Work-Life Balance

Comprendre et mettre en œuvre les fondamentaux du Work-Life Balance

Très en vues dans les chartes d’entreprises et les plans de communication, les politiques RH favorisant le Work-Life Balance passent difficilement du discours à la réalité. Pour aider les entreprises à s’en sortir, le SECO a publié plusieurs brochures détaillant les modèles d’aménagement du temps et les meilleures pratiques. Tour d’horizon.

La tendance est difficile à implémenter. Très apprécié par les médias qui couvrent abondamment le sujet, le Work-Life Balance rencontre plusieurs résistances dans les entreprises. Si on réduit cette tendance au nombre de temps partiel dans la population active suisse, la courbe est ascendante. En 2009, une personne active sur trois occupait un poste à temps réduit (+ 14,2 pour cent depuis 2004). Il faut cependant nuancer cette tendance puisque une partie de ces temps partiels ne sont pas souhaités par les salariés. 

La frontière toujours plus floue entre vie privée et vie professionnelle pose également problème. Les téléphones portables et les courriels sont en partie responsables de ces interférences. Tour d’horizon des principaux enjeux et quelques stratégies pour aller de l’avant avec Anne Küng Gugler, responsable du dossier «Concilier travail et famille» et Maggie Graf responsable du Secteur «Travail et Santé» au Secrétariat d’Etat à l’Economie (SECO). 

Hétérogénéité des besoins et des attentes face au travail 

Les difficultés rencontrées par les entreprises qui désirent mettre en place un environnement de travail qui favorise le Work-Life Balance (WLB) trouvent leur origine dans une contradiction fondamentale entre l’individu et le collectif. Soigner son équilibre de vie est une démarche individuelle. Pour certains collaborateurs, ce sera pour des raisons familiales, pour d’autres une passion pour le sport ou les voyages... 

Deuxième facteur déterminant: le rapport entre individus et travail est pluriel et complexe. Le travail gagne-pain. Le travail passion. Le travail subi. Le travail entrepris. Le travail défi. Le travail instrumentalisé... 

Devant cette hétérogénéité des besoins et des attentes, les entreprises tentent d’apporter des solutions collectives. Par souci d’équité entre les collaborateurs mais aussi pour simplifier la gestion. Il est à noter que la loi sur le travail oblige les entreprises à respecter la sphère privée des collaborateurs. Les employeurs n’ont d’ailleurs souvent pas le temps ni envie d’en savoir plus. 

Anne Küng Gugler résume la posture à adopter: «C’est un échange d’informations, puis une négociation à mener entre l’employé, avec ses intérêts privés, d’une part, et son supérieur, avec les impératifs de gestion de l’entreprise d‘autre part». Concrètement, les options sont multiples: temps partiel, partage de poste (jobsharing), télétravail, annualisation du temps de travail, horaire mobile, brèves absences, congés payés ou non payés (sur tous ces modèles lisez l’article de Birgit Peeters dans HR Today version française, n°4-2010, pp. 18-19). 

Cette flexibilité du temps de travail et de l’organisation du travail doit toutefois respecter le cadre fixé par le droit du travail, prévient Anne Küng Gugler, qui fixe notamment une limite au nombre d’heures pouvant être effectuées sans interruption ou par semaine». 

Le contrôle du temps de travail est le levier principal pour lutter contre le stress, estime Maggie Graf. Elle poursuit: «Nos recherches ont montré qu’autant les hommes que les femmes se plaignent d’interférences entre les sphères professionnelles et privées. Le problème va dans les deux sens. Une vie privée équilibrée diminue le stress. 

Pour l’entreprise, qui ne souhaite pas s’immiscer dans la vie privée de ses collaborateurs, c’est très important de veiller à ce que le temps de travail soit respecté. Cela ne veut pas dire que les périodes de surcharges de travail ne sont plus possibles. Elles doivent simplement être compensées par des périodes de récupération, en dehors des temps de vacances.» 

Un retour sur investissement de huit pour cent 

L’enjeu WLB se situe donc dans l’interface entre l’employé et son employeur. Il n’existe pratiquement pas de dispositions législatives en matière de conditions de travail favorables à la famille. Sans le bon vouloir de l’employeur, difficile d’avancer. Ce dernier commence néanmoins à comprendre les avantages qu’il peut retirer d’une politique de WLB réussie.

Selon une étude de l’Initiative privée «travail et famille» (Migros, SECO, La Poste, Novartis, le Groupe Raiffeisen) publiée en 2003, le retour sur investissement se chiffre à environ huit pour cent. Un calcul qui tient compte du taux de retour plus élevé des salariées à leur poste après la naissance d’un enfant, par l’allongement du temps de travail lors de la réintégration de l’entreprise et par une fréquence plus marquée des carrières menées en interne. 

