Dossier

Les enjeux de la GRH internationale

Dans un monde où les frontières, les hiérarchies, les représentation et les valeurs sont bouleversées, les organisations doivent adapter leurs ressources humaines aux nouveaux contextes et à une grande diversité culturelle.

Que ce soit dans une multinationale ou dans une PME de l’arc lémanique, la gestion RH s’effectue de plus en plus dans un contexte international. Aujourd‘hui, les entreprises ne sont plus vraiment nationales. La mondialisation des économies et des entreprises a un impact fort sur les modes de gestion des ressources humaines.

Cette mondialisation croissante a entraîné une évolution des systèmes de management et des pratiques de GRH. La dimension internationale des nouveaux enjeux économiques (pensez à la récente crise du franc fort) impose aux entreprises d’être à la fois globales et cohérentes dans leur stratégie de développement. Une société mondiale, quelle que soit sa taille, doit considérer l’ensemble de ses marchés, indigènes et étrangers, dans ses diverses stratégies de management.

Il existe désormais de la diversité ethnique ou culturelle dans la plupart des sociétés. Dès lors, le nouveau défi des directeurs des ressources humaines consiste à accompagner cette internationalisation, d’autant que les contextes nationaux et internationaux des entreprises ont été notablement modifiés. Aujourd’hui, il est souvent difficile de comparer à l’échelle de la planète les pratiques des différents pays.

«L’environnement des entreprises est devenu de plus en plus global et interconnecté. Nous accompagnons actuellement une entreprise multinationale qui avait l’habitude de travailler avec des filiales établies dans chaque pays. Cette configuration est en train de changer. Ils opèrent désormais au niveau des régions, supranationales», confirme Philippe Rosinski, coach, professeur et auteur de plusieurs livres sur la diversité culturelle et le changement organisationnel.

Les trois dimensions de la GIRH

Concernant la gestion des ressources humaines (GRH), selon les travaux du professeur Eric Davoine de l’Université de Fribourg, elle se définit selon plusieurs approches. La plus fréquente est celle des comparaisons de pratiques nationales de GRH. Il s’agit de comprendre pourquoi ces modalités peuvent fonctionner dans un pays et non pas dans un autre.

Une deuxième approche considère la gestion des RH internationales (GIRH) comme celle des expatriés qui travaillent directement dans les filiales. Délocaliser de la main-d’œuvre à l’étranger entraîne des risques. Par exemple, ils peuvent concerner l’adaptation sur place ou encore la réinsertion professionnelle au retour dans le pays d’origine.

Enfin, une troisième approche définit la GIRH comme une GRH d’entreprises multinationales. Il s’agit d’intégrer et de coordonner les pratiques des filiales dans des environnements nationaux différents. On retrouve le concept de maison-mère qui entretient des relations avec ses filiales et celui de la standardisation des pratiques de GRH dans les différents contextes.

«Désormais, les quartiers généraux d’une entreprise ne peuvent plus dicter leurs propres vues. Les multinationales d’aujourd’hui doivent créer une sorte de mentalité unique au niveau de la société et du management», observe Susan C. Schneider, professeur de ressources humaines à l‘Université de Genève. «Elles doivent décider quand agir de manière globale et quand impliquer les représentations locales en développant des politiques de ressources humaines qui peuvent se déployer à l’international. En la matière, les bonnes  pratiques peuvent provenir de partout.»

Une série de nouveaux défis

Pour les entreprises et les organisations, un enjeu central d’aujourd’hui consiste à vivre et à travailler ensemble dans un monde dont les frontières, les hiérarchies, les représentations et les valeurs sont bouleversées. Sur quelles bases ou quels principes, selon quelles modalités, une telle coopération peut-elle s’établir?

Comment s’assurer que des équipes multiculturelles fonctionnent de manière efficace? «Il faut une articulation entre le global et le local. Pour que cela marche bien dans chaque entité, il faut une connaissance fine du marché dans chaque région. Il s’agit par exemple de traiter avec des «business partners» qui travaillent avec les directeurs de divisions pour mettre l’accent sur les enjeux de chaque organisation», explique Dominique Rorive, Directeur des ressources humaines EMEA-Performance Polymers de Dupont De Nemours.

Pour commencer, les multinationales doivent définir une politique dans leur pays d’origine. Il s’agit ensuite d’établir le degré de standardisation des pratiques RH et de décider ce que l’on garde en fonction d’une évaluation des résistances d’un pays à l’autre. Cette dernière doit pouvoir être appliquée identiquement et amenée dans d’autres pays afin que la société puisse garder sa culture.

