Droit et travail

Travailler sous certificat médical: risques et conséquences?

Le certificat médical établi par une personne autorisée doit être interprété comme une interdiction de travailler (partielle ou absolue). Tour d’horizon des conséquences juridiques du non-respect de cette interdiction pour l’employeur et l’employé.

Un collaborateur est en incapacité totale de travail et dispose d’un certificat médical attestant d’une incapacité totale de travail. L’employeur est informé de l’incapacité, mais le collaborateur continue de travailler: quels sont les risques encourus par l’employeur? L’employeur peut-il résilier le contrat de travail? L’employeur peut-il exiger d’un collaborateur en incapacité totale de travail de venir travailler? Si le collaborateur accepte, quels sont les risques qu’il encourt? Cette problématique souligne la question de savoir ce qu’est un certificat médical et quelle est la valeur de ce document.

Qu’est-ce qu’un certificat médical?

Le certificat médical est «un document portant sur l’état de santé d’une personne, établi par un médecin ou un autre professionnel de la santé légalement autorisé, sur la base de ses constatations, fondé sur ses connaissances médicales et destiné à prouver un fait médical ayant une portée juridique» (1).

Selon le Tribunal fédéral (ATF 4C_156/2005), le certificat médical peut être défini comme une constatation écrite relevant de la science médicale et se rapportant à l’état de santé d’une personne, singulièrement à sa capacité de travail.

Le but principal du certificat médical consiste à prouver une incapacité de travail afin d’en déduire les droits liés à celle-ci (poursuite du versement du salaire, protection contre la résiliation du contrat de travail, prestations d’assurances sociales et/ou privées etc.). Bien que d’autres moyens existent, le certificat médical reste, à l’heure actuelle, le moyen le plus répandu pour le collaborateur de prouver son incapacité de travail.

Le certificat médical est-il un titre?

La situation est différente en droit pénal et en droit civil. Sur le plan pénal, le certificat médical est un titre (art. 110 al. 4 CP - sont des titres tous les écrits destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique et tous les signes destinés à prouver un tel fait). Sur le plan civil, le code de procédure civile (CPC) distingue différents types de titres:

  • Titres authentiques (art. 9 CPC) dont l’exactitude est présumée (art. 179 CPC - les titres authentiques font foi des faits qu’ils attestent tant qu’il n’a pas été établi que leur contenu est inexact)
  • Titres sous seing privé dont il faut prouver la véracité. Le certificat médical ne jouit pas de la présomption d’exactitude et constitue par conséquent un titre probatoire établi sous seing privé. Il s’agit d’un simple moyen de preuve soumis, dans le cadre de la procédure civile, à la libre appréciation du tribunal.

Le certificat médical constitue-t-il une interdiction absolue de travailler?

Le certificat médical établi par une personne autorisée doit être interprété comme une interdiction absolue de travailler, à tout le moins lorsqu’il atteste d’une incapacité totale de travail. En cas d’incapacité partielle de travail, le collaborateur peut cependant, bien entendu, travailler dans la limite de sa capacité résiduelle de travail.

Le Tribunal fédéral a admis, dans un arrêt 4A_391/2016, la notion d’incapacité liée à la place de travail. Dans cette hypothèse, le collaborateur est considéré comme apte à exercer un autre emploi auprès d’un autre employeur. Cela implique toutefois qu’une incapacité de travail limitée à l’employeur prive le travailleur de la protection contre les congés donnés en temps inopportun (art. 336c al. 1 let. b CO). En effet, dans ce cas, le Tribunal fédéral considère qu’il n’existe pas d’impossibilité pour le travailleur de rechercher un emploi.

Travailler sous certificat médical: quels risques?

Si la plupart du temps travailler sous certificat médical peut passer inaperçu et rester sans conséquence, tel n’est pas toujours le cas, en particulier lorsque survient un accident, une rechute ou un licenciement. Le cas échéant, le collaborateur, et surtout l’employeur, encourent de lourdes sanctions.

Si l’employeur, informé de l’incapacité de son collaborateur, lui demande malgré tout de travailler, il risque de se voir reprocher une violation de son obligation de protéger sa santé (art. 328 CO ; art. 6 LTr, OPA) ce qui peut faire l’objet de sanctions:

  • civiles (réparation de l’éventuel dommage),
  • administratives (p. ex. fermeture temporaire de tout ou partie de l’entreprise) et
  • pénales (délit passible d’une peine de 180 jours-amende au plus).

Le fait pour le collaborateur de travailler sous certificat médical est également constitutif d’une infraction pénale susceptible d’être sanctionnée par une amende de CHF 10’000 au plus. En outre, cela a également des incidences au niveau des assurances sociales ou privées qui peuvent toutes deux exiger le remboursement des prestations versées en raison de l’incapacité de travail.

