Au service des seniors
Le formateur Guy Bovey a créé AvantAge pour aider les seniors à réussir leur fin de carrière et rester en emploi au-delà de l’âge de la retraite. Une offre qui répond à l’intérêt soudain des organisations pour l’emploi des seniors.
Guy Bovey, Directeur d'AvantAge à Lausanne. Photo: Pierre-Yves Massot/arkive.ch
A 103 ans, Oscar Niemeyer a inauguré un centre culturel en Espagne. L’architecte brésilien illustre bien ces seniors qui restent dans le monde professionnel. Des retraités qui travaillent encore? Le phénomène des seniors actifs sur le marché du travail est en train de prendre de l’ampleur et pourrait se développer.
Moins adaptables, peu flexibles, rigides, et chers? «Ce sont les préjugés classiques négatifs à l’encontre des seniors. Car cela dépend toujours de la personne et de sa trajectoire de carrière. De toute façon, les choses sont en cours de changement. Car pour la décennie 2010, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée s’annonce sévère pour le monde du travail», déclare Guy Bovey, le dynamique directeur d’AvantAge.
Le décor est planté, les seniors ne seront pas mis au placard. D’ailleurs, quand on entre dans les locaux d’AvantAge à Lausanne, on oublie très vite que le discours s’adresse aux 50 ans et plus. Très inspiré par les rapports humains et expert dans la formation des 50 ans et plus, Guy Bovey est le concepteur et réalisateur au quotidien d’AvantAge, une institution rattachée à Pro Senectute Vaud. L’association est active à travers toute la Suisse romande et touche 1500 personnes issues de tous les secteurs économiques.
Un arrêt parfois brutal avec le monde professionnel
Quand on parle de retraite, la première question qui ressort est comment y faire face. Pour y répondre, l’institution propose toute une série de mesures pour préparer les seniors à bien démarrer dans cette nouvelle tranche de leur existence. Car la retraite est d’une part la fin des contraintes professionnelles et l’occasion d’orienter sa vie à son rythme et à sa guise, mais aussi un arrêt parfois brutal avec le monde professionnel.
Une sorte de cassure dans ses habitudes de vie qui oblige la personne à une adaptation conséquente à cette situation nouvelle. AvantAge présente aux seniors la retraite comme une nouvelle étape de leur existence dont la personne est le principal artisan au travers de séminaires animés par des professionnels. L’idée étant de se préparer et de s’informer à l’avance pour mieux négocier les différents virages de cette nouvelle étape de vie.
Une des craintes des seniors est de perdre leur emploi et de devoir en retrouver un. «Malgré tout, cela reste un grand défi de retrouver du travail à partir de 50 ans», observe Guy Bovey. Parmi les conseils donnés par AvantAge, les employés seniors doivent prendre conscience de leurs compétences techniques et de leurs réalisations, car ils ont travaillé de nombreuses années et bénéficient d’une large expérience.
«Ils doivent connaître leur plusvalue en termes d’expérience et d’expertise qu’ils peuvent offrir à une entreprise», ajoute encore le directeur. Souvent, cette tranche de population a tendance à mal se vendre lors d’un entretien d’embauche, car elle n’a pas été habituée à chercher du travail en cours de carrière. Comme pour toute recherche d’emploi, les seniors sur le marché doivent utiliser leur réseau et tous les sites internet utiles.
Maintenir leur employabilité par une mise à jour continue de leurs formations est aussi requis. «Et bien sûr être prêt à une certaine mobilité géographique et parfois même consentir à une réduction de salaire pour pouvoir lutter, pour une même fonction, à armes égales avec des concurrents plus jeunes et moins chers», précise le formateur.
Pénurie de main-d’œuvre dans l’horlogerie en 2020
Or il existe un autre défi, tout aussi important dans le monde professionnel: l’évolution démographique. Aujourd’hui, un quart de la population active est âgé de 50 ans et plus. D’ici 2020, la proportion passera à un tiers, car de 2010 à 2025, la sortie de la vie professionnelle de la génération des baby-boomers va entraîner une pénurie de main-d’œuvre qualifiée progressive dans les secteurs de l’économie en croissance, comme l’horlogerie.
