Employer Branding

Comment les géants informatiques américains se disputent les talents

Malgré une pénurie d’informaticiens sur le marché de l’emploi helvétique, plusieurs géants américains de l’Internet ont établi leur siège européen en Suisse. Pour attirer et fidéliser les meilleurs, ils développent des programmes complets d’Employer branding. Les éléments décisifs: le suivi de carrière, le work-life balance et offrir une activité intéressante.


C’est le secteur économique qui a connu la croissance la plus spectaculaire de ces trois dernières années. Les chiffres sont renversants. Le géant de l’Internet Google employait trois personnes en Suisse en 2003. Ils sont plus de 350 aujourd’hui. Ils viennent d’ailleurs d’inaugurer des locaux flambants neufs à Zurich. La croissance est similaire chez eBay, dont le siège international a été inauguré en 1995 à Berne, et qui emploie aujourd’hui 100 équivalents temps-pleins. Le moteur de recherche Yahoo! a annoncé en 2007 son intention d’ouvrir un site européen à Avenches, dans la Broye vaudoise. Le leader américain des transactions sécurisées sur le web VeriSign a ouvert la même année un centre de données à Fribourg. Avec quarante créations d’emplois à la clé. Très connu dans le segment de la sécurité des transactions bancaires, l’américain Swift a annoncé en 2007 la créa-tion d’un centre de données à Zurich, avec une vingtaine de postes. Et on ne parle même pas des grands acteurs de la branche qui sont Microsoft et IBM. Présents en Suisse depuis des décennies et qui emploient ensemble des milliers d’ingénieurs en informatique. Cette forte implantation de sociétés IT américaines sur sol helvétique pose plusieurs questions intéressantes du point de vue d’une politique d’Employer branding. La première touche directement au marché suisse de l’emploi. Qui connaît depuis plusieurs années une pénurie d’ingénieurs informatiques. Selon Christophe Andreae, actif dans le recrutement de personnel auprès de la société JRMC & associés, entre 2002 et 2006, le nombre d’étudiants en informatique de 1ère année a diminué de moitié. Les prévisions sont également mauvaises de l’autre côté de la pyramide des âges puisque dans les cinq prochaines années, toute une génération d’informaticiens vont partir à la retraite. Christophe Andreae précise que la pénurie d’informaticiens est un problème global, qu’on retrouve chez tous nos voisins européens. Malgré cette situation, les opérateurs IT affluent en Suisse. Voici comment les entreprises attirent et fidélisent les talents.

Une entreprise en forte croissance attire automatiquement les talents

Avant de s’intéresser aux politiques RH qui font la différence, quelques vérités s’imposent. On ne le dira jamais assez, ce sont avant tout les succès commerciaux et la performance business d’une entreprise qui forment le cœur d’une bonne politique d’Employer branding. Google, dont le succès commercial n’est plus à démontrer, reçoit un CV toutes les deux secondes. Randy Knaflic, responsable du recrutement chez Google en Europe, Moyen-Orient et Afrique ajoute: «Un ingénieur apprécie particulièrement notre puissance informatique. Nous sommes en mesure de réaliser ses rêves les plus fous. Avoir ce genre de moyen est clairement un atout de taille sur ce segment très disputé.» Même constat chez eBay. Dominik Lütolf, DRH pour l’Europe et l’Asie, assure: «Notre marque est très connue en Suisse et à l’étranger. La croissance est constante depuis dix ans et le segment est très dynamique. Nous n’avons pas de difficultés à recruter.» L’argument de la puissance commerciale est aussi avancé par Mauro Paulon, responsable de la recherche de talents pour Microsoft en Suisse: «La qualité du business est notre meilleure carte de visite sur le marché du travail. Avec plus de 10 milliards de dollars de bénéfice net chaque année, Microsoft n’a pas de peine à attirer les talents. Le mythe autour de la personnalité de Bill Gates joue aussi en notre faveur. Sans parler de la renommée de nos produits Windows Client, Office 2007, Live.com et X-Box. Avec des marques pareilles, notre renommée n’est pas à faire». A noter que Microsoft est établi en Suisse depuis 1989. Depuis 2005, ses ressources humaines ont bondi de 250 à 450 personnes. 

