Le couple qui aide les managers à renouer avec leurs intelligences naturelles
Créé en 1990 dans le canton de Fribourg par Cornelia et Jean-Marc Berger, l’Institut Berger a déjà accompagné près de 500 cadres pour améliorer leur communication. La méthode s’appuie sur les fondements des neurosciences pour permettre aux managers de mieux appréhender les différents modes de fonctionnement de leurs équipes.
Jean-Marc et Cornelia Berger à Marly (canton de Fribourg), mai 2010. Photo: Aldo Ellena/arkive.ch
Un couple qui dure grâce à la communication. Le cliché arrachera peut-être un soupir à plusieurs d’entre vous. Non, non, vous n’êtes pas en train de lire les conseils thérapeu-conjugaux de la dernière édition de Femina… Dans le cas qui nous intéresse, c’est bien de communication de managers dont il est question. Et secondairement seulement, d’un couple. Cornelia et Jean-Marc Berger. Ces deux fribourgeois ont créé il y a vingt ans l’Institut Berger.
Inspirée des neurosciences, leur méthode cherche à renouer les liens entre le fonctionnement de l’être humain et les lois naturelles. «Notre cerveau dispose d’une faculté d’apprendre phénoménale. On a longtemps cru que cette neuroplasticité était un don réservé aux enfants. On sait aujourd’hui que cela se poursuit jusqu’à la mort», assure Jean-Marc Berger, 53 ans.
Son Institut emploie aujourd’hui cinq collaborateurs, avec un rayonnement local. Mais le couple Berger cherche à développer le concept en Suisse romande. «Nous sommes en train de passer d’un mode de fonctionnement artisanal à un style plus industriel», sourit son épouse Cornelia Berger, 60 ans. A ce jour, près de 500 cadres ont déjà suivi leurs séminaires.
La plupart d’entre eux en sont ressortis transformés. Plus habiles dans leur manière de communiquer, de donner du feed-back et de gérer les conflits. Devant cette longévité, HR Today a voulu en savoir un peu plus. Et avouons-le, l’aspect conjugal de cette entreprise de formation continue nous intriguait également. On a donc pris rendez-vous.
Une posture commune: lui au front, elle légèrement en retrait
C’est lui qui ouvre la porte de leur domicile familial, situé dans un quartier résidentiel de Marly, une commune-dortoir de la ville de Fribourg. Elle se tient en retrait, le sourire rayonnant. Passé le seuil, un bâtonnet d’encens lâche ses derniers effluves. La posture (lui au front, elle, légèrement en retrait) sera leur marque de fabrique durant tout l’entretien. Mot clé: complémentarité.
Quand il cherche un souvenir, c’est elle qui bouche le trou. Quand elle livre une idée pour illustrer un cas pratique, lui corrige le tir et précise la pensée. Il est plutôt dans le rationnel et la rigueur logique, avec beaucoup de bienveillance. Elle est plus directe, voire un peu rentre-dedans. Moins contrôlée, plu chaleureuse. Les deux maîtrisent l’art de l’écoute.
On commence par lui. Il dit: «Pendant longtemps, on a cru que pour bien communiquer, il fallait traiter ses collaborateurs comme on a envie qu’ils nous traitent. Mais si vous procédez de cette manière, vous réduisez tout à votre propre point de vue. Ce qu’il faut essayer, c’est de traiter ses collaborateurs comme ils aimeraient être traités. Pour y parvenir, il faut s’intéresser à eux et à leur neuroterritoire». Voilà le pitch de la méthode Berger.
Comment ouvrir son esprit à l’autre? Comment passer du mode de pensée dissociatif en mode associatif? Comment ne pas enfermer la réalité qui nous entoure dans des petites boîtes bien étiquetées? Comment au contraire donner du sens dans un contexte plus universel? Si l’intention paraît assez simple, le chemin pour y arriver est plus complexe.
Dans le jargon, on appelle cela un modèle. Celui de Jean-Marc et Cornelia Berger est une marque déposée, divisé en trois grands chapitres. 1) Le neuropotentiel. 2) Le neuroterritoire. Et 3) Le «LFI» – Learn from Instinct. Pour mieux le comprendre, nous l’avons appliqué à son créateur Jean-Marc Berger. Voici le résultat.
Le neuropotentiel: une parcelle de terre, prête pour la semence
En langage agricole, le neuropotentiel est une parcelle de terre, labourée et trempée par la pluie, prête pour la semence. Chez Jean-Marc Berger, cette terre féconde a été préparée par son père, ouvrier dans une usine à Treyvaux (canton de Fribourg) et une mère, femme au foyer. De sa mère, il reçoit la gentillesse: «une clé relationnelle»; de son père la rigueur intellectuelle: «indispensables dans la vie professionnelle».
Arrivé au collège Saint-Michel de Fribourg, le jeune Jean-Marc Berger découvre pour la première fois son neuropotentiel. Il s’enflamme: «Grâce à quelques professeurs, je me suis découvert une énorme fringale d’apprentissage. L’art, la littérature, l’histoire, la philosophie… Ces profs ont allumé en moi un esprit de découverte qui n’a eu de cesse de se développer depuis.» Son bac terminé, il se forme en pédagogie artistique et devient professeur dans un collège du district de la Gruyère.