Anne Küng Gugler appelle de ses vœux «une culture du dialogue» et une approche plus proactive de la part des patrons. «La charte d’entreprise est un bon début, mais ce qui compte vraiment, c’est le passage du discours à la réalité. Cette posture implique un climat de confiance. Il faut montrer aux collaborateurs que le dialogue est possible.» 

En plus du dialogue et de la transparence, la culture d’entreprise doit évoluer vers une gestion axée davantage sur les résultats – et moins sur le temps de présence. «Ce change- ment de paradigme implique que l’on accorde davantage d’autonomie aux collaborateurs dans leur organisation du travail, ce qui par ailleurs augmente leur productivité. 

Et, en assumant plus de responsabilités, les collaborateurs comprennent aussi mieux les contraintes de l’entreprise», détaille Anne Küng Gugler. Cette culture du résultat implique cependant de faire confiance à ses équipes. Elle conseille également de prendre les personnes travaillant à temps partiel autant au sérieux que celles engagées à temps plein.

Concrètement, cela revient à traiter ces premières sur un pied d’égalité en matière d’accès à la formation continue et à tenir compte de manière systématique de leurs obligations familiales dans la planification des tâches et les plans d’affectations. Cela y compris quand il s’agit de fixer des séances ou des cours de formation continue. 

«La prévisibilité est un autre aspect important: éviter, tant que se peut, les décisions ou changement de dernière minute est d’ailleurs bénéfique pour tout le monde, peu importe le taux d’occupation. Il faut enfin accepter les situations d’urgence, qui sont courantes avec des enfants en bas âge», note Anne Küng Gugler. «En retour, en cas de fluctuation imprévisible du volume d’activité, ces collaborateurs seront la plupart du temps disposés à faire preuve, temporairement, d’une disponibilité accrue.» 

«On assiste à une véritable omertà autour du stress des cadres» 

L’encadrement est sans doute la population la plus difficile à gérer en termes de WLB. «On assiste à une véritable omertà autour du stress des cadres, qui n’osent très souvent pas aborder le malaise avec leurs supérieurs. Il faudrait leur laisser cette latitude et demander aux cadres ce qui leur permettrait de faire baisser leur niveau de stress. Il s’agit très souvent de mesures très simples à mettre en place», note Maggie Graf. 

Anne Küng Gugler ajoute: «Les tâches d’un responsable de ligne ne sont pas uniquement des tâches décisionnelles. Chaque poste à responsabilité comporte sa part de gestion administrative. Ces tâches secondaires n’ont pas besoin d’être effectuées à la seconde. On peut très bien imaginer une meilleure segmentation du cahier des charges afin de leur accorder du temps ou en tout cas de baisser la pression.» 

L’encadrement est sans doute la population la plus difficile à gérer en termes de Work-Life Balance également. Une solution possible réside dans le jobsharing, qui prévoit de partager un poste de travail entre deux personnes. Mais ce modèle rencontre de nombreuses oppositions au sein des entreprises, avant tout sur le plan des mentalités. Il se heurte à la culture de l’omniprésence des cadres. 

Anne Küng Gugler regrette cet a priori: «Les responsables de ligne ne sont souvent pas atteignables toute la journée, ils sont en séance ou en déplacement à l’extérieur. Quant à l’argument du pouvoir décisionnel non sécable, Anne Küng Gugler estime que c’est un argument masculin. «Les femmes ont l’habitude de cette collaboration. 

Cela nous paraît plus évident.» On parle souvent du coût du jobsharing (la coordination nécessaire entre les deux membres du tandem), sans voir les avantages apportés par ce modèle (la somme des compétences et la vision plus globale apportée par les deux individus). 

Anne Küng Gugler conclut: «Le jobsharing a été érigé en icône. Comme s’il fallait trouver des jumeaux pour réussir. Alors que le travail en équipe dans l’entreprise, même dans des domaines clés, paraît être une évidence, bizarrement, dans le cas du jobsharing, cela paraît quasiment impossible à réaliser.» Le SECO est d’ailleurs en train de préparer une publication, à l’attention des entreprises, destinée à promouvoir les femmes dans les fonctions dirigeantes. Un document que l’on pourra commander gratuitement sur son site internet au printemps prochain.

Les intervenantes

Anne Küng Gugler est responsable du dossier «Concilier travail et famille» et cheffe suppléante du secteur «Analyse du marché du travai et politique sociale», au Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO).

Les intervenantes

Maggie Graf est responsable du secteur «Santé et Travail» au SECO.

 

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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