Dossier

«La diversité cognitive est plus déterminante que l’origine ethnique»

Eric Davoine revient ici sur les principaux résultats d’un ouvrage collectif sur la GRH internationale*.

Comment a évolué la recherche académique en GRH internationale?

Eric Davoine: «La recherche académique a évolué avec les formes d’internationalisation de l’entreprise et avec les nouveaux enjeux de la globalisation. Les auteurs de l’ouvrage présentent des résultats d’études pour certains de ces enjeux: la nationalité des entreprises, les équipes multiculturelles, l’intégration de la main-d’œuvre qualifiée étrangère, les nouvelles formes de mobilité internationale, le transfert de processus RH dans la multinationale, et bien sûr aussi l’influence de la culture nationale sur la GRH…»

Il y a un chapitre sur les codes de conduite d’entreprises multinationales. Parlons des codes de conduite, passent-ils bien la frontière?

«Les codes de conduite sont un instrument de management historiquement américain. Ces codes faisaient sens aux Etats-Unis parce que historiquement l’entreprise était plus légitime aux US pour définir des règles éthiques. Au début des années 1990, diffuser son code de conduite, c’était diffuser sa culture d’entreprise.

Depuis l’affaire Enron et le resserrage juridique de l’acte Sarbanes Oxley, ces codes de conduite sont devenus plus précis et plus contraignants. Il y a parfois de fortes réactions en Europe. Sur le plan légal, ces codes peuvent entrer en conflit avec les cadres légaux européens du règlement d’entreprise, par exemple en France et en Allemagne, où le règlement doit être validé avec les représentants du personnel. Sur le plan du contenu, ils nécessitent parfois des adaptations. Par exemple, de nombreux codes de conduite de multinationales américaines font référence à la discrimination ethnique.

Prenez le cas du Liban, la discrimination ethnique fait peu de sens car les Libanais se sentent appartenir à une même ethnie, par contre la discrimination entre communautés religieuses est un problème crucial.»

Erwan Bellard et Susan Schneider de l’Université de Genève démontent les mythes des équipes multiculturelles. Le lien entre diversité culturelle et  performance n’est pas aussi direct qu’on le croit, écrivent-ils...

«Oui. Susan Schneider et Erwan Bellard mettent en garde contre cette croyance en un lien direct entre diversité et performance. Avant de parler de performance supérieure, il ne faut pas oublier non plus que c’est la diversité cognitive qui est source de performance, c’est-à-dire le fait que les gens aient des parcours différents, des connaissances différentes et donc des approches des problèmes différentes.

Cette diversité cognitive est plus déterminante qu’une différence de couleur de peau ou une différence de genre. Un autre élément important est la manière dont les gens perçoivent leur identité et la manière dont ils la vivent dans leurs pratiques. Un cadre japonais qui a travaillé longtemps en Suisse peut très bien se comporter comme un Suisse, cela devient problématique si on le met dans une équipe pour donner une perspective japonaise. La diversité est aussi limitée pour une équipe de dirigeants, qui seraient originaires de pays différents, mais qui auraient tous fait un parcours dans la même banque et fait un MBA dans la même business school…»

* Didier Cazal, Eric Davoine, Pierre Louart et Françoise Chevalier (sous dir.): GRH et mondialisation. Nouveaux contextes, nouveaux enjeux, éd. Vuibert, 2010, 270 pages.

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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