Conséquences pour le collaborateur

Une autre question pratique importante est de savoir ce qu’il advient de la validité d’un licenciement signifié à un collaborateur sous certificat médical qui continue néanmoins de travailler. En effet, l’art. 336c al. 1 let. b CO interdit à l’employeur, pendant une certaine durée, de procéder au licenciement du collaborateur malade ou accidenté. Deux situations doivent être distinguées:

a) L’employeur connaît l’incapacité de travail du collaborateur

Dans cette situation, la question de la validité du licenciement découle déjà en partie de ce qui a été mentionné ci-dessus. Si l’employeur est informé de l’incapacité de travail, il est de son devoir de protéger la santé du collaborateur (art. 328 CO et art 6 LTr); il doit donc le sommer d’arrêter de travailler. A fortiori, le collaborateur ne peut donc pas être licencié durant la période de protection de l’art. 336c CO.

b) L’employeur ignore l’incapacité de travail de son collaborateur

Cette situation est plus controversée. Dans un tel cas, nous sommes d’avis que le licenciement ne doit pas être considéré comme nul. Une partie de la doctrine considère en effet que le collaborateur, pour autant qu’il soit conscient de son incapacité de travail, renonce à la protection de l’art. 336c CO s’il continue de travailler.

De même, il faut selon nous considérer que l’atteinte à la santé, même si elle est attestée par un certificat médical, est dans ce cas insignifiante dans la mesure où elle n’a pas empêché le collaborateur d’accomplir son travail jusqu’au moment du licenciement, de sorte que le collaborateur n’est pas empêché de rechercher un nouvel emploi (2). Le collaborateur ne devrait donc pas pouvoir se prévaloir de la protection de l’art. 336c CO.

D’autres auteurs estiment qu’il serait tout au plus acceptable, si l’incapacité de travail est réelle, d’accorder la suspension du délai de résiliation. Cette solution a l’avantage d’accorder au collaborateur la protection offerte par l’art. 336c CO tout en considérant comme valable la résiliation du contrat de travail par l’employeur (3).

Dans un arrêt daté du 15 février 2005, le Tribunal fédéral a considéré que le congé signifié par l’employeur à un collaborateur dont il ignorait l’incapacité de travail était nul (4). Selon le Tribunal fédéral, l’intérêt pour le collaborateur de bénéficier de la protection découlant de l’art. 336c CO l’emportait dans ce cas sur la violation du devoir de fidélité que peut constituer l’annonce tardive et la remise tardive du certificat médical attestant de l’incapacité de travail.

Conclusion 

Le certificat médical: en tant que tel, ce n’est pas une preuve absolue de l’incapacité de travail, mais ce document établissant une interdiction de travailler ne doit pas être considéré comme anodin. Tant le collaborateur que l’employeur doivent s’y conformer afin d’éviter toutes sanctions, civiles, pénales et administratives. L’employeur conserve cependant le droit de contester le certificat médical.

Le collaborateur: de deux choses l’une: soit l’incapacité de travail est réelle et, dans ce cas, il est interdit au collaborateur de travailler, soit le collaborateur continue de travailler et il faut alors considérer que l’atteinte à la santé n’est pas réelle, ou du moins pas suffisante pour justifier l’incapacité de travail. Dans ce cas, il faudrait pouvoir exiger du médecin qu’il annule, respectivement modifie le certificat médical. La question d’une éventuelle responsabilité du médecin peut également se poser.

L’employeur: il peut limiter le risque en édictant des règles précises dans le contrat de travail relatives à l’obligation du collaborateur d’annoncer rapidement son incapacité de travail, à l’interdiction de travailler sous certificat médical, au contenu du certificat médical, etc.

Le contrat de travail: des règles complètes et précises réduisent l’insécurité juridique et ainsi limitent le risque de conflit.

(1) NOVIER Mercedes, Le certificat médical dans les relations de tra- vail, in: Dunand J.-P./Mahon P. (édit.), Les certificats dans les relati- ons de travail, Collection CERT, Genève/Zurich/Bâle 2018, p. 78.
(2) ATF 128 III 212 consid. 2c, p. 217; arrêt du Tribunal fédéral 4A_227/2009 du 28 juillet 2009, consid. 3.2.
(3) Voir WYLER Rémy/HEINZER Boris, Droit du travail, 4e éd., Berne 2019, p. 858.
(4) Arrêt du Tribunal fédéral 4C.346/2004 du 15 février 2005, consid. 5.1.

 

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Pierre Matile, avocat, dirige depuis sa création en 1997 CJE Sàrl, Avocats, Conseillers d'Entreprises, spécialiste dans le conseil aux employeurs et le réglement des différends en travail du travail. Lien: www.cje.ch

 

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