Les quatre portes d'entrée de l'agilité
Si tout le monde s'accorde sur la nécessité de développer l'agilité dans les organisations, il n'est cependant pas toujours facile de s'accorder sur le sens exact de ce mot valise qu'est l'agilité. Notre partenaire La fabrique de l'agilité (Fablag) en collaboration avec la HEIG-VD propose ici une définition et quatre axes pratiques.

Photo: Igor Suka / iStock
L’agilité organisationnelle consiste à développer la réactivité dans l’organisation, en s’appuyant sur l’intelligence collective de collaborateurs autonomes, afin de créer une valeur et répondre aux besoins de l’ensemble des parties prenantes. On peut rattacher ce concept à quatre grandes approches.
L'agilité stratégique
L’agilité stratégique est le courant à qui l’on doit la première apparition du concept d’agilité dans la littérature scientifique dans les années nonante. L’agilité stratégique vise à adapter les modes de production d’une organisation aux besoins de l’envi- ronnement pour rester concurrentiel.
Après la production artisanale (XVIIIe), la production de masse (XIXe et XXe) et le Lean manufacturing (dès 1945), le concept d’«Agile Manufacturing» est né aux États-Unis en 1991. Face à la concurrence japonaise, le congrès américain veut permettre aux États-Unis de retrouver un leadership industriel (Nagel & Dove, 1991) en adaptant les modes de production aux évolutions des marchés. Les auteurs du rapport de 1991 présentent l’agilité comme un nouveau paradigme sur la manière de faire des affaires. Ils la définissent suivant 4 grandes caractéristiques:
- Dynamisme et ouverture: être agile demande une vigilance constante envers les performances organisationnelles, la valeur des produits et services ainsi que les opportunités de marché en évolution. Cela demande une capacité persistante à modifier les activités et les méthodes de travail des entreprises et de leurs équipes.
- Adaptation au contexte: l’entreprise agile connaît non seulement parfaitement ses marchés actuels, ses lignes de produits et chaînes de valeur, ses compétences et ses clients, mais elle est également capable de comprendre le potentiel de futurs marchés et clients.
- Proactivité face au changement, vu comme une opportunité: une organisation agile doit disposer d'une structure et de processus administratifs qui facilitent la transition rapide des nouvelles initiatives vers des activités génératrices de valeur pour les clients. Création d’opportunités de profit et de croissance de manière constante et dynamique: les entreprises agiles précipitent le changement en créant de nouveaux marchés et de nouveaux clients au-delà de leurs marchés actuels. La force d’une entreprise agile se trouve dans sa capacité d’anticiper de manière proactive les attentes clients menant à l’émergence de nouveaux marchés à travers une innovation constante.
L'agilité opérationnelle
L’agilité opérationnelle, centrée sur la gestion de projet, est le courant qui a popularisé ce concept. Cette approche est issue des réflexions du développement logiciel souhaitant trouver une alternative à la lourdeur des méthodes classiques de gestion de projet. C’est pourquoi, en 2001, 17 spécialistes américains en génie logiciel ont rédigé en 2001 le manifeste agile dont les principes servent de boussole aux pratiques d’agilité opérationnelle.
Ce courant renvoie essentiellement au domaine opérationnel, parce que cette approche s’est avant tout développée à l’échelle des équipes, sur le terrain, pour réaliser le travail opérationnel. Ce n’est que par la suite qu’il s’est élargi à l’échelle organisationnelle (SwissQ, 2020):
2009 – 1ère vague de diffusion de l’agilité en Europe: une diffusion relativement lente des processus agiles s’opère au sein des équipes de développement de logiciel. C’est le début de l’implémentation de la méthodologie de gestion de projet SCRUM. D’ailleurs, pendant un long moment, l’agilité devient un synonyme de SCRUM. L’impulsion du changement de manière de travailler vient souvent de l’équipe elle-même.
