du développement de ses compétences. Principale garantie de l’employabilité d’un «quinca», la formation  continue est devenue une clé importante – sinon la plus importante – de la réussite de son parcours professionnel.

Rapport coût-bénéfice. En plus de ces changements structurels, il faut tenir compte du facteur coût. Aujourd’hui, un employeur verse une prime de deuxième pilier progressive. Il varie de 3,5% à 9% au cours de la vie active. Cette progression explique en partie qu’un employé au bénéfice de plusieurs années d’expérience coûtera plus cher à son employeur. Mais comme l’explique Stéphane Haefliger dans son étude, le rapport «expérience-coût» a perdu sa signification. Aujourd’hui, c’est le rapport «coût-bénéfice» de l’âge qui est devenu déterminant, en fonction du secteur d’activité. En clair, les compétences sociales, l’intelligence émotionnelle, la capacité de gestion des conflits, la connaissance de soi-même et l’expérience professionnelle habituellement associées aux seniors ont tendance à être récompensées que si le retour sur investissement a pu être vérifié.

Du point de vue des primes LPP, faute d’être parvenu à uniformiser la cotisation à 6,25% quel que soit l’âge de l’employé, le Conseil Fédéral a publié en décembre 2005 une série de mesures qui concernent directement la génération 50+. Parmi les objectifs visés: toute réduction du taux d’activité avant l’âge de la retraite et tout prolongement de la vie active après 65 ans sera désormais encouragé. Le Département fédéral de l’économie a également décidé de lutter contre la discrimination. Dès le 1er janvier 2006, il est officiellement interdit de demander l’âge d’un demandeur d’emploi.

Stratégies RH. Pour les responsables RH, ces réalités impliquent plusieurs défis. Comme l’indique Stéphane Haefliger, il ne s’agit pas ici de regretter l’âge d’or de la vie en entreprise de l’ère pré-globalisée. Au contraire, le marché du travail évolue et il est impératif de tenir compte de ces changements structurels dans l’élaboration des politiques du personnel.

Accompagner le vieillissement de la population et réussir l’intégration des seniors dans les cultures d’entreprises de demain se traduit aussi comme un retour de l’humain dans les politiques du personnel, habituellement dévolues aux indices économiques et financiers. D’un point de vue de la formation, «le sur-mesure devient obligatoire pour garder les talents. L’inéquité de traitement en terme salarial risque alors de devenir la règle. La gestion des ressources humaines devient donc individuelle, alors même qu’elle doit normalement assurer équité et justice de traitement en interne» explique Stéphane Haefliger. Mais aider un collaborateur à améliorer ses compétences, c’est aussi lui permettre une autre organisation de son temps de travail. Le temps partiel, le «job-sharing», l’annualisation du temps de travail sont autant de pistes qui l’aideront à s’adapter au marché du travail de demain.

L'interviewé

DRH de la Compagnie bancaire Espirito Santo, Stéphane Haefliger est sociologue du travail et de la communication. Auparavant, il a assumé durant 5 ans la responsabilité du consulting pour KPMG en Suisse romande. Il est également chargé de cours à l’Uni de Lausanne.

 

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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