Compte rendu du livre de Marie-Anne Dujarier: Le management désincarné, éd. La Découverte, 2015, 259 pages
Sociologue du travail et des organisations, Marie-Anne Dujarier propose ici une grande enquête (10 ans de recherches) sur les planneurs et les dispositifs de gestion qui tuent la confiance, le sens et le travail de qualité.
Photo: Marc Benninger
Les planneurs sont les fonctions qui planifient et organisent l'activité (donc désincarnés de la réalité du terrain). Ce sont des dirigeants, des cadres et les fonctions finance, RH, marketing, qualité et les spécialistes du changement par exemple. Ce management désincarné serait responsable de la rupture de confiance entre les travailleurs·euses et l'entreprise.
Cette nouvelle classe de managers apparait durant les années 1980 avec l'avènement du néo-libéralisme. Leur mission est d'appliquer des directives, des processus et des normes. Ces prescripteurs s'appuient sur les dispositifs de gestion formalisés et enseignés dans les business schools afin d'organiser le travail à distance, optimiser la performance (+15%) et améliorer la qualité.
C’est aussi l’affrontement entre le réalisme économique (qui est un point de vue, montre bien Marie-Anne Dujarier) et la réalité du terrain. Les tenants du réalisme économique prônent le bon sens économique, l'efficacité, la baisse des coûts et de l'endettement. En face, vous retrouvez les sujets sur le terrain. Celles et ceux qui se débrouillent pour passer du travail prescrit au travail réel.
Elle critique aussi la fonction RH qui pilote l'activité via des tableaux de bord au lieu de regarder la route. Les indicateurs RH: absentéisme, turnover et masse salariale ne disent rien de la réalité des enjeux humains qui se jouent au quotidien. Paradoxalement, les planneurs empêchent le travail de qualité. Ce bel ouvrage qui exige non seulement la tête mais aussi le corps et le coeur.