2014 – 2ème vague de diffusion: des programmes et développement de produits plus complexes conduisent au développement de fonctionnements agiles impliquant plusieurs équipes. C’est la naissance de l’agilité à l’échelle avec l’apparition de la méthodologie SAFe (Scaled Agile Framework). De nombreuses entreprises ont souhaité adopter une méthode hybride, mêlant les techniques de gestion de projet agile à celles de la méthode en cascade, dans le but de tirer profit des avantages spécifiques de chaque approche. C’est pourquoi SAFe est devenu si populaire car cette méthodologie ne demande pas nécessairement que les silos soient supprimés.
2018-2019 – 3ème vague de diffusion: les méthodes agiles s’attellent à la coordination du business, du développement et des opérations. C’est ainsi que la troisième vague débute avec la mise en œuvre du BizDevOps ou du Business Agility. Les approches de l’agilité mettent alors l’accent sur le mindset agile (état d’esprit agile) pour embarquer les acteurs susceptibles de résister à ces méthodes au sein des entreprises: le middle management. Aujourd’hui, les méthodes et pratiques d’agilité opérationnelle issues du domaine informatique s’étendent dans d’autres domaines d’activité (Aubry, 2019).
La gouvernance agile
La gouvernance agile, favorisant une approche humaniste du management, a pris racine dans les années 1960 avec l'avènement de l'école des relations humaines. Ce mouvement intellectuel, né en réaction à l'école classique de l'étude des organisations – incluant le taylorisme, le fordisme et la bureaucratie –, vise à replacer l'humain au cœur du travail. Les premiers penseurs humanistes ont identifié le facteur humain comme source principale de résistance au taylorisme.
Dans ce contexte, une série d'études a mis en lumière l'importance de l'être humain et de sa motivation en tant que levier de performance organisationnelle. Parmi les contributions majeures influençant les modèles de gouvernance agile, on note la Théorie X et Y de McGregor (1960), la théorie de l'empowerment (1980), et la théorie de l'autodétermination de Deci et Ryan (1985).
Ces fondements ont servi de base à l’entreprise libérée et l’holacratie, dont les outils et méthodes (organisations en rôles, modalités de prise de décision et de désignation des rôles...) sont largement mobilisés dans les organisations agiles qui sont les plus motivées par l’approche humaniste de l’agilité.
L'agilité de l'organisation du travail (SmartWork)
Le terme «New Work» est apparu dans les années 1970, lorsque le philosophe et sociologue, Firthjof Bergmann (1930-2021) a prédit le passage d’une société industrielle vers une société de la connaissance et de l’information. 40 ans plus tard, les transformations numériques ont effectivement profondément bouleversé les façons de travailler.
Les New Ways of Working regroupent des modes de travail divers et variés induisant une flexibilité organisationnelle et spatio-temporelle grâce aux technologiques digitales. L’accent est mis sur les personnes et les processus, plutôt que sur les aspects techniques et informatiques. Selon le whitepaper rédigé par Swisscom (2021), les 4 thèses principales pour l’avenir du travail sont les suivantes:
- Le travail doit être pertinent: alors que les ordinateurs, robots ou machines se chargent des tâches routinières et monotones, les êtres humains doivent mettre leur énergie sur des actes où ils ont une réelle valeur ajoutée et où ils peuvent exprimer leur créativité, potentiel, atouts.
- Moins il y en a, mieux c’est: travailler moins, mais travailler mieux. Il s’agit de mettre en place des modes de travail flexible où le temps de travail est condensé sur moins de jours ou alors réparti différemment sur la semaine que dans le respect strict des horaires de bureau.
- Je travaille où je suis: bien que le bureau reste un lieu essentiel pour la collaboration, inventer, créer des liens et entretenir des réseaux, il est clé de permettre aux collaborateurs de réaliser du travail à distance.
- Le mix efficace: mettre en place un agenda flexible pour améliorer la qualité de la vie et prendre plus de plaisir au travail. Ex: travailler plus tôt le matin ou le soir pour s’accorder des pauses sport ou sociale dans la journée.