Débat

Interdire les séances le vendredi?

Des séances dans l'agenda à perte de vue? Dans de nombreuses entreprises, elles sont devenues des rituels (virtuels ou en présentiel), qui engorgent des semaines de travail interminables. Dans ce contexte, quel serait l'intérêt d'instaurer un vendredi sans séances? Trois experts en débattent.

Patrick Mollet, entrepreneur et investisseur

«J'adore le vendredi au bureau: l'après-midi, nous avons notre réunion hebdomadaire de cocréation avec l'équipe marketing, qui se transforme assez souvent en apéro. C'est aussi l'occasion d'une rétrospective et de poser les jalons pour la semaine suivante. L'idée d'un vendredi sans réunion est séduisante. Qui ne souhaiterait pas terminer la semaine en travaillant sur des projets importants sans être dérangé et de manière hyper productive? Toute la semaine, nous sommes assis en séance du matin au soir et n'arrivons à rien. C'est pourquoi je me bloque régulièrement des demi-journées et des journées entières pour me concentrer sur un seul projet important. En revanche, je ne suis pas fan des vendredis sans réunion de SAP. Cette mesure a été imposée d'en haut, sans savoir si elle a un sens ailleurs dans le groupe et si elle convient aux collaborateurs. Je préférerais un lundi sans réunion ou des réunions à partir de 10 heures. Et qu'en est-il des collaborateurs à temps partiel qui ne travaillent pas le vendredi? Peuvent-ils bénéficier d'un autre jour sans séances? Il serait bien mieux de créer une culture qui permette aux équipes de discuter et de décider de manière autonome de la manière dont elles souhaitent travailler ensemble. Par exemple, pour quels sujets elles organisent des séances et comment elles créent des plages horaires pour un travail plus ciblé. SAP n'est pas cohérente, car en parallèle, elle propose à ses cadres de participer à des réunions «critiques pour l'entreprise» également le vendredi. Pour un manager, toutes les réunions sont critiques pour l'entreprise. Cela a aussi à voir avec l'image qu'ils ont d'eux-mêmes. Si un cadre sait que son équipe n'a pas de réunion le vendredi et qu'il ou elle a donc «du temps», la tentation sera grande de convoquer une réunion le vendredi. Ainsi, le vendredi deviendra le jour déversoir pour tout ce qui n'a pas pu être traité le reste de la semaine.»

Monika Bütikofer, Senior HR-Manager, Webhelp Suisse SA

«Le vendredi est un jour sacré chez nous. De nombreuses choses ne peuvent pas être vécues un vendredi – certaines séances ou les licenciements par exemple. Des moments désagréables donc. Mais toutes les séances ne sont pas de cette nature. Certaines, par leur caractère informel, ont même un effet décélérateur et sont divertissantes. Parce que l'on peut y échanger des idées avec des collègues avec lesquels on n'est pas souvent en contact. Parfois aussi, les séances apportent un peu de diversité dans l'austérité du quotidien. Évidemment, cela dépend de l'ordre du jour. Si seuls des thèmes difficiles sont agendés, cela peut tout à fait devenir désagréable ou ennuyeux – et donc déteindre sur le week-end. Pourquoi ne pas instituer l'inverse: pas de réunions le lundi. En effet, si la première journée de travail commence avec une touche négative, la semaine est mal emmanchée. Que ce soit le vendredi, le lundi ou un autre jour de la semaine, les réunions qui durent une éternité parce qu'on ne fait que se lamenter et que les participants ne se sont pas préparés n'ont pas lieu d'être. Les séances devraient toujours refléter la culture d'entreprise et ne pas dépasser la durée annoncée. En outre, organiser une réunion pour remplir un vide n’a plus de sens aujourd’hui. De nos jours, il faut prendre des décisions rapides et pragmatiques et organiser le temps de travail de manière efficace, car «time is money». Mais peut-être faut-il aussi se poser la question suivante: est-ce que je veux finir plus tôt le vendredi? Ou s’agit-il plutôt de traiter des affaires en suspens le vendredi et de me donner ainsi un sentiment de satisfaction avant le week-end? Ou cela dépend-il du vendredi? Vendredi Saint, vendredi du pont, vendredi avant Noël ou un vendredi 13 – qui sait? On peut invoquer de nombreuses raisons pour ne pas tenir de séance un vendredi. Comme souvent, les raisons pour lesquelles quelque chose ne doit pas être fait sont plus vite trouvées qu'une solution pragmatique.»

Leena Kriegers, Legal chez HR Campus

«Avant la pandémie, les séances, les conférences et les ateliers faisaient déjà partie de notre quotidien. Pour cela, on avait recours à des techniques virtuelles. La pandémie a encore renforcé ces marathons de séances virtuelles. Mais ces réunions permanentes nuisent à la productivité. De plus, cela a des conséquences sur la santé, causant de l'épuisement ou une capacité de concentration réduite, connue sous le terme de «fatigue zoom». Un échange entre les collaborateurs et les supérieurs est une bonne chose. Toutefois, il n'est pas possible ni souhaitable que toute la journée soit consacrée à des séances et que le travail ne puisse pas être effectué. Il faudrait plutôt se demander si chaque séance (en ligne) est vraiment nécessaire. Pour ralentir le marathon des réunions, il est donc tout à fait judicieux d'introduire un «Focus Friday». Mais cela ne doit pas empêcher d'organiser des réunions importantes et urgentes pendant ces jours sans séances. Il est important de faire preuve d'un certain discernement. En raison du droit de l'employeur de donner des instructions, rien ne s'oppose à un «Focus Friday». L'employeur a le droit de donner des instructions de travail, y compris pour des raisons d'organisation, s'il estime qu'il est judicieux de ne pas organiser de réunions un jour donné. L'impact d'une telle règle sur les travailleurs à temps partiel n'est pas clair. Si quelqu'un ne travaille pas le vendredi, il ne peut pas non plus revendiquer ce jour comme «focus day». Cela pourrait éventuellement déclencher des débats, car tous les collaborateurs n'en profitent pas. Personnellement, je ne vois pas où est le problème et je ne vois pas non plus de problème juridique pour les collaborateurs à temps partiel.»

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Texte: hrtoday.ch
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