Droit et travail

Les classiques du licenciement abusif

Quels sont les motifs généralement évoqués pour considérer qu’un licenciement est abusif? Quelle est la procédure à suivre pour l’employé licencié? Que risque un employeur si le Tribunal juge qu’il a commis une faute d’appréciation?

Quel est le point commun entre le congé donné à un employé de cuisine parce qu’il porte une barbe et une moustache, le licenciement d’une employée qui manifeste son souhait de se marier, ou encore le congé donné à un employé qui travaille dans l’entreprise depuis quarante-quatre ans et qui est à quelques mois de la retraite?

Dans les trois cas, le congé donné au travailleur a été considéré comme abusif par les tribunaux, c’est-à-dire que le motif du congé n’était pas digne de protection. Il faut cependant rappeler qu’en droit suisse, le licenciement d’un travailleur est valable même s’il est abusif.

Cela signifie qu’il ne sera pas remis en cause et que l’employé perdra définitivement son emploi dans l’entreprise: il n’y a pas de droit à la réintégration à son poste de travail. En revanche, le travailleur licencié abusivement pourra prétendre en justice à une indemnité qui sera fixée par le juge compte tenu de toutes les circonstances et qui pourra correspondre au maximum à six mois de salaire du travailleur concerné.

Le Code des obligations donne plusieurs exemples de motifs abusifs comme le licenciement donné pour une raison inhérente à la personnalité du travailleur (cas de l’employé moustachu) ou en raison de l’exercice par l’employé d’un droit constitutionnel (cas de l’employée qui souhaite se marier).

Le cas le plus fréquent en pratique est celui du congé-représailles. Il survient lorsque l’employeur licencie un employé qui a fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail: par exemple parce que l’employé a demandé le paiement des heures supplémentaires accomplies ou qu’il a sollicité le respect du salaire minimum prévu dans une convention collective qui lie son employeur.

Les cas pas expressément prévus dans la loi

La jurisprudence a retenu des cas qui ne sont pas expressément prévus dans la loi mais qui comportent une gravité comparable. Il en va ainsi, par exemple, lorsque l’employeur licencie un employé au motif que ses prestations n’ont plus la même qualité et que l’on découvre lors de la procédure que l’employé en question faisait l’objet d’un mobbing dans les locaux de l’entreprise depuis plusieurs mois.

Comme l’employeur est juridiquement responsable des actes de mobbing dans son entreprise, il ne peut se prévaloir de la baisse de rendement de son employé dont la cause essentielle est justement le mobbing: il est abusif de se prévaloir d’un fait, en l’occurrence la baisse de qualité du travail, dont on est soi-même responsable, puisque l’employeur répond du mobbing sur ses employés.

Les procès en la matière sont souvent longs et complexes, car il s’agit de déterminer quel est le réel motif du licenciement. Cela revient parfois à faire l’historique des relations entre l’entreprise et l’employé congédié; un détail peut avoir finalement une importance décisive sur la compréhension du cas par le juge, et par voie de conséquence sur l’issue du litige.

Il en résulte une certaine insécurité juridique car il est parfois difficile de prévoir, même pour le spécialiste, quelle sera la solution retenue par le tribunal compétent.

L’employé doit agir dans les 180 jours qui suivent la fin du contrat

C’est ainsi qu’avant de licencier un employé, l’employeur diligent sera prudent de consulter un homme de loi qui pourra lui indiquer la manière la plus judicieuse de procéder. De son côté, l’employé doit également être attentif car la loi lui impose le respect d’une procédure précise s’il veut solliciter une indemnité pour congé abusif: l’employé doit tout d’abord communiquer par écrit à son employeur qu’il s’oppose au licenciement avant la fin du délai de congé; il doit ensuite agir en justice dans les cent quatre-vingt jours qui suivent la fin du contrat.

Il faut savoir enfin qu’il existe un projet de modification des règles du Code des obligations sur le congé abusif. Le Conseil fédéral prévoit, en effet, d’augmenter de six à douze mois de salaire le montant maximal de l’indemnité pour congé abusif. Un projet en ce sens a été mis en circulation.

S’il devait aboutir, cela signifierait que l’employeur assumerait un risque financier encore plus grand en cas de licenciement abusif. Avant de fixer l’indemnité, le juge devra cependant tenir compte aussi de la capacité financière de l’entreprise car il serait excessif et contre-productif de mettre en difficulté financière une petite entreprise qui a commis une erreur d’appréciation sur l’un de ses employés.

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Jean-Philippe Dunand est avocat, docteur en droit et professeur de droit du travail à la Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel. Il est également co-directeur du Centre d’étude des relations de travail. cf. www.unine.ch/cert
 
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