Le problème de ces grandes sociétés se situe plutôt au niveau du choix des candidats, note Christophe Andreae. «Ils recherchent en général des profils d’ingénieurs avec des compétences business. Et c’est là que tout se complique.» Mauro Paulon confirme: «Nous cherchons à recruter des ingénieurs en informatique avec des compétences dans la vente et le marketing. Il s’agit avant de tout de répondre aux besoins de nos plus gros clients établis en Suisse.» Randy Knaflic nuance: «Nous cherchons avant tout des ingénieurs passionnés par les nouvelles technologies. Ils doivent avoir envie de mener un projet de A à Z. Ce sont souvent des créateurs de start-up ou des doctorants des hautes écoles.» Chez eBay, ce sont de plus en plus les compétences humaines qui font la différence au moment du recrutement. Dominik Lütolf: «Nous avons dégagé quatre principes comportementaux auxquels nous attachons une grande importance. La confiance, le sens du leadership, la sensibilité humaine et une certaine capacité à comprendre la psychologie des autres collaborateurs. La plupart de nos candidats ont des diplômes hors du commun. Mais la discussion finale dépend de plus en plus de ces soft skills.»

Horaires flexibles, formation et participation aux bénéfices

Pour se distinguer de la concurrence, on assiste aussi au développement de faveurs que l’employeur est en mesure d’offrir à ses talents. Concernant la politique d’Employer branding externe, la tendance actuelle est de multiplier les supports. Chez Microsoft, le re-crutement de cadres spécialisés s’effectue sur plusieurs supports simultanément. «En plus de notre homepage, nous postons nos offres d’emplois sur les portails de recrutement, dans la presse écrite et auprès des cabinets de re-crutement. Nous avons aussi élaboré un système de recrutement interne avec une prime de 3000 francs pour le collaborateur qui parvient à recruter quelqu’un dans son réseau personnel», détaille Mauro Paulon. La présence sur les forums universitaires est également incontournable (voir à ce sujet notre dossier en page 20-21). 
En interne, les horaires de travail flexibles, le temps partiel et le télétravail sont de plus en plus cités en exemple. Les avancées technologiques comme le wireless (réseau Internet sans fil) offrent une série de possibilités. La société IBM a d’ailleurs été pionnière sur ce terrain puisqu’elle offre à ses collaborateurs la possibilité de travailler depuis la maison depuis de nombreuses années déjà. 
Chez eBay, un programme complet appelé «great place to work» regroupe toutes les politiques RH de leur stratégie d’Employer branding. Le package comprend de la forma-tion et du suivi de carrière; l’importance de proposer un travail intéressant aux collaborateurs qui exigent plus de responsabilités et une vraie expérience qualifiante, du work-life balance et les rémunérations.
Question «benefits et compensation» justement, le segment informatique connaît une réelle surenchère salariale depuis quelques années, remarque Christophe Andreae. C’est le principe de l’offre et de la demande. Sans mentionner de fourchette salariale, Mauro Paulon précise que Microsoft offre des packages de rémunération avec des actions du groupe et des jours fériés. En plus des rémunérations sonnantes et trébuchantes, eBay fait l’effort de célébrer les événements spéciaux. Dominik Lütolf: «Ce n’est pas dans la mentalité européenne. Mais reconnaître et célébrer une réussite est très important. Chez eBay, 23 nationalités différentes travaillent ensemble. Nous avons donc décidé de célébrer chaque fête nationale autour d’un repas. Les échos sont très positifs.»
La formation est une autre attente incontournable des informaticiens. Christophe Andreae: «Cela s’explique par la rapidité des transformations technologiques. Par définition, un informaticien est toujours en train de se former. Pour les petites sociétés informatiques, qui ont plus de peine à attirer des talents, la formation devient décisive. Etablir un réseau avec les hautes écoles locales peut être une option intéressante. Et il faudra aussi commencer à engager des jeunes sans expériences pour les former en interne. C’est «back to basics», en quelque sorte.»

Nourriture gratuite, salles de relaxations et fitness ultra moderne

En plus de la formation, les petits à-côtés qu’une société est en mesure d’offrir à son personnel font de plus en plus la différence. Chez eBay, les locaux ont été rénovés en open-space, avec des salles de conférences pour les séances collectives ou les entretiens individuels. L’ergonomie des places de travail est soignée. Mais c’est surtout l’exemple de Google qui est emblématique. Outre la gratuité de la nourriture et des boissons (comme le font la plupart des sociétés interrogées), les salariés du géant de l’Internet disposent de nombreuses salles de loisirs et de repos. Après un journée particulièrement éprouvante, les employés peuvent se détendre accompagnés de chants d’oiseaux dans une salle de repos équipée de chaises longues et dans laquelle la seule source de lumière provient d’aquariums. Une baignoire remplie de cubes en matière synthétique est aussi prête à les accueillir. Sans compter le restaurant du premier étage avec son propre chef. Et les employés soucieux de leur ligne peuvent aisément éliminer les calories en excès dans la salle de fitness ultra-moderne.

Les intervenants

Randy Knaflic est responsable du recrutement chez Google en Europe, Moyen-Orient et Afrique.

Les intervenants

Dominik Lütholf est DRH pour l'Europe et l'Asie au siège international d'eBay à Berne.

 

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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