«Nous n’arriverons pas à remplacer les personnes âgées sortantes par des jeunes, car depuis la fin des années soixante, le taux de fécondité a diminué. Ainsi les entreprises doivent préparer une relève et se demander quels seniors pourraient encore rester dans l’entreprise. Et commencer à fidéliser certains employés stratégiques.
Dès lors, les quinquagénaires qualifiés avec cinq ou dix ans d’ancienneté vont devenir très attractifs sur le marché du travail. Mais nous ne sommes qu’au début de ce phénomène et les entreprises commencent juste à s’y préparer», explique Guy Bovey. Ainsi les employeurs doivent établir un plan prévisionnel des départs programmés afin de disposer d’une vision précise et sûre des profils et des volumes des départs à la retraite comme base de la planification de la relève.
Parmi les moyens à dispositions, elles peuvent notamment vérifier les intentions de départs des seniors et établir ensuite une cartographie des profils et des effectifs à remplacer.
Les seniors souvent utilisés pour réguler les effectifs
Pour inciter les seniors à continuer au-delà de leur âge AVS, plusieurs solutions peuvent être proposées. Pour commencer, il faut valoriser le collaborateur entre 50 et 65 ans et maintenir sa motivation jusqu’en fin de carrière. D’autant qu’actuellement, la tendance est plutôt de partir avant l’âge de la retraite et même de plus en plus tôt. Les employés vivent souvent mal la fin de leur vie professionnelle, car ils sont de plus en plus confrontés aux pressions de la recherche de productivité et de rentabilité.
S’ils peuvent se le permettre, ils souhaitent donc quitter au plus vite le monde du travail devenu pénible. Dès maintenant, les entreprises doivent donc trouver des solutions pour inverser cette tendance. Jusqu’à aujourd’hui, les 50 ans et plus ont souvent été utilisés pour réguler les effectifs lors de restructurations et ont même été encouragés financièrement à quitter l’entreprise plus vite.
Et maintenant, pour éviter la pénurie de main-d’œuvre de la décennie 2010 sur le marché de l’emploi, les entreprises souhaitent les garder dans leurs effectifs. Ainsi, la roue tourne aussi dans le monde professionnel. «Dans les modalités intéressantes, il faudrait par exemple pouvoir diminuer progressivement son temps de travail à partir de soixante ans pour faciliter le travail des gens qui arrivent fatigués en fin de carrière.
Une manière de lever le pied avec un 80 pour cent de 60 à 63 ans et ensuite un 60 pour cent de 63 à 65 ans et poursuivre à 40 pour cent à partir de 65 ans. Ce système permet aussi de quitter le monde professionnel de manière moins brutale.» Par ailleurs, cette nouvelle manière de gérer les fins de carrière offrirait aussi une solution aux déficits des assurances sociales en augmentant la masse des cotisations pour faire face au vieillissement de la population.
Infirmier, responsable RH et spécialiste des seniors
Né en 1950 à Chanéaz (canton de Vaud), Guy Bovey est un homme de contact. Après une première formation d’infirmier qui ne correspond pas à ses attentes, le Vaudois amorce très vite un virage et se lance dans une carrière dans les ressources humaines à l’âge de 24 ans. Toujours curieux de découvertes, il se forme de manière continue en emploi (CRQP, Analyse transactionnelle, PNL), désireux de mieux connaître les aspects psychologiques des comportements humains.
Il obtient le diplôme universitaire en formation d’adultes à l’Université de Genève. Il se spécialise ensuite avec une formation en gérontologie au centre Interfacultaire de cette même Université. Jusqu’à l’âge de 40 ans, il occupe ainsi plusieurs postes dans les ressources humaines et exerce aussi comme formateur pour différentes sociétés comme Veillon, Nestlé, Migros ou encore la BCV.
Après 16 ans au service de grandes sociétés, il décide de s’éloigner du secteur privé. Il bifurque et crée le secteur formation chez Pro Senectute pour développer des séminaires destinés à préparer les gens à la retraite ou des séminaires pour les quinquagénaires confrontés au marché de l’emploi.
Cet important virage lui permet d’entrer dans le milieu social et de se recentrer sur son intérêt pour l’être humain. Il conclut: «Avant, je donnais des séminaires pour développer la compétitivité et la rentabilité des effectifs. Maintenant, j’anime des formations pour aider les employés à valoriser leur potentiel d’être humain, professionnel et personnel.»
Guy Bovey en 20 secondes
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