«Je voulais éveiller le potentiel de mes étudiants et leur permettre de donner le meilleur d’eux-mêmes. La gentillesse et la rigueur ont toujours été deux outils très utiles dans mon parcours», poursuit-il. Sa femme complète: «Avec le temps, tu as développé l’élégance relationnelle. Une faculté qui t’a permis d’aller au-delà de la gentillesse, qui est parfois liée à la peur d’une réaction négative.»
Elle, de son côté, grandit à Lausanne Mère au foyer et père carrossier indépendant. Après une formation d’enseignante, elle travaille pendant huit ans au service de formation continue de la Croix Rouge fribourgeoise Elle y découvre l’énorme potentiel des méthodes d’évaluation-progression. «Comment faire émerger des compétences cachées chez les collaborateurs?» Jean-Marc et Cornelia ne se connaissent pas encore mais ont déjà une passion commune: le goût de l’interaction humaine et des étincelles qui peuvent en résulter.
Passons au neuroterritoire. Jean-Marc Berger: «C’est la représentation du monde, qui est unique à chacun d’entre nous. Un filtre avec lequel nous recevons les informations pour les projeter dans notre esprit.» Cornelia Berger: «Le neuroterritoire est à la fois une limite et une ouverture. «Limite» car nous avons tendance à tout ramener à notre unique point de vue. «Ouverture», parce que cette classification du monde est la richesse de chaque individu. Notre neuroterritoire permet à l’autre de nous comprendre et donc de mieux communiquer avec nous».
Celui de Jean-Marc Berger a pris un sérieux coup dans les dents lors d’un voyage en Australie en 1988. Il y découvre la culture aborigène, avec ses mythes et ses légendes. «L’univers des aborigènes est guidé par les lois du vivant. J’ai été bouleversé. Et j’ai réalisé que ma grille de lecture de l’univers avait des limites.» Son épouse com-plète: «Pour simplifier, on peut dire que la culture aborigène est associative. Elle réunit l’homme avec son milieu naturel et estime que la coopération des êtres humains est un acte naturel.
En Occident par contre, la culture est beaucoup plus dissociante. Nous nous sommes progressivement coupés de nos origines naturelles et de nous-mêmes.» A son retour d’Australie, Jean-Marc Berger décide de quitter la fonction publique pour se mettre à son compte. «Le passage du secteur public au statut d’indépendant a été un autre changement radical de mon neuroterritoire», sourit-il. C’est également durant cette période qu’il épouse Cornelia, rencontrée lors d’une formation continue sur les bancs de l’Université. Deux ans plus tard, mariés et pa rents d’une fille, ils lancent l’Institut Berger (qui s’appelle alors Equinox interActions).
«Tout ce que nous enseignons, nous l’avons essayé»
Le couple trouve rapidement ses marques dans cette nouvelle vie dédiée à l’accompagnement managérial. Le bouche-à-oreille fait le reste. Les participants sont invités à vivre une expérience plus qu’à suivre un cours. «Tout ce que nous enseignons, nous l’avons essayé. Et nous nous soumettons au même rituel à chaque séminaire», assure Cornelia.
C’est le troisième et dernier volet du modèle Berger: «le LFI» – Learning from Instinct. Elle poursuit: «Tous nos modèles et nos enseignements sont mis en scène et vécus par les participants. C’est le meilleur moyen de changer durablement les gens. Il faut qu’ils prennent conscience de leur fonctionnement et des effets de leur comportement auprès des autres.»
Le profil du manager idéal? Cornelia Berger: «C’est quelqu’un de très flexible. Il ou elle est capable de passer d’une intelligence à une autre selon les situations et les rôles. La difficulté est d’être capable de réagir autrement que d’habitude. Mais un bon manager est aussi un excellent observateur, il est plus sensoriel qu’intellectuel et maîtrise l’art de se projeter dans l’avenir.»
Le couple Berger avoue également être de grands consommateurs de formation continue. «Nous nous développons sans arrêt. Grands adeptes du courant systémique du psychiatre parisien Jacques-Antoine Malarewicz, ils se forment également en techniques de supervision, en hypnose eriksonnienne et en PNL. Jean-Marc Berger regrette cependant la faible crédibilité de ces formations dans la communauté managériale. Des livres de chevet? Ils citent sans hésiter «The seven habits of highly effecive people» de Stephen Covey et «L’intelligence du stress» de Jacques Fradin.
Le couple utilise aussi fréquemment la vidéo pendant leurs séminaires. Un des exercices consiste à demander à une équipe d’organiser un événement lors d’une séance d’une dizaine de minutes. La séquence est ensuite visionnée par le groupe, sans le son. Jean-Marc Berger commente: «Le langage non-verbal est édifiant. Après quelques secondes, les rôles sont déjà répartis. Le leader frontal parle sans arrêt. Le vrai leader observe la scène et marque sa présence par quelques interventions brèves mais décisives. Le contre-pouvoir s’assied de travers, les bras croisés, et exprime son désaccord. Le conciliateur cherche à recréer du lien. Le bouc émissaire passe inaper-çu et accepte sans sourciller les tâches qu’on lui confie... Observez un groupe d’humains pendant une séance de travail et vous réaliserez à quel point la nature nous guide encore profondément.»
L’Institut Berger express