Les tâches entre siège et filiales doivent être définies, ainsi que les centres de décisions. Les grandes firmes internationales ne peuvent plus espérer que le siège social soit le seul centre de décision, car tout évolue plus rapidement dans le monde moderne, aussi bien les personnes que les capitaux.

«L’enjeu pour une société qui se développe au niveau international est de grandir tout en maintenant de la flexibilité et de la cohérence. Certains processus doivent être unifiés, d’autres maintenus à un niveau local. Il n’y a pas de règles précises, chaque DRH doit sentir les besoins en fonction du métier, des cultures et des besoins de ses équipes», explique Philippe Rosinski.

La difficile gestion des expatriés

La gestion de la mobilité du personnel ou encore la gestion des expatriés est un autre point important. Comment prépare-t-on les collaborateurs à travailler à l’étranger et comment leur permettre de bien s’intégrer? En Suisse, de nombreuses agences de relocation accompagnent les expatriés qui arrivent en Suisse romande. Le problème de la double carrière, soit celle du conjoint, se pose également. Comment faut-il l’aider à s’intégrer dans un nouveau pays?

La question de la construction d’une vraie culture de la diversité doit être résolue. Comment faire travailler les gens de différentes origines ensemble? Comment développer les compétences interculturelles des collaborateurs? «Pour appréhender la diversité culturelle, il ne s’agit pas uniquement de considérer une diversité entre nationalités, mais entre professions, générations, départements, etc.

Le défi est d’en faire une source de progrès. Il faut aller au-delà des politiques de quotas et des stéréotypes classiques sur les différents segments d’une population d’entreprise afin, au final, de mieux se connaître et d’adapter sa manière de procéder aux autres», analyse encore Philippe Rosinski.

Adaptation ou standardisation

Parmi les autres enjeux, les ressources humaines doivent comprendre les besoins locaux avant de pouvoir y faire face. «En effet, d’une région à l’autre, le contexte légal, culturel, de recrutement, de rémunération peut varier fortement», constate Susan C. Schneider. En effet, pour évaluer les performances, les valeurs ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre.

Certains questionnaires n’ont pas la même portée aux Etats-Unis, au Japon ou en Suisse. Par exemple obtenir une note de 5 sur 7 au Etats-Unis est acceptable alors qu’au Japon, c’est un très mauvais résultat. Il est donc difficile d’avoir des outils standardisés en la matière. Les systèmes des rémunérations dépendent aussi du marché de l’emploi local et des différents systèmes fiscaux en vigueur, notamment en ce qui concerne les stocks options et les parts variables du salaire.

Ils n’ont pas la même attractivité selon les pays. Par ailleurs, il faut aussi tenir compte de la valeur des fonctions. Le statut, comme celui de cadre, n‘est pas perçu de la même manière en fonction des pays. Par exemple, en France, il a beaucoup plus d’importance qu’en Suisse. Sur les CV, les diplômes affichés ont aussi des significations différentes selon les systèmes étatiques dont ils sont issus.

Parfois, il peut être difficile d’évaluer les compétences d’un candidat en fonction de ce qui est écrit sur son CV. La gestion des RH à l’international s’adresse aussi à une entreprise suisse qui accueille en son sein des collaborateurs du monde entier. Comment unifier les systèmes de cotisations ou d’impositions?

Sur un autre plan, la gestion de la démographie a aussi son importance.  Bien maîtrisée en Europe, elle s’annonce plus difficile aux Etats-Unis. «Selon une étude, d’ici 5 ans, 80 pour cent de la population américaine aura plus de 46 ans. La question est donc à étudier pour bien se préparer à l’avenir», confie Dominique Rorive. Selon les domaines d’activité l’attraction et la rétention de talents est un défi majeur.

Particulièrement pour les sociétés actives dans les sciences ou la chimie qui recrutent de nombreux ingénieurs. Puis, il faut aussi songer à garder et à développer ses talents au sein de la société tout en les préparant aux défis de demain. «Il faut déjà prévoir des postes clés pour dans 5 à 10 ans. Cela nécessite une bonne préparation et surtout une bonne vision de l’avenir», confie Dominique Rorive. 

Les intervenants

Philippe Rosinski, coach, professeur et auteur de plusieurs livres sur la diversité culturelle et le changement organisationnel.

 

 

Susan C. Schneider, professeur de ressources humaines à l‘Université de Genève.

 

 

Dominique Rorive, Directeur des ressources humaines EMEA- Performance Polymers de Dupont De Nemours

 

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Patricia Meunier est journaliste indépendante en Suisse romande. Elle collabore avec HR Today depuis 2010.

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